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    Simon Springer, Pour une géographie anarchiste + Illegal evictions? Overwriting possession and orality with law’s violence in Cambodia

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 15 Fév - 22:16

    https://anarchistgeography.com/about

    "Ni Reclus ni Kropotkine ne distinguaient leur réflexion politique de leurs travaux scientifiques ; on peut d'ailleurs affirmer sans se tromper que leur engagement anarchiste a stimulé leur approche de la géographie en insufflant une créativité remarquable à leur pratique savante." (p.12)

    "Penser de façon relationnelle implique à la fois de souligner le lien entre espace et temps et de reconnaître qu'aucun lieu n'est isolé de la vaste histoire de l'espace. Dans cette perspective, l'espace ne se résume pas à un simple contenant à remplir de quelque substance, mais à une réalité toujours matérielle et déjà porteuse de sens. Le concept demande également de réfléchir à la signification et à la nature des "relations" ainsi qu'à leurs liens avec le pouvoir. En résumé, la géographie relationnelle cherche à donner sens à un monde infiniment complexe, en perpétuel devenir. Cependant, la notion d'espace relationnel est aussi porteuse d'un projet politique, d'une possibilité d'élargir le cercle de l'empathie et de réorganiser les lieux de pouvoir en renforçant les liens de solidarité. Ainsi, au lieu de se limiter au devenir, l'espace, sous sa forme politique idéalisée, appelle à devenir beau. [...]

    Dans son volumineux traité intitulé Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes, Élisée Reclus développe de façon très rigoureuse l'idée selon laquelle tous les humains devraient partager la Terre de manière fraternelle et refuser collectivement toute prétention à la supériorité d'une culture sur une autre. Il s'agit certes d'une idée optimiste ; du point de vue postcolonial et poststructuraliste contemporain, la notion même d' "universel" peut laisser un goût amer. La pensée de Reclus s'inscrit dans les limites de la philosophie européenne du XIXe siècle, mais, comme l'explique Federico Ferretti, son universalisme n'est "pas l'affirmation de quelques assimilation incontournable ou d'un processus évolutif immuable: il s'agit plutôt de l'affirmation d'un espoir de voir les principes de "coopération" et de "libre fédération" se répandre sur toute la planète". C'est pourquoi il importe de considérer son œuvre comme une tentative de proposer une solution de rechange au discours colonialiste et raciste qui prédominait alors en Europe. Ainsi peut-on trouver chez Reclus une variante précoce d'un courant politique qui envisage le lien (ou la relationalité) comme un levier. Son langage n'est pas celui, beaucoup plus nuancé, des géographes qui appartiennent au courant relationnel contemporain, mais ceux-ci partagent essentiellement son désir de tisser des liens dans l'espace en vue d'élargir l'horizon de l'empathie. Son œuvre recèle d'autres parallèles avec ce courant: plutôt que de ne s'intéresser qu'au sort des êtres humains, Reclus propose une vision large de leur relation globale à l'environnement et prône le rétablissement de l'équilibre et de l'égalité entre l'humanité et la biosphère." (p.17-18)

    "La propriété est un rapport de domination [...] il faut la considérer comme une forme particulière de violence. Ainsi, quand on entend que des anarchistes auraient commis des actes de "violence" contre la propriété [...] de tels actes peuvent difficilement être considérés comme violents. Ils constituent plutôt une forme de résistance contre la violence. Je ne considère pas non plus l'auto-défense comme une forme de violence, car celle-ci ne vise aucunement la coercition ou la domination, mais plutôt la préservation de soi. Dans ces pages, je prône un anarchisme pacifique [...] Quand je parle de violence, je mets en question un rapport de pouvoir inégal comportant une composante de coercition ou de domination [...] Je ne crois pas qu'il faille s'agenouiller aux pieds de son oppresseur si l'on est écrasé par la violence. On peut ressentir le besoin de se soulever et de se défendre -ce qu'il ne faut pas confondre avec la violence-, mais je ne saurais appuyer la moindre attaque préméditée ou préventive qui viserait à mutiler ou à tuer [...] Parce que l'anarchisme unit les moyens et les fins en un tout indissociable et qu'il porte le désir d'un monde équitable et paisible, la violence est incompatible avec son projet." (pp.24-25)

    "Le poststructuralisme a amplement démontré que la vérité est nécessairement une notion construite, et que la connaissance émerge de propositions incomplètes, subjectives et contestées." (p.31)

    "Je rejette l'idée voulant qu'une contribution originale à la géographie doive nécessairement découler de l'interprétation de faits empiriques. Ainsi, ce livre ne constitue pas une analyse détaillée d'expressions géographiques particulières des pratiques de l'anarchisme ; il propose plutôt une géographie anarchiste." (p.32)

    "La géographie théorique est nécessaire. [...] Pour que le champ des possibles reste ouvert et vivant, il faut être prêts à donner libre cours à une nouvelle imagination -une imagination qui requiert l'adoption d'un nouveau vocabulaire et une volonté de repousser les limites du langage. Ainsi, bien que les concepts de "préfiguration", d' "affinité", de "relationalité" et de "politique rhizomatique" puissent sembler difficiles à saisir de prime abord, ils sont des éléments essentiels du lexique de l'émancipation." (p.33)

    "L'anarchisme est une philosophie politique moderne issue de la pensée des Lumières." (p.49)

    "Ce séjour en Sibérie a fait naître chez [Kropotkine] un imaginaire géographique très différent de celui des marxistes: plutôt que d'insister sur le rôle central du travailleur industriel, il souligne l'importance de l'agriculture, de la production locale et de l'organisation décentralisée de la vie rurale." (p.54)

    "[Bookchin est] fortement inspiré par le naturalisme éthique de Reclus et de Kropotkine." (p.56)

    "La parution du premier numéro de la revue Antipode: A Radical Journal of Geography témoigne de l'émergence d'une nouvelle éthique en géographie humaine, laquelle tourne le dos aux modèles stochastiques, aux statistiques inférentielles et à l'économétrie pour adopter une approche qualitative qui place l'expérience vécue des êtres humains au cœur de sa méthodologie. Les acteurs de cette mouvance critique les géographies positivistes, qui ne représentent selon eux qu'une façon parmi d'autres de connaître et d'habiter le monde [...] Des courants marxistes et féministes auront tôt fait de trouver leur place dans cette géographie critique naissante [...]

    Il n'est guère étonnant que le fondateur d'Antipode, Richard Feet, se dise inspiré par Kropotkine et souhaite que la géographie critique adopte son anarcho-communisme comme point de départ. Les travaux de Kropotkine inspirent aussi Myrna Breitbart, selon qui l'organisation des paysages humains dépossède la majorité parce qu'elle avantage une minorité de privilégiés [...] En 1978, elle dirige un numéro spécial d'Antipode sur l'anarchisme et l'écologie, dans lequel elle situe nommément les idées anarchistes au cœur de la géographie critique. [...] On y explore également la collectivisation ouvrière et les pratiques spatiales appliquées lors de la Révolution espagnole [...] Reclus et Kropotkine y sont couverts d'éloges." (pp.57-58)

    "Numéros spéciaux d'Antipode et d'ACME." (p.67)

    "La pensée anarchiste [est] fondée sur le rejet de toutes les formes de domination, d'exploitation et d' "archie" (domination institutionnalisée), d'où le nom d' "an-archie" (absence de domination). En théorie comme en pratique, l'anarchisme cherche à créer une société où les individus sont libres de coopérer entre eux, égaux à tous les égards, non pas devant quelque garantie juridique ou souveraine (qui impose de nouvelles formes d'autorité, des critères d'appartenance et des limites territoriales rigides), mais devant leurs pairs, en toute solidarité et dans le respect mutuel." (p.72)

    "Reclus défend une conception intégrale du monde selon laquelle chaque phénomène, humanité comprise, est considérée comme indissociable des autres êtres vivants et des caractéristiques géographiques du milieu où il se manifeste." (p.76)

    "L'Etat-nation contemporain [est] une réplique à petite échelle de l'Etat colonial [...] Ces deux puissances expriment les mêmes principes violents en vertu desquels une minorité de privilégiés exerce son influence sur la majorité, à qui elle impose une identité particulière en vue d'oblitérer des sentiments d'appartenance antérieurs." (p.85)

