L'Académie nouvelle

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
L'Académie nouvelle

Forum d'archivage politique et scientifique

Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

    Lilian Truchon, Lénine épistémologue

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
    Admin


    Messages : 19627
    Date d'inscription : 12/08/2013
    Localisation : France

    Lilian Truchon, Lénine épistémologue Empty Lilian Truchon, Lénine épistémologue

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 10 Aoû - 20:27

    https://www.revuegruppen.com/gruppen/lilian-truchon/

    "La “théorie du reflet” [...] ne signifie aucunement qu'un sujet cognitif puisse copier et reproduire passivement une réalité objective et extérieure à lui, c'est-à-dire acquérir une image immédiate du réel, au prix de l'oubli illusoire de sa propre subjectivité. Par conséquent, la théorie du reflet n'entretient aucune analogie possible avec un essentialisme de type aristotélicien ou avec la contemplation d’Idées platoniciennes immuables (où l’objet extérieur serait en quelque sorte l’Idée). Au contraire, elle exclut l’idée que le reflétant reflète immédiatement et totalement le reflété car il n’y a pas d’essence fixe des choses. Elle décrit un processus cognitif rationnel et actif qui n’oublie ni l’objet ni le sujet cognitif mais pense les deux dialectiquement comme une unité des contraires. Autrement dit, elle exclut toute argumentation sur la possibilité de connaître a priori la réalité matérielle. Elle implique plutôt qu’il faut partir de l’immanence du monde, sans adjonction extérieure et sans déduire ce monde d’un autre, et cela est le résultant d’un effort rationnel de la pensée humaine pour s’affranchir de tout élément de spiritualisme et de toute idée de transcendance. C’est donc délibérément que le sujet cognitif va faire abstraction de sa subjectivité à la manière en quelque sorte d’une épochè mais qui ne renoncerait pas à tout jugement a posteriori, ou bien à la façon d’une “acatalepsie” réaliste qui exclurait la projection intentionnalisante à quoi se réduit primitivement le finalisme. C'est ce que l'on pourrait nommer l'âge adulte de la connaissance. Que signifie le fait que sujet cognitif et objet fonctionnent comme une unité de contraires (couple d'opposés) ? Que leur identité n'est que partielle, relative historiquement parlant, puisqu'il y a antériorité de l'objet (la matière) sur le sujet (la pensée). Le processus cognitif témoigne donc d'une relation asymétrique constitutive qui doit être considérée comme asymptotique : les points de la courbe asymptotique figurent les “vérités relatives” d'un savoir s'approchant de plus en plus de la “vérité absolue” ; l'avancée infinie de la courbe figure le passage de « l'en soi » à une connaissance humaine « pour soi », non limitable en droits. Autrement dit, ce processus fonctionne comme un champ ouvert, jamais clôturé, illustrant sa dimension historique (relative)."
    -Lilian Truchon, Postface de 2015 à Lénine épistémologue. Les Thèses de Matérialisme et Empiriocriticisme et la constitution d’un matérialisme intégral, Delga, Paris, 2013.

    « Le réaliste confronte continuellement les idéaux avec la réalité et rectifie continuellement les images de cette dernière. Il ne se limite pas à représenter la réalité, mais il la fait prévaloir sur l'idéalisation. » -Bertolt Brecht.

    "Les études historiographiques ont montré que Lénine n'a pas écrit son ouvrage dans l'intention d'expulser les opposants politiques au sein du POSDR, comme Pannekoek le soutient. Cf. John Eric Marot, « Alexandr Bogdanov, Vpered, and the Role of the Intellectual in the Workers Movement », The Russian Review, vol. 49, 1990, p. 241-264." (note 1 p.Cool

    "Ce qu'est ce courant empiriocriticiste. D'une manière très générale, c'est d'abord un empirisme qui repose sur un principe ontologique selon lequel « le monde n'est constitué que de nos sensations ». Il n'y a pas de « chose en soi », qu'elle soit d'ailleurs inconnaissable, comme chez E. Kant, ou connaissable, comme l'affirment les matérialistes, en la situant dans le temps et l'espace. Par conséquent, et c'est ici la dimension critique de la théorie de la connaissance empiriocriticiste, les sensations sont non seulement la seule réalité phénoménale accessible, mais aussi la seule existante. Il n'y a donc pas de réalité objective, extérieure à l'homme, comme la matière, le temps et l'espace ou la causalité.

    Affirmer le contraire est une démarche fallacieuse et métaphysique, allant au-delà des sens. Au contraire, ces sensations qui seraient l'unique source des phénomènes suggèrent pour Lénine un retour théorique à l'idéalisme subjectif, et plus précisément à l'immatérialisme de l'évêque et philosophe irlandais George Berkeley (1685-1753) pour qui, selon son aphorisme célèbre, « Esse est percipi », c'est-à-dire « être, c'est être perçu » ou, rajoutera-t-il, « percevoir » (« aut percipere »). Ce postulat ontologique peut être ramené au point de vue de l'idéalisme affirmant l'antériorité de la pensée (qui perçoit) sur l'être, de l'esprit sur la nature. Mais Mach et les empiriocriticistes, qui refusent d'être assimilés à des idéalistes subjectifs disciples de l'évêque irlandais, s'abstiennent de se prononcer - car il s'agit pour eux d'un questionnement « métaphysique » - sur la nature de l'origine ou sur la primauté de la pensée sur l'être (la réalité), questions auxquelles répondent traditionnellement, d'une manière opposée, le matérialisme et l'idéalisme. C'est là que se loge un agnosticisme méthodologique de circonstance qui sert en réalité au rejet du déterminisme. Mais au-delà de sa présentation polémique dirigée essentiellement contre le courant de Mach pour la défense du matérialisme philosophique, l'ouvrage de Lénine expose des thèses gnoséologiques positives qu'il va s'agir de commenter : la possibilité de la connaissance objective, le caractère cognitif et explicatif de la science, la théorie du reflet, la catégorie philosophique de matière, le processus de connaissance comme asymptote.

    Dans la seconde partie, intitulée « la constitution d'un matérialisme intégral », nous nous intéresserons à un thème sous-jacent : la possibilité, avec les progrès des sciences de la nature, de fonder un matérialisme intégral non-réductionniste. En effet, contre l'empiriocriticisme qui veut éliminer la matière au nom de l'économie de pensée, le révolutionnaire russe rappelle le principe d'Engels selon lequel l'unité du monde consiste précisément dans sa matérialité. À partir de là, et contre Ernst Mach et ses partisans qui soutiennent l'idéalité du temps et de l'espace, Lénine explique que le temps et l'espace sont des formes nécessaires, coextensives de la matière en mouvement, et qui par conséquent ne peuvent être comprises que relativement à celle-ci. Ce ne sont pas des objets spéciaux existant en dehors et à côté de la matière. On a bien affaire ici à un matérialisme intégral. Par ailleurs, lorsque Lénine rend compte du matérialisme comme d'une pensée moniste que l'on peut désigner comme « émergentiste », il s'agit implicitement de résoudre le dualisme apparent entre physique et psychique, matière et pensée, « nature » et « culture », tel qu'il a été longuement entretenu par toute une tradition philosophique." (pp.9-11)

    "
    (pp.15-19)
    -Lilian Truchon, Lénine épistémologue. Les Thèses de Matérialisme et Empiriocriticisme et la constitution d’un matérialisme intégral, Delga, Paris, 2013.




    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


      La date/heure actuelle est Dim 28 Avr - 6:33