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    Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte Empty Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 13 Déc - 21:20

    "Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la révolution industrielle et les bouleversements qu'elle induit s'accompagnent d'une révolution picturale, l'impressionnisme, premier mouvement d'avant-garde de la modernité. En 1874, sur le mode du collectif, une trentaine d'artistes régulièrement refusés au Salon décident de se regrouper en société coopérative pour présenter leurs œuvres. Les huit expositions qu'ils organiseront jusqu'en 1886 bouleversement fondamentalement l'histoire comme le monde de l'art.
    L'intérêt commun des impressionnistes réside dans une peinture qui s'intéresse à la représentation de la vie au jour le jour -le cercle familial, les loisirs, le travail, les industries naissantes, les transformations sociales, etc.-, laissant de côté tout ce qui relève des canons académiques jusqu'alors en usage. Par ailleurs, le traitement qu'ils font de la couleur libère celle-ci peu à peu des contraintes du sujet, jusqu'à anticiper sa disparition au profit d'une pure abstraction." (p.6)
    -Philippe Piguet, avant-propos à Emmanuelle Delapierre et Bertrand Tillier (dir.), Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte, Gand, Éditions Snoeck, 2020, 199 pages.

    "Paul Signac signe un article intitulé "Impressionnistes et révolutionnaires" en 1891." (p.7)
    -Jöel Bruneau, avant-propos à Emmanuelle Delapierre et Bertrand Tillier (dir.), Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte, Gand, Éditions Snoeck, 2020, 199 pages.

    "La révolution impressionniste, tout entière dévouée au présent du monde, transitoire et fugitif, instable et mélangé." (p.Cool
    -Emmanuelle Delapierre, in Emmanuelle Delapierre et Bertrand Tillier (dir.), Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte, Gand, Éditions Snoeck, 2020, 199 pages.

    "Pendant la décennie 1868-1878, l'impressionnisme a fait du travail moderne un thème légitime pour la peinture d'avant-garde. A quelques exceptions près, pourtant, ces images excluaient l'ouvrier lui-même, préférant célébrer un paysage contemporain portant les signes d'une modernité industrielle. Cette période voit des motifs comme des usines, des routes nouvelles, des canaux et des ports, tout comme des chemins de fer entrer dans le canon de la peinture." (p.13)

    "Courbet tirait ses sujets du peuple, surtout rural. Son grand sujet du travail moderne était Les Casseurs de pierres, qui montraient des ouvriers de la campagnes, déchus de leur travail agricole traditionnel du fait des transformations économiques, préparant la matière première pour l'infrastructure moderne -des routes et des voies ferrées." (p.14)

    "Tout en voulant documenter leurs nouveaux thèmes, les peintres leur ont souvent donné une valeur esthétique, inspirée peut-être par une expansion du sens baudelairien du spectacle de la vie moderne." (p.15)

    "Au début des années 1870, Monet, élevé au Havre, avait déjà exécuté autour du port industriel du Havre, en face duquel son père et sa tante avaient une affaire d'import-export, un groupe de tableaux de la même envergure (dix tableaux connus) que la série de la gare Saint-Lazare (onze tableaux connus). L'œuvre la plus célèbre aujourd'hui est celle qui donna son nom à l'impressionnisme, Impression, soleil levant, exposée à la première exposition indépendante des impressionnistes en 1874." (p.15)

    "[L]es photographies inondaient la culturelle visuelle à tel point qu'un Salon de photographie fut lancé en 1859 où de semblables clichés étaient exposés à côté (mais avec une entrée séparée) du Salon d'art." (p.17)

    "Le nouveau pittoresque industriel pouvait avoir des implications politiques -célébrer le progrès de la France, surtout après la défaite accablante de la guerre allemande de 1870, puis le massacre de la Commune. Une œuvre de Monet, Déchargeurs de charbon à Clichy, est un des seuls tableaux impressionnistes qui donne à l'ouvrier un rôle important avant que Caillebotte ne se joigne au groupe. Se doutant que des images de prolétaires ne plairaient pas -on s'était plaint en 1849 par exemple de la mauvaise hygiène et de l'odeur puante des Casseurs de pierres de Courbet-, Monet a intégré ses ouvriers dans une composition rendue insolite et originale par ses effets esthétiques. Dans une atmosphère sombre, les usines de Clichy à l'arrière-plan, les figures sont disposées sur des planches, séparées par des intervalles qui les isolent en autant de lugubres contrepoints. Leur posture signale la précarité du support sur lequel elles circulent, sans souffrance toutefois, malgré le fardeau qu'elles portent. Il faut que le poids semble assez tolérable pour préserver à la fois leur viabilité physique et un minimum de dignité [...] Les ouvriers ne sont que des silhouettes-fantômes. Tous sont des chiffres dans un monde "autre" encadré par le pont et ses piliers comme une scène théâtrale, observée par un des piétons sur le pont qui interrompt sa traversée pour regarder ce spectacle insolite." (p.18)