    "L'internationalisme, par définition, ne peut transcender l'Etat, car il présume l'existence de l'Etat-nation. En prônant la coopération transgéographique entre nations, Marx ne dépasse pas la notion d'Etat-nation, entendue comme unité fondamentale d'appartenance." (p.86)

    "L'avènement d'un pouvoir populaire nécessite la coopération sociale, fondée sur la confiance mutuelle des citoyens." (p.90)

    "Nourrir une culture do it yourself (DIY) centrée sur l'action directe, la non-marchandisation et l'entraide." (p.91)

    "Le lieu où s'affranchir du pouvoir souverain n'est pas enraciné dans quelque entité fixe (tel le "piège du territoire" propre à l'Etat), mais dans une affirmation inexorable de la liberté par des associations affinitaires processuelles qui peuvent être complètement transitoires ou un peu plus permanente." (p.96)

    "Les géographies anarchistes devraient avoir pour fonction de dissoudre tous les schèmes de catégorisation et de classification qui défendent la permanence spatio-temporelle."(p.97)

    "Les géographies anarchistes devraient avoir pour fonction de dissoudre tous les schèmes de catégorisation et de classification qui défendent la permanence spatio-temporelle."(p.97)

    "Tout effort de subdivision du réel en composantes politiques, économiques, sociales, culturelles, environnementales ou autres [devrait être] considéré comme une pure invention visant à dompter, à contraindre, à diviser et à endiguer un tout irréductible." (p.98)

    "L'agent du changement historique n'est plus l'ouvrier, mais un groupe hétérogène qui défie l'universalisme de l'identité prolétarienne -les manifestants anticapitalistes." (p.98)

    "L'anarchisme cherche tout autant à mettre fin à la domination de classe, à équilibrer les échanges interculturels et à redéfinir les relations entre les sexes qu'à abolir l'Etat." (p.106)

    "Garderies coopératives, fêtes de rue, jardins communautaires, universités populaires, mobilisations éclair, cuisines collectives, non-scolarisation, médias indépendants, occupation de toits, dons d'objets en ligne, groupes d'action directe, partage de fichiers numériques, ateliers de couture, occupation d'arbres, sabotage, entraide spontanée lors de catastrophes, détournement culturel, salons du livre indépendants, microradios, formation de coalitions, hacking collectif, récupération, grèves spontanées, coopératives de partage d'outils, associations de locataires, organisation sur les lieux de travail, squats... Toutes ces pratiques sont de l'anarchisme en action et ont des implications résolument spatiales." (p.110-111)

    "Pour Guy Debord (qui s'inspirait du marxisme) [...] les potentialités de rupture avec le capitalisme se situent dans la pratique quotidienne et l'expérience vécue -une dimension complètement absente du marxisme classique. Engels était incapable de réfléchir au-delà de sa conception particulière de la révolution, qu'il invoquait d'ailleurs pour justifier l'autoritarisme inhérent aux idées marxistes." (p.129)

    "L'anarchisme cherche à réinventer la vie quotidienne en créant activement des réseaux horizontaux d'affinité et d'entraide en lieu et place des structures hiérarchisées." (p.134)

    "La démocratie [radicale] ne constitue plus un système de domination ("archie"), mais un mode particulier de pouvoir." (p.149)

    "La croyance voulant que les questions politiques soient de nature morale -et donc susceptibles d'être traitées de façon rationnelle- est centrale pour la démocratie délibérative. L'objectif démocratique s'y limite à l'établissement d'un consensus rationnel ; quiconque remet en question ce principe en soutenant que le politique est un domaine où l'on doit s'attendre à trouver la discorde est accusé de miner la possibilité même de la démocratie. Contrairement à la variante délibérative, une démocratie digne de ce nom reconnaît et encourage l'affrontement entre des positions politiques démocratiques. Cela signifie qu'une démocratie court toujours un risque de violence, mais, paradoxalement, celui-ci se trouve atténué par le fait qu'on laisse le conflit jouer un rôle intégrateur. Sinon, [selon Chantal Mouffe, il] existe un danger persistant de voir "le conflit démocratique remplacé par une bataille entre des valeurs morales non négociables ou des formes essentialistes d'identification". Ainsi, la violence latente est beaucoup plus marquée dans les modèles "démocratiques" qui ont renoncé à l'agonisme au profit de l'antagonisme, non seulement en raison des hiérarchies inscrites dans toutes les variantes de domination systématisée (et défendues par les "démocraties institutionnelles"), mais aussi parce que, en régime démocratique non agoniste, les "eux" qui se distinguent du "nous" ne peuvent être considérés comme des adversaires politiques légitimes et respectés. Nécessairement perçus comme des ennemis moraux, économiques ou juridiques -comme des ennemis de la raison- ces "eux" deviennent des "eux barbares".
    Par conséquent, malgré la proclamation d'une "troisième voie" et sa mise en œuvre inoffensive, seule la démocratie radicale peut fonder une société enracinée dans la non-violence, laquelle se rapprocherait grandement de l'anarchisme
    ." (pp.150-151)

    "[La relation] entre la démocratie radicale et l'espace est déterminante, car la démocratie requiert des lieux où non seulement les gens peuvent se rassembler pour débattre des enjeux du moment, mais aussi où les idées peuvent être contestées. Une société démocratique doit mettre l'espace public en valeur en tant que forum accessible à tous les groupes sociaux, où aucun élément dissuasif structurel n'empêche les individus de participer aux affaires publiques. En soi, l'espace public doit être le lieu où s'établissent les représentations, les discours et l'agonisme d'une collectivité ; il peut ainsi devenir le principal moyen par lequel les identités se créent et sont remises en question.
    L'importance du rôle de l'espace public dans la formation de l'identité est bien établie en géographie humaine. Ce processus de création s'opère dans les deux directions, car l'identité remplit une fonction déterminante dans la définition des contours de l'espace public. Tandis que ce dernier permet aux gens de prendre part à des initiatives concertées tout en maintenant le caractère distinct de leur voix, la représentation requiert un espace physique où les individus et les groupes peuvent faire connaître leurs besoins et se présenter en tant que revendicateurs légitimes de la considération du public. Mais le droit à la représentation n'est pas toujours reconnu, comme en font foi les régimes autoritaires ; et par conséquent, la notion d'espace public peut aussi avoir trait au degré d'interaction politique auquel une personne a droit. Dans cette perspective, Hannah Arendt qualifie celui-ci d' "espace de l'apparence", ou d'espace nécessaire à ce que les gens soient vus. L'action et le discours ont besoin de visibilité, car, pour que le politique soit vraiment démocratique, il ne suffit pas qu'un groupe d'individus isolés vote de façon anonyme, comme c'est le cas en démocratie agrégative. L'appartenance à toute sphère publique exigeant un minimum de participation, les individus doivent se rassembler physiquement et occuper un espace commun. Bien que la visibilité soit essentielle à l'espace public, celui-ci nécessite également une théâtralité: quel que soit le lieu où les gens se rassemblent, l'espace de l'apparence n'est pas seulement "là", mais est aussi activement (re)produit par des prestations récurrentes.
    La théâtralité implique un espace produit.
    " (pp.157-158)

    "La formation de l'identité se déroule aussi dans les espaces semi-publics, les espaces privés et les contre-publics subalternes." (note p.157)

    "Selon Arendt, il faut recourir à la violence pour entrer dans l'arène publique et se libérer ; dans cette perspective, la violence peut constituer un processus libérateur pour les gens qui en usent. J'éviterais cependant de qualifier ce phénomène de "violence", car il est exempt de domination." (p.176)

    "La propriété étant elle-même une institution de violence, je ne considère pas du tout la "violence" à son endroit comme violente. Qui détruit la propriété se trouve à défaire une violence." (p.179)

    "En dépit du potentiel libérateur qu'elle conférait à la violence dans Condition de l'homme moderne, Arendt avait changé de position lorsque, au paroxysme de la guerre du Vietnam, elle a écrit Du mensonge à la violence." (p.183)

