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    Vincent Coussedière: « L’assimilation n’est pas une politique parmi d’autres, elle est la politique même »

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Vincent Coussedière: « L’assimilation n’est pas une politique parmi d’autres, elle est la politique même » Empty Vincent Coussedière: « L’assimilation n’est pas une politique parmi d’autres, elle est la politique même »

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 13 Juin - 21:56

    "Derrida, tout comme Foucault d’ailleurs, ont dit leur dette à Sartre en matière d’engagement politique. Celui-ci a eu une influence déterminante dans la réorientation « moralisatrice » et culpabilisatrice de la gauche intellectuelle française. Pour la question qui nous occupe, je montre que c’est dans Réflexions sur la question juive, publié en 1946, que vient se nouer le triple verrouillage sur lequel repose l’idéologie migratoire: la honte de la nation et de sa tradition assimilatrice, la promotion de l’ « identité » des victimes de l’assimilation, l’engagement politico-médiatique en faveur de leur « reconnaissance ». Sartre est le fondateur de ce que j’appelle le « programme de la honte ». À partir de la honte du sort fait aux juifs sous l’occupation, Sartre engage une critique de la démocratie assimilationniste. C’est en effet tout le programme assimilationniste porté par la révolution française que Sartre vient inverser. On se souvient de la phrase de Clermont Tonnerre: « Il faut tout refuser aux juifs comme nation, et accorder tout aux juifs comme individus ». Cela signifie que la France reconnaît les juifs en tant que citoyens, ayant les mêmes droits et devoirs que les autres citoyens. La France reconnaît des Français juifs et non des Juifs français. Sartre vient faire peser le soupçon d’antisémitisme et de racisme sur ce programme assimilationniste qu’il voudrait inverser. Pour lui la reconnaissance de l’« identité » doit primer sur l’appartenance citoyenne à la nation, c’est ce qu’il appelle le « libéralisme concret » dont je montre qu’il est en réalité une ébauche de programme multiculturel. Ce qui est « concret » pour Sartre c’est l’identité définie par la religion, la race ou le sexe, ce qui est abstrait et aliénant, ce qui vient détruire et menacer cette identité concrète, c’est l’assimilation à la démocratie nationale. Selon Sartre, le démocrate « souhaite séparer le juif de sa religion, de sa famille, de sa communauté ethnique, pour l’enfourner dans le creuset démocratique, d’où il ressortira seul et nu, particule individuelle et solitaire, semblable à toutes les autres particules. C’est ce qu’on nommait aux États-Unis, la politique d’assimilation. Les lois sur l’immigration ont enregistré la faillite de cette politique et, en somme, celle du point de vue démocratique ». Ce texte condense toute l’opération de l’idéologie migratoire: l’amalgame entre l’assimilation nationale et le sort abominable fait aux juifs. Bien avant qu’Erdogan ne s’empare de ce thème, comparant à Cologne, en 2008, l’assimilation à un crime contre l’humanité, Sartre compare celle-ci aux pires exactions commises contre les juifs."

    "Avant même l’invention de SOS Racisme par le parti socialiste, ce dernier s’était converti au droit à la différence et à une conception de plus en plus multiculturelle de la société. Dans le Projet socialiste pour la France des années 80 on pouvait déjà lire: « Les socialistes entendent reconnaître aux immigrés le droit à leur identité culturelle. La transmission de la connaissance et de la culture nationale à leurs enfants sera favorisée par tous les moyens. Car il n’est pas question de rompre avec leur pays d’origine. (…) Il faut préparer les nations les plus riches, dont la France, à envisager leur avenir en termes communautaires. ».

    « Identité », le mot était donc lâché dès 1980. Alors que la politique d’assimilation mettait au second plan l’ «identité» des immigrés, la politique d’intégration faisait de celle-ci une richesse devant laquelle il fallait s’incliner. Le président du Haut-Conseil à l’intégration, Marceau Long, avait été bien choisi par Michel Rocard puisque il avait exprimé, dès son rapport de 1988: Être Français aujourd’hui et demain, sa défiance pour le terme d’assimilation, au nom de la nécessaire reconnaissance de l’identité de l’immigré: « L’expression est regrettable, puisqu’elle semble impliquer que les étrangers perdent leurs caractéristiques d’origine pour devenir seulement des Français. ». On appréciera le « seulement des Français » qui montre à quel point le « travail de taupe » de la honte de la nation instauré par Sartre avait fait des dégâts dans les élites françaises."
    -Vincent Coussedière: « L’assimilation n’est pas une politique parmi d’autres, elle est la politique même », Entretien avec Eugénie Bastié, Le Figaro, 21/03/2021: https://www.lefigaro.fr/vox/societe/vincent-coussediere-l-assimilation-n-est-pas-une-politique-parmi-d-autres-elle-est-la-politique-meme-20210321



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