    "L'industrie moderne tenait donc une place importante dans l'œuvre de Monet au cours des années 1870. Un de ses tableaux les plus spectaculaires était le Train de cargo à Déville-lès-Rouen, peint lors d'une visite à son frère, lequel gérait une usine de couleurs synthétiques pour la compagnie suisse Geigy. C'est, déployé sur la colline derrière le train, le paysage industriel le plus vraisemblable dans l'œuvre de Monet. Une forêt de cheminées s'est comme substituée aux arbres. L'air est empreint de ce qu'on peut reconnaître comme des gaz polluants, mais qui, à l'instar de la vapeur d'une locomotive, peut aussi célébrer la puissance industrielle française. Au premier plan, trois petits spectateurs donnent l'échelle, suivant un motif dérivé des scènes de paysages dits "sublimes" où l'homme paraît petit face à la grandeur de la scène. On pourrait évoquer ici non pas seulement un nouveau pittoresque, mais un "sublime industriel"." (pp.19-20)

    "Peut-être inspiré par son amitié avec Pissarro, Paul Cézanne lui-même participa brièvement à cet interlude de paysagisme industriel, mais avec une différence assez marquée par rapport à son collègue. Les compositions de Cézanne manifestent une certaine violence d'exécution pré-impressionniste, héritage de sa période dite "romantique". La spectaculaire Tranchée de chemin de fer creusée dans une colline près de chez lui à Aix-en-Provence [...] en témoigne[...]." (pp.21-22)

    "On dit souvent que l'art impressionniste incarne l'esprit positiviste de l'époque. C'est vrai en apparence et beaucoup de commentaires superficiels voyaient ce lien, jusqu'à appeler les tableaux des copies de la réalité et les comparer aux photographies, lesquelles passaient pour un produit de la mécanique. Malgré les thèmes contemporains, la vérité est plus complexe. Le plus éminent philosophe d'art de l'époque positiviste était Hippolyte Taine, qui publia ses cours de l'École des beaux-arts dans sa Philosophie de l'art (1865). Il enseignait que l'art est le produit de son époque, déterminé par trois éléments principaux: le climat, le milieu (social) et la race (nationalité). Zola, disciple de Taine, voulait y ajouter le tempérament personnel, qui expliquerait l'originalité de chaque artiste [...]
    Même pour les positivistes les plus convaincu, l'art ne "copiait" pas ; l'art est créatif et variable suivant des données diverses.
    Une autre facette du positivisme était sa disposition politique progressiste. [...] Pour [Auguste Comte], on n'arriverait à l'harmonie promise par diverses théories sociales de l'époque qu'en se fiant à l'observation empirique jusqu'à rejeter la religion et toute philosophie métaphysique spéculative. Une telle ambition motivait déjà Courbet inspiré par son mentor Pierre-Joseph Proudhon. Dès la première exposition impressionniste (1874), trois années après la Commune, une part importante des critiques associaient les participants avec la gauche militante et son chef Courbet, dont Monet était un ami proche.
    Les années 1880 virent la quasi-disparition des sujets industriels chez les impressionnistes, qui avaient pour la plupart réussi à trouver un marché grâce à Paul Durand-Ruel, suivi par Georges Petit, les deux marchands les plus avant-gardistes. Pour eux, comme pour le public bourgeois, les thèmes industriels ne se vendaient guère, hormis la série exceptionnelle de la gare Saint-Lazare de Monet [...] Les représentations d'industrie ont été reprises par certains néo-impressionnistes, qui à la fois par leur style pointilliste (impersonnel et démocratique) et leurs images plus ouvertement ouvrières, manifestaient leurs idées radicales, souvent anarchistes. Pissaro, par exemple, qui suivait provisoirement cette tendance, déclarait qu'il trouvait la peinture de Monet trop "romantique"." (pp.22-23)
    -James H. Rubin, "L'impressionnisme et le nouveau pittoresque moderne", in Emmanuelle Delapierre et Bertrand Tillier (dir.), Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte, Gand, Éditions Snoeck, 2020, 199 pages.

    "Je n'ai pas à plaider ici la cause des sujets modernes. Cette cause est gagnée depuis longtemps." -Émile Zola, "Les paysagistes", L'Événement illustré, 1er juin 1868, dans Mon Salon (1868), Œuvres complètes, Henri Mitterand (ed.), Paris, Cercle du livre précieux, 1969, vol. 12, p.870.

    "
    -Emmanuelle Delapierre et Bertrand Tillier (dir.), Les villes ardentes (1870-1914). Art, travail, révolte, Gand, Éditions Snoeck, 2020, 199 pages.




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