    "L'interprétation [anarchiste] du christianisme défendue par Tolstoï est loin d'être doctrinaire -à tel point que, en 1901, l'Église orthodoxe russe l'a déclaré hérétique et l'a excommunié. Dans Le royaume des cieux est en vous, œuvre monumentale interdite de publication dans son pays natal, Tolstoï fonde ses critiques cinglantes de la propriétée privée et de la violence d'Etat sur les enseignements de Jésus-Christ." (p.197)

    "[L'auteur qualifie la visée de neutralité axiologique de] "vision rétrograde et déconcertante." (p.199)

    "Mon athéisme est spirituel dans la mesure où il s'inspire des enseignements de Baruch Spinoza." (p.207)

    "[L'auteur appelle à ne pas] fragmenter [les individus] en laissant entendre que l'éthique, la foi ou les convictions d'une personne sont plus authentiques que celles d'une autre." (p.209)

    "Rejeter la religion en soi revient à nier la liberté de certaines formes d'identité, d'affinité et de sentiment d'appartenance, ce qui représente un pas vers l'imposition d'un cadre normatif à l'ensemble de l'humanité, ce à quoi je m'oppose fermement. [...]
    [Ne pas] rejeter l'identité et le sentiment d'appartenance que procure la religion
    ." (p.216-217)

    "Le mouvement Occupy semble unir 99% de la population autour d'affinités qui transcendent la rigidité identitaire." (p.225)
    -Simon Springer, Pour une géographie anarchiste, Lux Éditeur, coll. "Instinct de liberté, 2018 (2017 pour la première édition américaine), 308 pages.





    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Jeu 7 Avr - 16:55, édité 34 fois


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    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Simon Springer, Pour une géographie anarchiste + Illegal evictions? Overwriting possession and orality with law’s violence in Cambodia Empty Re: Simon Springer, Pour une géographie anarchiste + Illegal evictions? Overwriting possession and orality with law’s violence in Cambodia

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 28 Fév - 22:07

    https://www.academia.edu/1505786/Illegal_evictions_Overwriting_possession_and_orality_with_law_s_violence_in_Cambodia

    "One of the foundational components of anarchist thought, as outlined by Pierre-JosephProudhon (2011 [1865]),was the distinction drawn between property and possession. Proudhon related property to the Roman law concept of ‘sovereign right’, whereby a proprietor could ‘use and abuse’ his property as he wished, so long as he retained state-sanctioned title. In short, property in Proudhon’s reading can be defined as a juridico-institutional means for exploitation. More recently,Hardt and Negri (2009, 5) have argued that the predominant contemporary form of sovereignty ‘is completely embedded within and supported by legal systems and institutions of governance’, which is a formal organization of power ‘characterized not only by the rule of law but also equally by the rule of property’. This integral relationship between sovereignty and property compels us to acknowledge that the origination of homo sacer, as an accursed figure of Roman law (Schmitt 2006 [1922]), came not simply through his exclusion from civil rights before the law, but specifically through his very lack of proprietary means. The figure of homo sacer is, according to Agamben (1998, 7), the embodiment of bare life, or ‘life exposed to death’, precisely because he may be killed, but not sacrificed. Homines sacri are therefore defined by lives, and so too deaths, that do not count. No longer regarded as a ‘deep’ metaphysical or transcendental entity before the sovereign laws of God, the individual is now, before the sovereign laws of man, considered a ‘superficial’ entity endowed with property, defined not by being, but by having (Hardt and Negri 2009). In other words, to have political significance before the law and to be included in the sovereign order –that is, ‘to count’– one must hold property.

    Proudhon contrasted this supposedly God-given, sovereign right of  property –viewed as an affront to the liberty, equality and security of the community– with possession, which can not be mobilized for exploitation, as it is based on actual use. So a house that one lives in is regardedas a possession, while a house that is rented becomes a means for exploiting others and is thus considered property. While property attempts to mobilize the means of production as a natural, sovereign right of an individual (i.e. a proprietor), Proudhon (2011 [1840]) argued that this was an illegitimate form of use that constituted a form of theft from the commons. This is not to say that a means of production should not exist, which is of course impossible, but rather that such means should not belong to a sovereign proprietor as a so-called ‘natural right’. Instead, everyone connected to the said means of production should share in the bounty and surpluses it produces. Moreover, this is not to suggest that everything should be shared. Your possessions are your own on the basis of their continuing actual use. So, for example, if you have a plot of land that you maintain to sustain your existence, it is your possession on the basis of its actualuse. If you employ others at wages to work on this land for your own profit, or simply speculate on its value without actually using it, it becomes property. If a group collectively works on the plot of land and all involved benefit from its use, it remains a possession, but is expressed in a collectivized form. Property is thus defined by its mechanism of exploitation, which makes it fundamentally different from possession in so far as it relies on coercion, exclusion, hierarchy and, most notably, enforcement (or law) to maintain its viability. This anarchist notion of actual use as the only valid form of title is also a hallmark of so-called ‘primitive’ or ‘preliterate’ societies (Clastres 2007 [1974]; Scott 2009). It similarly remains widespread in contemporary Cambodia, where literacy rates are still relatively low compared to other countries (UNDP 2009), and the unfolding of a juridico-cadastral systemis at odds with local understandings of space, which are entrenched in community consensusand existing occupation. In contrast to such traditional spatializations, changes to the land tenure system in Cambodia were introduced when the Cold War ended in 1989, as the Cambodian government attempted to make the country more attractive to foreign capital (St. John 1997).

    Despite this preparatory development, public use of state-owned land wentunchallenged throughout the 1980s and much of the 1990s (Slocomb 2010).Yet the capstone to Cambodia’s political economic transformation and rapid neoliberalization (Springer 2010a) was the promulgation of the Cambodian Land Law in 2001, and with its enactment, significant land reform was implemented and widespread land conflict ensued. This new piece of legislation is clearly the most important written document vis-à-vis land in the country, as it outlines the legal framework upon which property may evolve. Yet the interpretation of the 2001 Land Law with respect to existing ideas of actual use has created significant confusion within the Cambodian public sphere, particularly among those who have faced so-called ‘illegal’ eviction. Consequently, high-ranking government officials and military personnel have become emboldened by what they view as a carte blanche to capital accumulation in the form of land.

    Such conflict has not gone unnoticed by a range of civil-society actors. Yet rather than challenging the legislation, which has gravely worsened the strife of the Cambodian poor by spawning a seemingly endless wave of forced evictions, the non-governmental organization (NGO) community and the World Bank in particular have looked to formal land registration and marketization as key means to improve land tenure security in Cambodia. Unfortunately, instead of mitigating land conflict, this approach has significantly increased the vulnerability of Cambodians to landlessness by intensifying the need for written certification to prove ‘ownership’. With the refashioning of traditional landholding patterns through a market-based model, the motivation to acquire land in Cambodia is no longer concerned with sustenance, but is instead now primarily related to profit, whereby speculators seek to ‘get ahead’ (i.e. togain ascendency or to exploit) via the accumulation of land transformed into property. In recent years, vast amounts of land have been converted to tree plantations across South-East Asia (Hall 2011), which has resulted in significant labour fragmentation and displacement that intensifies urbanization as rural peoples are stripped of their foothold on the land that has traditionally sustained them (Li 2011). In Cambodia, this pattern unfolds through well-positioned power brokers who have begun to dispossess –literally, to nullify the possessions of everyday Cambodians– en masse by imposing their own supposed proprietorship. Whereas possession is a well-understood and accepted concept in present-day Cambodia, a cultural basis rooted in what Scott (2009, 221) refers to as ‘orality’ – rather than ‘illiteracy’, which calls attention to ‘a different and potentially positive medium of cultural life as opposed to a mere deficiency’ – coupled with a long history of subsistence agriculture, semi-nomadic lifestyles, barter economies and –until recently– widespread land availability have all ensured that notions of property are nothing if not vague among the country’s majority rural poor.

