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    Gaël Brustier et Julien Landfried, Classes populaires : pour sortir des mythes

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Gaël Brustier et Julien Landfried, Classes populaires : pour sortir des mythes Empty Gaël Brustier et Julien Landfried, Classes populaires : pour sortir des mythes

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 18 Fév - 14:02

    "La France populaire, celle des ateliers et des usines n’est plus celle des grandes métropoles mais une France périphérique, soit périurbaine, soit rurale. Depuis le début des années 1980, la France subit un double effet d’étalement urbain et d’expulsion des ouvriers et des employés de ses villes centres. [...]

    Un exode urbain se produit en direction des zones périurbaines d’une part et des zones rurales de l’autre. Ainsi les communes périurbaines, peuplées de 820 habitants en moyenne, accueillent-elles un nombre croissant d’ouvriers et d’employés. Les grandes métropoles se nourrissent par exemple d’un salariat d’exécution dans le domaine des services qui a élu domicile dans l’espace périurbain.

    Le dédain pour la France des pavillons fait l’impasse sur le fait qu’une grande partie du salariat d’exécution français a opté pour l’habitat individuel et le pavillon loin des centres-villes où on peut encore trouver des prix de terrain accessibles, loin aussi des quartiers gangrenés par la délinquance. Etalement urbain et précarisation des classes dites «moyennes» mais appartenant en réalité au salariat d’exécution sont deux phénomènes corrélés l’un à l’autre.

    35% des actifs des mondes ruraux sont des ouvriers, fait constamment ignoré ou mésestimé. Les premières victimes de la crise et des délocalisations depuis 2008 sont en effet les ouvriers ruraux ainsi que les précaires, de plus en plus nombreux dans un rural tout à la fois délaissé et refuge des plus modestes. [...]

    Une dimension fondamentale de la globalisation financière est l'œuvre de sape qu'elle a accomplie au regard de l'identité des mondes ouvriers. Le sociologue Norbert Elias avait défini dans les Logiques de l'exclusion le fonctionnement des ressources d'autochtonie qui était consubstantiel à la définition de l'identité des mondes ouvriers de l'Europe d'après la révolution industrielle.

    Le capital d’autochtonie - conceptualisé par Jean-Noël Retière - est définissable comme l’ensemble des ressources mobilisables par celui qui est né là où il vit et qui lui donnent un avantage social par rapport à celui qui vient d’ailleurs. Ce capital, adossé au sentiment de l’enracinement local, a longtemps permis une participation à la vie publique et une insertion dans l’économie locale plus aisées pour les couches populaires. La globalisation financière, et son impact en termes de délocalisations, est coupable d’avoir fait voler en éclats le «capital d’autochtonie» et d’avoir entraîné une désaffiliation massive des citoyens. Il s’ensuit que le besoin de «sécurisation morale» s’est développé et que, l’exercice de la citoyenneté se trouvant malmené par la crise, les revendications sociales ont pu, parfois, se muer en revendications « morales ».

    La France souffre, dans la compétition mondiale, d’une désindustrialisation massive, dans un contexte de monnaie surévaluée, d’absence de protections commerciales et de refus de politique industrielle cohérente. Mettre un terme à l’appauvrissement des classes populaires et redonner un avenir à la jeunesse du monde du travail passe par une réindustrialisation de la France. Où l’on voit qu’à l’heure de la globalisation financière, tout est lié.

    Enfin, comment ne pas voir que, face à cette réalité sociale, l’offre politique peine à répondre ? Les questions de l’industrie, du libre-échange, de l’école, de la sécurité ne sont pas traitées dans le champ politique. La crise de la représentation puise ses sources dans cette non prise en compte des enjeux qui déterminent pourtant l’avenir des classes populaires… autant que de notre pays."
    -Gaël Brustier et Julien Landfried, "Classes populaires : pour sortir des mythes", 13 décembre 2010: https://www.liberation.fr/societe/2010/12/13/classes-populaires-pour-sortir-des-mythes_700185/




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