    These circumstances are not dissimilar to the patterns found elsewhere in South-East Asia, where the historical record confirms that legal formalization of land ownership was largely contemporaneous to the coming of a profit-oriented outlook initiated by European colonialism (McCloud 1995). The key difference is that in Cambodia the concept of ‘actual use’ over ‘proprietorship’ has arguably even more validity, as patterns of landholding were complicated by forced exurbanization under the Khmer Rouge and the post–Pol Pot resettlement patterns that saw thousands of individuals and families attempt to return to their homes, only to find them destroyed (Tyner 2008). The devastation wrought by years of war not only necessitated settlement into vacant plots previously occupied by victims of the genocide, but also encouraged the re-adoption of communal living by extended families to reflect pre–Khmer Rouge organizing principles. In such a context, marked by alternative spatialities based on actual use, we can view the creation of property as an explicit imposition.

    Likewise, it is within such a geographical context that the integral pairing of primitive accumulation andl aw seeks to find traction. The objective is clear: forcibly evict those individuals presently occupying a desired parcel of land and simultaneously legitimize this violent and exclusionary claim to space through a litany of ‘official’ written documents that make little sense to all butthose who spend several years studying a codified set of precepts, conventions and precedents, and virtually no sense to those who come from a cultural milieu characterized by orality.

    This is at once the methodology of primitive accumulation and the harsh power of law. The consequence of this unholy union is that, despite the common characterization of Cambodia’s eviction cases as ‘illegal’, most dispossessions actually proceed through the written articles of law. Recent accounts of land conflict have argued for class and power to take centre stage in analyses of agrarian change (Khan 2004), and while I agree on the importance of such a focus, I am keen to modify this slightly in emphasizing violence and law, and particularly their intersections. This shift in focus follows Peluso and Lund (2011, 667), who recognize the relationship between class structure and land control as the lynchpin of agrarian studies, yet are keen to highlight a series of emergent frontiers, including ‘new legal and violent means of challenging previous land controls’. Moreover, the conflict between orality and law is not unique to Cambodia, and I hope to demonstrate a wider resonance to my argument than my chosen case study. One can easily draw a connection to the plight of First Nations peoples in British Columbia, where Sparke (2006,16) has demonstrated how oral traditions have been castas illegitimate in ‘a Western juridical field that conventionally accepts only written andcartographic documentation of territory’. Similarly, the contemporary situation in Cambodia is not without historical precedent in other locations where agrarian change has been under-pinned by primitive accumulation. For example, Terzibasoglu (2004,159) argues that within the context of late nineteenth century and early twentieth century Anatolia, existing oral traditions and landholding practices were ‘sidelined in the face of land registration and the increasing primacy of title to land as proven by official deeds’. As Marxist historian E.P.Thompson (1975) has observed in his account of the British Black Act, these legal struggles are indicative of howlaw often works not to codify customary practices, but to criminalize them. The processes of agrarian reform that see antecedent systems of landholding transformed into property regimes through land titling accordingly signify a profound shift in the existing moral economy of those locations being drawn into a capitalist order." (pp.521-523)

    "Cambodia’s neoliberalizing processes have been, on the one hand, led by the aims and ideals of the international donor community since the United Nations (UN) sponsored transition of the early 1990s [...] and on the other hand, readily taken up by local elites as a kleptocratic means to enhance both their wealth and their hold on political power [...] The result of widespread liberalization, privatization and deregulation is a speculative industry that has produced a swath of land title assignments, procured through questionable means, and a corresponding number of bloody evictions and violent land-grabs. Both NGO monitoring [...] and the reporting of the Cambodian courts (Supreme National Economic Council 2007) confirm that the number of land conflicts hasrisen steadily since the 2001 Land Law came into effect, while over the past 15 years, private investors have purchased an astounding 45 per cent of Cambodia’s total land area [...] LICADHO (2009), one of the most prominent human rights organizations in the country, reports that in the thirteen Cambodian provinces where it maintains offices, over 250,000 people have been affected by land-grabbing and forced evictions since 2003. In 2008 alone, according to a report by Amnesty International (2008b), a further 150,000 Cambodians were at risk of forced relocation nationwide. During the first half of 2010, more than 3,500 Cambodian families – totalling around 17,000 people – were affected by land-grabbing in 13 provinces (Human Rights Watch 2011). A report by Bridges Across Bordersand the Centre on Housing Rights and Evictions (2009) further reveals that many vulnerable households have been arbitrarily excluded from the land titling system, effectively denying these families protection against land-grabbing and any chance of adequate compensation for their expropriated land, circumstances that both exacerbate and actively produce conditions of poverty. In almost all instances, these dispossessions have been backed by systematic impunity for Cambodia’s ruling class, comprised of Prime Minister Hun Sen and his inner circle of clients." (p.525)

    "From the vantage point of capitalism – there was first a need to create property in its absence, which quite literally meant writing it into existence. Although Cambodia had developed its own sophisticated writing system long before the arrival of Europeans, dating back to at least ad 611, written Khmer was not widely used outside of literary works and only became standardized, recognized as the ‘official nationallanguage’ and widely disseminated following the country’s independence from France in 1953 [...] So while the most ancient legal codes known, which date back several millennia, were written to enable emergent states and their class elites to both legitimize and exercise class-based power over the non-literate (Clastres 2007 [1974]), the application of the written word to property really only began to make ‘sense’ in Cambodia when the idea of property – as it is known today, and in the terms of exploitation that I have defined it – arrived via its colonial encounter with France (1863–1953). Prior to the arrival of the French, under traditional Khmer feudalism – and in keeping with Cambodia’s monarchical tradition of Devaraja, the cult of the divine God–king [...] – land was vested directly in the sovereign as a divine inheritance [...] Yet within the observance of Devaraja, wherein the monarch is revered as celestial, actual use was nonetheless widely acknowledged through the traditional Cambodian concept of ‘acquisition by the plough’ [...]This is not to romanticize or suggest a benign character to pre-capitalist social relations, as the feudal system in Cambodia was characterized by a rigid spatio-hierarchical structure. The population was divided between the urban minority in the capital, the residents of small towns (kompong ), rice-growing villages surrounding the towns and the inhabitants of the wilderness (prei) villages [...] Within this spatial matrix, the God–king and his bureaucracy represented the apex of power, while peoples living in peripheral areas and landless slaves signified the nadir. In the case of the latter, it is thought that many worked the large estates held by the king and a few important nobles [...]

    While all land, at least in theory, belonged to the sovereign during Cambodia’s feudal stage, in practice the cultivation of the land, or possession, was afforded recognition. The 1884 Land Act, implemented by the colonial administration, changed the landholding structure in the country by introducing the concept of exclusionary ‘ownership’ in land, which served as a guarantee for the investments of French settlers, stating that ‘the land of the Kingdom, up to that day the exclusive property of the Crown will cease to be inalienable. The French and Cambodian authorities will proceed to establish private property in Cambodia’ [...]. A cadastral mapping and registration system soon followed in 1912, which was reinforced with exclusive and definitive ownership rights decreed under Article 74 of the 1920 Civil Code, which indicated ‘the rights of possession in matters of real estate only converts to the rights of ownership after being listed on the Register’ [...] While the ‘acquisition by the plough’ was seemingly maintained through Article 723 of the 1920 Civil Code, which specified that ‘in matters of real estate, the holder becomes legitimate when there is peaceful possession of unregistered land, in public and in good faith, continuously and unequivocally, for five consecutive years’, in the actual practice of law, written documentation of registration in land began to usurp any sense of ‘good faith’ in orality." (p.526)

    "While the [Systematic Land Registration] offered opportunities to convert oral claims into written documentation, the programme ultimately failed because villagers did not exchange land titles when land was bought and sold, meaning that updated cadastral records quickly fell into disuse. Villagers neglected to swap deeds because they believed that maintaining harmonious relations with commune chiefs, who had traditionally overseen land exchanges, better protected their claims. What this suggests is that poor Cambodians had little understanding of the significance of both land titles and the recently adopted Land Law, as their understanding of landholding continued to be rooted in notions of possession as opposed to property." (p.527)

    "Violence thus constitutes law in three particular senses: first, it gives law – as the regulator of coercion and force – a reason for being (Hobbes 2008 [1651]) ; second, it supplies the occasion and method for founding legal orders (Derrida 1992) ; and third, it provides a means through which the law acts (Weber 2002 [1919]). In short, the law seeks to achieve the monopoly of violence." (p.528)

    "The situation in Spean Ches village, Sihanoukville clearly demonstrates that violent acts backed by sovereign authority, such as forced expulsion, intimidation, surveillance, imprisonment, shooting and dispossession are integral components of the performance of property. In the early morning hours of 20 April 2007, more than 100 heavily armed military, municipal and civil police blocked access to the village and ordered the residents to leave immediately [...] Having nowhere else to go, villagers obviously refused. Over the next several hours, the number of armed police swelled to more than 300 personnel, armed with AK47s, truncheons, electric batons and tear gas. The siege began with police firing warning shots into the air, and while this successfully terrorized the village children, who ran to the nearby beach to escape, many of the teenage and adult males fought back with stones, sticks and knives, but were quickly subdued and arrested (Amnesty International 2008b).Those residents who refused to come outside were literally flushed, burned, smoked and crushed out of their homes, as police lit fires, used water cannons and drove an excavator through their dwellings. Police themselves documented the violence of the eviction with photographs, which a sympatheti cofficer leaked to the villagers, who subsequently shared them with me, asking that I ‘show them to the world’ [...] Before noon, the entire village was razed and their belongings were looted or destroyed, including fishing nets, sixteen motorcycles and two generators." (p.530)

    "The dispossessed are able to recognize the essenceof law for what it is: the obscured application of organized violence to compel widespreadobedience to the whims of the powerful [...] They are able to do thisprecisely because evictees have lived through and experienced law in its most fundamentalform. So while at a societal level the idea of law goes largely unquestioned, those subjected tothe explicit violence of law are able to easily recognize its arbitrary nature.And yet, lamentably,once the power of law’s violence has been demonstrated through processes such as forcedeviction, the threat of law’s application is often sufficient to mould a sense of ignominy anddeference before law." (p.533)

    "The timing of this eviction is revealing: coastal land prices began soaring in 2005 due to both oil exploration in the Gulf of Thailand, just off the coast of Sihanoukville (Global Witness 2009),and a boom in the tourist industry as the islands off the coast were leased to private companies to develop upmarket resorts [...] Beachfront property, only a few hundred metres from the village, was subsequently earmarked for the development of five-star hotels [...] These happenings signal a shift towards profit-oriented speculation, where acquired land is transformed into property, an institution that capitalism regards as a principal resource in securing one’s advantage over others. What is unfortunately not well understood is just how coercive property actually is. Hay (1992, 169) argues, ‘The coercive impact of law is the [most] important element for those who, in fact, are the most direct victims of its violence, the poor’, where ‘the legitimation of the word [of law] is most compelling to those predisposed to believe it, who share it, who articulate it.’." (p.533)

    "Article 30 of the 2001 Land Law has been at the centre of property debates in Cambodia, as it indicates that ‘Any person who, for no less than five years prior to the promulgation of this law, enjoyed peaceful, uncontested possession of immovable property that can lawfully be privately possessed, has the right to request a definitive title of ownership.’ This particular article is typically interpreted to mean that any 5-year span of uncontested use translates into ownership. However, as the law states, uncontested use must have been for a minimum 5-year period prior to the promulgation of this law, meaning that usage must have originated no later than 1996. Following implementation of this law, the legal validity afforded to actual use of the land has been revoked as a means to entitlement. So, for example, a family that has been living on a parcel of land uncontested since 1997 up to the time of this writing in 2012 has no legal entitlement without official written documentation, regardless of the witness testimonies they can produce attesting to the truthfulness of their claim to actual usage. Moreover, Article 30 explicitly states ‘has the right to request definitive title of ownership’. This does not mean that the deed will actually be given, but is a decision to be arbitrarily decided by the courts. My use of the word ‘arbitrary’ here is not inconsequential or unconsidered. In contemporary usage, arbitrary usually refers to two related ideas, the first being those outcomes based on random choice or personal whim, while the second relates to unrestrained and autocratic use of authority. The words ‘arbitration’ and ‘arbitrary’ are both derived from the Latin arbiter, meaning ‘judge’ or ‘supreme ruler’. Taken together, these etymological and contemporary connotations reveal the illusory-cum-sovereign nature of legal arbitration, and so too should compel us to recognize the violence that sustains the interpretative power and thus the ‘authority’ of law."(p.534)

    "By being propertyless, by not having, the dispossessed are exposed as homines sacri, lives that do not count before the law, precisely because the burden of proof concerning actual usage in forced eviction cases falls entirely on the occupant, and with the cards stacked against them in a system that privileges the written word over oral testimony, that is a nearly impossible task." (p.535)

    "The interpretation of the law, which is the arbitrary right of the sovereign, is that the writtenword takes precedent over any claim to possession that might come to light through conductingan investigation that seeks to establish the facts by collecting oral testimonies. In short, the dictum ‘so let it be written, so let it be done’ represents the crux of law vis-à-vis property, whereshould possession not be written through the criteria set by the juridico-institutional order, as in practices of actual use based on mutual and orally communicated recognition, the law works to ensure that such forms of ownership are undone." (p.536)

    "To Levinas (1969), ethics are not concerned with the justifiability of human action. If typicalunderstandings of ethics – ‘moral ethics’ in Levinas’ view – are concerned with goodness andright conduct where normative and universal standards are raised, then Levinasian ethics areconcerned with undoing such normative and universal standards. This distinction betweenethics and morality that Levinas alerts us to is important precisely because capitalism claims aparticular morality for itself, and yet this morality – when subjected to a critique that makesclear its underlying violence – is far removed from what many would consider ethical. Ethics, for Levinas,‘is the mise en question of liberty, spontaneity, and cognitive emprise of the ego thatseeks to reduce all otherness to itself’ [...] The ethical is therefore not the construction of normative values, but an empathetic embrace of alterity that enables ‘access to external being’ (Levinas 1997 [1963], 293). Ethics, understood in these terms, is therefore [...] solidarity with the ‘Other’." (p.540)
    -Simon Springer, "Illegal evictions ? Overwriting possession and orality with law’s violence in Cambodia", Journal of Agrarian Change, vol. 13, 2013, pp.520-546.




    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Sam 4 Sep - 18:24, édité 9 fois


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    Simon Springer, Pour une géographie anarchiste + Illegal evictions? Overwriting possession and orality with law’s violence in Cambodia Empty Re: Simon Springer, Pour une géographie anarchiste + Illegal evictions? Overwriting possession and orality with law’s violence in Cambodia

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 9 Juin - 17:20

    "L'un des éléments fondamentaux de la pensée anarchiste, tel qu'exposé par Pierre-Joseph Proudhon (2011 [1865]), est la distinction établie entre la propriété et la possession. Proudhon associe la propriété au concept de droit romain de "droit souverain", selon lequel un propriétaire peut "user et abuser" de sa propriété comme il le souhaite, tant qu'il conserve un titre sanctionné par l'État. En somme, la propriété dans la vision de Proudhon peut être définie comme un moyen juridico-institutionnel d'exploitation. Plus récemment, Hardt et Negri (2009, 5) ont soutenu que la forme contemporaine prédominante de souveraineté "est complètement intégrée et soutenue par les systèmes juridiques et les institutions de gouvernance ", c'est-à-dire une organisation formelle du pouvoir "caractérisée non seulement par la règle de droit mais également par l'institution de la propriété". Cette intrication entre la souveraineté et la propriété nous oblige à reconnaître que l'origine de l'homo sacer, en tant que figure maudite du droit romain (Schmitt 2006 [1922]), ne vient pas simplement de son exclusion des droits civils devant la loi, mais spécifiquement de son manque même de moyens d'être un propriétaire. La figure de l'homo sacer est, selon Agamben (1998, 7), l'incarnation de la vie nue, ou "vie exposée à la mort ", précisément parce qu'il peut être tué par n'importe qui, mais pas sacrificé aux dieux. Les Homines sacri sont donc définis comme ayant des vies, et donc aussi des morts, qui n'ont pas d'importance [et qui ne sont plus protégés politiquement]. N'étant plus considéré comme une entité métaphysique ou transcendantale "profonde" sous les lois souveraines de Dieu, l'individu est désormais, devant les lois souveraines de l'homme, considéré comme une entité "superficielle" dotée de propriétés, définie non pas par l'être, mais par l'avoir (Hardt et Negri 2009). En d'autres termes, pour avoir une importance politique devant la loi et être inclus dans l'ordre souverain -c'est-à-dire pour "compter"- il faut détenir des richesses.

    Proudhon opposait ce droit de propriété souverain, prétendument donné par Dieu -et qu'il considérait comme une atteinte à la liberté, à l'égalité et à la sécurité de la communauté- à la possession, qui ne peut être mobilisée à des fins d'exploitation, puisqu'elle est fondée un usage effectif toujours-déjà à l'œuvre. Ainsi, une maison que l'on habite est considérée comme une possession, tandis qu'une maison que l'on loue devient un moyen d'exploiter les autres et est donc considérée comme une propriété. Alors que la propriété tente de faire des moyens de production un droit naturel et souverain d'un individu (c'est-à-dire faire de lui un propriétaire), Proudhon (2011 [1840]) a soutenu qu'il s'agissait d'une forme illégitime d'utilisation qui constituait une forme de vol des biens communs. Cela ne veut pas dire que les moyens de production ne devraient pas exister, ce qui est bien sûr impossible, mais plutôt que ces moyens ne devraient pas appartenir à un propriétaire souverain en tant que soi-disant "droit naturel". Au contraire, toute personne liée auxdits moyens de production devrait partager la prime et les excédents qu'ils produisent. En outre, il ne s'agit pas de suggérer que tout doit être partagé. Vos biens vous appartiennent sur la base de leur utilisation effective et continue. Ainsi, par exemple, si vous possédez une parcelle de terre que vous entretenez pour assurer votre existence, elle est votre propriété sur la base de son utilisation effective. Si vous employez d'autres personnes salariées pour travailler sur cette terre pour votre propre profit, ou si vous spéculez simplement sur sa valeur sans l'utiliser réellement, elle devient une propriété. Si un groupe travaille collectivement sur la parcelle de terre et que toutes les personnes impliquées bénéficient du profit de son utilisation, elle reste une possession, mais s'exprime sous une forme collectivisée. La propriété est donc définit par une relation sociale d'exploitation, qui la rend fondamentalement différente de la possession dans la mesure où elle s'appuie sur la coercition, l'exclusion, la hiérarchie et, surtout, la violence (légale) pour maintenir sa pérennité.

    Cette notion anarchiste de l'usage réel comme seule forme légitime de possession est également une caractéristique des sociétés dites "primitives" ou "pré-alphabétisées" (Clastres 2007 [1974] ; Scott 2009). Elle reste également répandue dans le Cambodge contemporain, où les taux d'alphabétisation sont encore relativement faibles par rapport à d'autres pays [...] et où le développement d'un système juridico-cadastral est en contradiction avec les conceptions locales de l'espace, qui sont ancrées dans le consensus communautaire et l'occupation existante. Contrairement à ces spatialisations traditionnelles, les changements du système foncier au Cambodge ont été introduits à la fin de la guerre froide en 1989, lorsque le gouvernement cambodgien a tenté de rendre le pays plus attractif pour les capitalistes étrangers (St. John 1997).

    [...] La pierre angulaire de la transformation politico-économique et de la néolibéralisation rapide du Cambodge (Springer 2010a) a été la promulgation de la loi foncière cambodgienne en 2001. Avec sa promulgation, une réforme foncière d'ampleur a été mise en œuvre et un conflit foncier généralisé s'en est suivi. Ce nouveau texte de loi est clairement le document écrit le plus important vis-à-vis de la terre dans le pays, car il trace le cadre juridique à partir duquel la propriété peut se développer. Pourtant, l'interprétation de la loi foncière de 2001 par rapport aux idées existantes sur l'utilisation réelle a créé une confusion significative au sein de la sphère publique cambodgienne, en particulier parmi ceux qui ont été confrontés à une expulsion dite "illégale". Par conséquent, les officiels de haut rang du gouvernement et le personnel militaire se sont enhardis grâce à ce qu'ils considèrent comme une carte blanche à l'accumulation de capital sous la forme de terres.

    Ce conflit n'est pas passé inaperçu auprès d'une série d'acteurs de la société civile. Pourtant, plutôt que de remettre en cause cette législation, qui a gravement aggravé le sort des pauvres cambodgiens en engendrant une vague apparemment sans fin d'expulsions forcées, la communauté des organisations non gouvernementales (ONG) et la Banque mondiale en particulier se sont tournées vers l'enregistrement officiel des terres et la commercialisation comme moyens clés pour améliorer la sécurité foncière au Cambodge. Malheureusement, au lieu d'atténuer le conflit foncier, cette approche a augmenté de manière significative la vulnérabilité des Cambodgiens en matière de privation de terre en exacerbant le besoin de certification écrite pour prouver la détention d'une "propriété" légitime. Avec le remodelage des modèles traditionnels de propriété foncière par le biais d'un modèle basé sur le marché, la motivation pour acquérir des terres au Cambodge n'est plus liée à la subsistance, mais plutôt au profit, par lequel les spéculateurs cherchent à "prendre de l'avance" (c'est-à-dire à prendre de l'ascendant ou à exploiter) via l'accumulation de terres transformées en propriété. Ces dernières années, de vastes étendues de terres ont été converties en plantations d'arbres dans toute l'Asie du Sud-Est (Hall 2011), ce qui a entraîné une fragmentation et un déplacement d'ampleur de la main-d'œuvre qui intensifie l'urbanisation, les populations rurales étant dépouillées de leur ancrage à la terre qui les faisait traditionnellement vivre (Li 2011). Au Cambodge, ce schéma se déploie à travers des agents de pouvoir bien positionnés qui ont commencé à déposséder -littéralement, à annuler les possessions des Cambodgiens ordinaires- en masse en imposant leur propre propriété présumée. Alors que la possession est un concept bien compris et accepté dans le Cambodge d'aujourd'hui, une base culturelle enracinée dans ce que Scott (2009, 221) appelle l'"oralité" -plutôt que l'"analphabétisme", notion qui attire l'attention sur "un mode de vie culturel différent et potentiellement positif, par opposition à une simple lacune"- associée à une longue histoire d'agriculture de subsistance, de modes de vie semi-nomades, d'économies de troc et -jusqu'à récemment- une large disponibilité de terres ont fait en sorte que la notion de propriété n'est rien moins que vague parmi la majorité des pauvres ruraux du pays.

    Ces circonstances ne sont pas différentes des schémas que l'on trouve ailleurs en Asie du Sud-Est, où l'examen historique confirme que la formalisation légale de la propriété foncière était largement contemporaine de l'avènement d'une perspective orientée vers le profit, amorcée par le colonialisme européen (McCloud 1995). La différence essentielle est qu'au Cambodge, le concept d' "utilisation réelle" par rapport à la "propriété" a sans doute encore plus de validité, car les modèles de propriété foncière ont été complexifiés par l'exurbanisation forcée sous les Khmers rouges et les modèles de réinstallation post-Pol Pot qui ont vu des milliers d'individus et de familles tenter de retourner dans leurs maisons, pour les découvrir détruites (Tyner 2008). La dévastation causée par des années de guerre a non seulement nécessité l'installation sur des parcelles vacantes précédemment occupées par les victimes du génocide, mais a également encouragé la réadoption de la vie communautaire par les familles étendues afin de recréer les principes d'organisation traditionnelle, antérieurs à la période des Khmer Rouge. Dans un tel contexte, marqué par des spatialités alternatives fondées sur l'usage réel, nous pouvons considérer la création de la propriété comme ayant été délibérément imposée par l'appareil d'Etat.

    L'objectif est clair : expulser par la force les individus qui occupent actuellement une parcelle de terrain souhaitée et légitimer simultanément cette revendication violente et excluante de l'espace par une litanie de documents écrits "officiels", qui n'ont guère de sens, sauf pour ceux qui passent plusieurs années à étudier un ensemble codifié de préceptes, de conventions et de précédents, et pratiquement aucun sens pour ceux qui viennent d'un milieu culturel caractérisé par l'oralité.

    Il y a imbrication entre la méthode de l'accumulation primitive et l'exercice brutal du pouvoir de légalisation de l'Etat. La conséquence de cette union impie est que, malgré la caractérisation courante des cas d'expulsion au Cambodge comme étant "illégaux", la plupart des dépossessions se déroulent en fait à travers les articles écrits de la loi. Des comptes rendus récents sur le conflit foncier ont plaidé pour que les notions de classe et et de pouvoir occupent une place centrale dans les analyses du changement agraire (Khan 2004), et si je suis d'accord sur l'importance d'une telle focalisation, je tiens à la modifier légèrement en mettant l'accent sur la violence et la loi, et en particulier sur leurs recoupements. Ce changement d'orientation suit Peluso et Lund (2011, 667), qui reconnaissent la relation entre la structure de classe et le contrôle foncier comme le pivot des études agraires, mais tiennent à souligner une série de frontières émergentes, y compris " les nouveaux moyens légaux et violents de contester les contrôles fonciers antérieurs ". De plus, le conflit entre l'oralité et la loi n'est pas propre au Cambodge, et j'espère démontrer que mon raisonnement a une résonance plus large que mon étude de cas choisie. On peut facilement établir un lien avec la situation critique des peuples des Premières Nations en Colombie-Britannique, où Sparke (2006, 16) a démontré comment les traditions orales ont été considérées comme illégitimes dans "un champ juridique occidental qui n'accepte conventionnellement que la documentation écrite et cartographique du territoire". De même, la situation contemporaine au Cambodge n'est pas sans précédent historique dans d'autres endroits où le changement agraire a été sous-tendu par une accumulation primitive. Par exemple, Terzibasoglu (2004,159) affirme que dans le contexte de l'Anatolie de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, les traditions orales et les pratiques foncières existantes ont été 'mises de côté face à l'enregistrement des terres et à la primauté croissante du titre foncier prouvé par des actes officiels'. Comme l'historien marxiste E. P. Thompson (1975) l'a observé dans son compte rendu du Black Act britannique, ces luttes juridiques sont révélatrices de la façon dont la loi travaille souvent non pas à codifier les pratiques coutumières, mais à les criminaliser. Les processus de réforme agraire qui voient des systèmes antérieurs de propriété foncière transformés en régimes de propriété par le biais de l'attribution de titres légaux de propriété signifient par conséquent un profond changement dans l'économie morale existante de ces lieux qui sont aspirés dans un nouvel ordre capitaliste". (pp.521-523)

    "Les processus de libéralisation au Cambodge ont été, d'une part, guidés par les objectifs et les idéaux de la communauté internationale des donateurs depuis la transition parrainée par les Nations Unies au début des années 1990 [...] et, d'autre part, facilement adoptés par les élites locales comme un moyen kleptocratique d'accroître à la fois leur richesse et leur emprise sur le pouvoir politique [...].

    Le résultat de la libéralisation, de la privatisation et de la déréglementation généralisées est une industrie spéculative qui a produit un grand nombre de cessions de titres fonciers, obtenus par des moyens douteux, et un nombre correspondant d'expulsions sanglantes et de prises de terres violentes. Tant le suivi des ONG [...] que les rapports des tribunaux cambodgiens (Conseil économique national suprême 2007) confirment que le nombre de conflits fonciers n'a cessé de croître depuis l'entrée en vigueur de la loi foncière de 2001, tandis qu'au cours des 15 dernières années, les investisseurs privés ont acheté le chiffre stupéfiant de 45 % de la superficie totale du Cambodge [...].

    LICADHO (2009), l'une des organisations de défense des droits de l'homme les plus importantes du pays, rapporte que dans les treize provinces cambodgiennes où elle a des bureaux, plus de 250 000 personnes ont été touchées par l'accaparement des terres et les expulsions forcées depuis 2003. Rien qu'en 2008, selon un rapport d'Amnesty International (2008b), 150 000 Cambodgiens supplémentaires risquaient d'être relogés de force dans tout le pays. Au cours du premier semestre 2010, plus de 3 500 familles cambodgiennes - soit environ 17 000 personnes au total - ont été touchées par l'accaparement de terres dans 13 provinces (Human Rights Watch 2011). Un rapport de Bridges Across Bordersand the Centre on Housing Rights and Evictions (2009) révèle en outre que de nombreux ménages vulnérables ont été arbitrairement exclus du système d'attribution des titres fonciers, ce qui prive effectivement ces familles de toute protection contre l'accaparement des terres et de toute chance d'obtenir une compensation adéquate pour leurs terres expropriées, des circonstances qui exacerbent et produisent activement des situations de pauvreté. Dans presque tous les cas, ces dépossessions ont été soutenues par l'impunité systématique de la classe dirigeante cambodgienne, composée du Premier ministre Hun Sen et de son cercle restreint de courtisans." (p.525)

    "Du point de vue du capitalisme, il y avait tout d'abord un besoin de créer la propriété privée [de la terre] dans un pays où elle était absente, ce qui signifiait littéralement de l'amener a existé par des lois écrites. Bien que le Cambodge ait développé son propre système d'écriture sophistiqué -remontant au moins à l'an 611- bien avant l'arrivée des Européens, le khmer écrit n'était pas largement utilisé en dehors des œuvres littéraires et n'a été normalisé, reconnu comme la "langue nationale officielle" et largement diffusé qu'après l'indépendance du pays vis-à-vis de la France en 1953 [.... ] Ainsi, alors que les plus anciens codes juridiques connus, qui remontent à plusieurs millénaires, ont été rédigés pour permettre aux États émergents et à leurs classes sociales dominantes à la fois de légitimer et d'exercer un pouvoir de classe sur les non-lettrés (Clastres 2007 [1974]), l'application de l'écrit à la propriété n'a vraiment commencé à prendre racine au Cambodge que lorsque l'idée de propriété -telle qu'elle est connue aujourd'hui, et dans les termes d'exploitation que j'ai définis- est arrivée via sa rencontre coloniale avec la France (1863-1953).

    Avant l'arrivée des Français, dans le cadre du féodalisme khmer traditionnel, et conformément à la tradition monarchique cambodgienne du Devaraja, le culte du Dieu-roi divin [...] la terre était dévolue directement au souverain comme un héritage divin [....] Il ne s'agit pas faire preuve d'un romantisme idyllique ou de suggérer que les relations sociales précapitalistes étaient bénignes, car le système féodal cambodgien était caractérisé par une structure spatio-hiérarchique rigide. La population était divisée entre la minorité urbaine de la capitale, les habitants des petites villes (kompong ), les villages rizicoles entourant les villes et les habitants des villages sauvages (prei) [...] Dans cette matrice spatiale, le Dieu-roi et sa bureaucratie représentaient le sommet du pouvoir, tandis que les peuples vivant dans les zones périphériques et les esclaves sans terre incarnaient le nadir. Dans le cas de ces derniers, on pense que beaucoup travaillaient les grands domaines détenus par le roi et quelques nobles importants [...].

    Si toutes les terres, du moins en théorie, appartenaient au souverain pendant la phase féodale du Cambodge, dans la pratique, la culture de la terre, ou la possession, bénéficiait d'une reconnaissance. La loi foncière de 1884, mise en œuvre par l'administration coloniale, a modifié la structure foncière du pays en introduisant le concept de "propriété" foncière exclusive, qui a servi de garantie aux investissements des colons français, en déclarant que "les terres du Royaume, jusqu'à ce jour propriété exclusive de la Couronne, cesseront d'être inaliénables. Les autorités françaises et cambodgiennes procéderont à l'établissement de la propriété privée au Cambodge." [...]. Un système de cartographie cadastrale et d'enregistrement a rapidement suivi en 1912, qui a été renforcé par des droits de propriété exclusifs et définitifs décrétés en vertu de l'article 74 du Code civil de 1920, qui indiquait '"es droits de possession en matière immobilière ne se convertissent en droits de propriété qu'après avoir été inscrits sur le Registre." [.... ] Alors que l''acquisition par la charrue' était apparemment maintenue par l'article 723 du Code civil de 1920, qui spécifiait qu' 'en matière immobilière, le détenteur devient légitime lorsqu'il y a possession paisible d'un terrain non immatriculé, en public et de bonne foi, de façon continue et non équivoque, pendant cinq années consécutives', dans la pratique réelle du droit, la documentation écrite de l'immatriculation des terrains a commencé à usurper tout sens de la 'bonne foi' accordée à l'oralité." (p.526)

    "Alors que le [système d'enregistrement foncier systématique] offrait la possibilité de convertir les revendications orales en documents écrits, le programme a finalement échoué parce que les villageois n'échangeaient pas les titres fonciers lors de l'achat et de la vente des terres, ce qui signifie que les registres cadastraux mis à jour sont rapidement tombés en désuétude. Les villageois ont négligé d'échanger les titres de propriété car ils pensaient que le maintien de relations harmonieuses avec les chefs de commune, qui supervisaient traditionnellement les échanges de terres, protégeait mieux leurs revendications. Ce que cela suggère, c'est que les Cambodgiens pauvres comprenaient mal la signification à la fois des titres fonciers et de la loi foncière récemment adoptée, car leur conception de la propriété foncière restait ancrée dans des notions de possession, opposées à la propriété privée." (p.527)

    "La violence institue [...] le droit de 3 manières particulière: premièrement, elle donne au droit -en tant que régulateur de la coercition et de la violence- une raison d'être (Hobbes 2008 [1651]) ; deuxièmement, elle fournit l'occasion et la méthode pour fonder des ordres juridiques (Derrida 1992) ; et troisièmement, elle fournit un moyen par lequel le droit agit (Weber 2002 [1919]). En bref, le droit cherche à obtenir le monopole de la violence." (p.528)

    "La situation dans le village de Spean Ches, à Sihanoukville, démontre clairement que les actes violents soutenus par l'autorité souveraine, tels que l'expulsion forcée, l'intimidation, la surveillance, l'emprisonnement, le meurtre par arme à feu et la dépossession font partie intégrante de l'imposition de la propriété privée.

    Aux premières heures du matin du 20 avril 2007, plus de 100 policiers militaires, municipaux et civils lourdement armés ont bloqué l'accès au village et ont ordonné aux habitants de partir immédiatement [...] N'ayant nulle part où aller, les villageois ont évidemment refusé. Au cours des heures suivantes, le nombre de policiers armés est passé à plus de 300 personnes, armées d'AK47, de matraques, de bâtons électriques et de gaz lacrymogènes. Le siège a commencé par des tirs de sommation en l'air de la police, qui ont réussi à terroriser les enfants du village, qui ont couru vers la plage voisine pour s'échapper ; de nombreux adolescents et adultes ont riposté avec des pierres, des bâtons et des couteaux, mais ont été rapidement maîtrisés et arrêtés (Amnesty International 2008b). Les habitants qui ont refusé de sortir ont été littéralement bousculés, brûlés, enfumés et écrasés hors de chez eux, tandis que la police allumait des feux, utilisait des canons à eau et traversait leurs habitations avec une pelleteuse. La police elle-même a documenté la violence de l'expulsion avec des photographies, qu'un officier sympathisant a divulguées aux villageois, qui les ont ensuite partagées avec moi, en me demandant de les 'montrer au monde' [...] Avant midi, le village entier a été rasé et leurs biens ont été pillés ou détruits, notamment des filets de pêche, seize motos et deux générateurs. " (p.530)

    "Les dépossédés sont capables de reconnaître l'essence de la loi pour ce qu'elle est : l'application obscure de la violence organisée [de l'Etat] pour contraindre à une obéissance généralisée vis-à-vis des caprices des puissants [...] Ils sont capables de le faire précisément parce que les expulsés ont vécu et expérimenté la loi dans sa forme la plus fondamentale. Et pourtant, lamentablement, une fois que le pouvoir de la violence de la loi a été démontré par des processus tels que l'expulsion forcée, la menace de l'application de la loi est souvent suffisante pour façonner un sentiment de honte et de déférence devant la loi. " (p.533)

    "Le moment de cette expulsion est révélateur : les prix des terres côtières ont commencé à monter en flèche en 2005 en raison à la fois de l'exploration pétrolière dans le golfe de Thaïlande, juste au large de Sihanoukville (Global Witness 2009), et d'un boom de l'industrie touristique, les îles au large de la côte ayant été louées à des sociétés privées pour développer des stations balnéaires haut de gamme [...] Des propriétés en bord de mer, à seulement quelques centaines de mètres du village, ont ensuite été affectées au développement d'hôtels cinq étoiles [...] Ces événements signalent une évolution vers une spéculation orientée vers le profit, où les terres acquises sont transformées en propriété, une institution que le capitalisme considère comme une ressource principale pour assurer sa supériorité sur les autres. Ce qui n'est malheureusement pas bien compris, c'est à quel point la propriété est une institution réellement coercitive. Hay (1992, 169) affirme que "l'impact coercitif de la loi est l'élément [le plus] important pour ceux qui, en fait, sont les victimes les plus directes de sa violence, les pauvres", où "la légitimation de la parole [de la loi] est la plus convaincante pour ceux qui sont prédisposés à la croire, qui la partagent, qui l'expriment.". (p.533)

    "L'article 30 de la loi foncière de 2001 a été au centre des débats sur la propriété au Cambodge, car il indique que "Toute personne qui, pendant au moins cinq ans avant la promulgation de la présente loi, a joui de la possession pacifique et incontestée d'un bien immobilier pouvant légalement faire l'objet d'une possession privée, a le droit de demander un titre de propriété définitif."

    Cet article particulier est généralement interprété comme signifiant que toute période de 5 ans d'utilisation incontestée se traduit par la reconnaissance d'un droit de propriété. Cependant, comme le stipule la loi, l'usage incontesté doit avoir été continu pendant une période minimale de 5 ans avant la promulgation de cette loi, ce qui signifie que l'usage doit avoir commencé au plus tard en 1996. Suite à la mise en œuvre de cette loi, la validité juridique accordée à l'utilisation effective de la terre a été révoquée comme moyen d'obtenir des droits. Ainsi, par exemple, une famille qui vit sur une parcelle de terre non contestée depuis 1997 jusqu'au moment de la rédaction de ce document en 2012 n'a aucun droit légal sans document écrit officiel, indépendamment des témoignages qu'elle peut produire pour attester de la véracité de sa revendication d'usage effectif de la terre. En outre, l'article 30 indique explicitement "a le droit de DEMANDER un titre de propriété définitif". Cela ne signifie pas que l'acte sera effectivement donné, mais qu'il s'agit d'une décision qui sera arbitrairement prise par les tribunaux. Mon emploi du mot "arbitraire" ici n'est pas sans conséquence ou inconsidérée. Dans l'usage contemporain, l'arbitraire renvoie généralement à deux idées connexes, la première étant que les résultats reposent sur un choix aléatoire ou un caprice personnel, tandis que la seconde se rapporte à l'utilisation incontrôlée et autocratique de l'autorité. Les mots "arbitrage" et "arbitraire" sont tous deux dérivés du latin arbiter, qui signifie "juge" ou "chef suprême". Prises ensemble, ces connotations étymologiques et contemporaines révèlent la nature illusoire et souveraine de l'arbitrage juridique et devraient nous obliger à reconnaître la violence qui soutient le pouvoir d'interprétation et donc l'"autorité" de la loi." (p.534)

    "En étant dépourvus de propriété, en étant non-propriétaires, les dépossédés sont exposés comme des homines sacri, des vies qui ne comptent pas aux yeux de la loi, précisément parce que la charge de la preuve concernant l'usage effectif dans les cas d'expulsion forcée incombe entièrement à l'occupant, et avec les cartes empilées contre eux dans un système qui privilégie l'écrit sur le témoignage oral, c'est une tâche presque impossible." (p.535)

    "L'interprétation de la loi, qui est le droit arbitraire du souverain, est que l'écrit prime sur toute prétention à la possession qui pourrait être mise en évidence par la conduite d'une enquête visant à établir les faits en recueillant des témoignages oraux. En somme, le dicton "que ce soit écrit, que ce soit fait" représente le cœur du droit de la propriété, alors que la possession ne s'écrit pas à travers les critères fixés par l'ordre juridico-institutionnel, comme dans les pratiques d'usage réel fondées sur la reconnaissance mutuelle et orale, de sorte que le droit veille à ce que ces formes de propriété d'usages soient détruites". (p.536)
    -Simon Springer, "Illegal evictions ? Overwriting possession and orality with law’s violence in Cambodia", Journal of Agrarian Change, vol. 13, 2013, pp.520-546.



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