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    Mathis Stock, Habiter avec l’autre : identités et altérités dans les styles d’habiter polytopiques + Habiter comme « faire avec l’espace ». Réflexions à partir des théories de la pratique +

    Johnathan R. Razorback
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    Mathis Stock, Habiter avec l’autre : identités et altérités dans les styles d’habiter polytopiques + Habiter comme « faire avec l’espace ». Réflexions à partir des théories de la pratique +  Empty Mathis Stock, Habiter avec l’autre : identités et altérités dans les styles d’habiter polytopiques + Habiter comme « faire avec l’espace ». Réflexions à partir des théories de la pratique +

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 3 Nov - 12:13

    https://igd.unil.ch/MStock/

    https://www.cairn.info/revue-le-sujet-dans-la-cite-2011-1-page-54.htm

    "L’étranger peut-il continuer à avoir un sens dans des sociétés urbaines où les relations sociales ne sont pas liées à une identité communautaire (quelle qu’elle soit : ethnique, économique, sexuelle, religieuse, sportive, etc.) mais à des identités urbaines ?"

    "L’habiter polytopique [...] désigne un habiter caractérisé par la pratique de lieux multiples [...] pratique de multiples lieux ainsi que les mobilités spatiales qu’elle entraîne ont des effets sur le rapport à soi, à l’autre et au nous."

    "Nous posons l’hypothèse selon laquelle habiter avec l’autre est devenu une forme d’habiter qui a remplacé la forme oppositive classique du résident (de l’autochtone, de « celui qui habite son propre sol ») et de l’étranger (de l’allochtone, de « celui qui habite un sol autre », et qui est donc un hôte, toléré temporairement, par exemple sous la forme du Gastarbeiter. Le terme d’étranger et le « sujet » qu’il désigne seraient alors une forme anachronique d’un mode d’habiter qui opère comme s’il n’y avait qu’un « nous » et un « eux », et où se pose la question de l’« intégration » des « eux » dans une forme définie par le « nous ». Or, dans des sociétés à individus urbains et mobiles, cette opposition n’est plus valide, car la circulation généralisée – quel que soit le niveau d’échelle où l’on aborde le problème : intra-quartier, inter-quartier, agglomération, région, territoire national, inter-national, continental, mondial – exprime la nécessité des liens d’interdépendance entre individus et appelle une gestion personnelle de l’identité qui n’est pas fondée sur la distinction entre autochtone et allochtone. En effet la mobilité affecte virtuellement tous les individus, et ceux qui sont immobiles aujourd’hui (résidents) sont les mêmes qui deviendront mobiles demain (migrants, touristes) ; ceux qui pratiquent aujourd’hui le lieu des autres en étant mobiles sont ceux qui demain seront les visités. Par conséquent, les processus d’exclusion fondés sur des politiques d’identité – qu’elles soient mises en place au niveau national, local ou individuel – sont contreproductifs ou du moins sont en contradiction et en tension par rapport aux pratiques des individus."

    "Norbert Elias a utilisé l’expression « Wir-Ich-Balance », « l’équilibre Nous-Je ». Il s’agit en fait d’une tension entre deux façons de s’identifier : à un collectif ou à un soi-même. Et cette tension change au cours du temps : il est des sociétés dans lesquelles le « nous » domine, d’autres où le « je » s’impose."

    "Il convient de travailler davantage sur le processus d’identification que sur l’identité, concept qui exprime davantage la fixité que le processus."

    "Thèse de Simmel dans son étude de 1903 sur La Grande ville et la vie de l’esprit, qui met en avant une « individualité métropolitaine » qui se distingue d’autres formes d’individualité par un certain rapport à la grande ville et notamment par un auto-contrôle relativement plus important : [...] Si l’on cherche à caractériser les habitants des grandes villes (Großstädter), on peut énoncer les traits suivants : l’anonymat, l’attitude blasée (Blasiertheit), la distance (Distanziertheit), l’indifférence (Gleichgültigkeit), le calcul (Rechnen), l’adaptation aux procédés formels (formale Abläufe), la ponctualité, la combinaison du proche et du lointain (das Nahe ist fern, das Ferne ist nah), la flexibilité des rôles (Flexibilität des Rollenspiels)."

    "Les lieux de familiarité (Vertrautheit) et de confiance (Vertrauen) alternent avec des lieux non coutumiers et peu maîtrisés."

    "Le citadin n’est plus seulement un individu qui habite la métropole, mais un individu « géographiquement pluriel » (Stock, 2006b), défini notamment par les référents géographiques multiples de l’identité ainsi qu’une pratique de lieux multiples. C’est donc la mobilité spatiale qui permet au citadin de mettre en œuvre des styles d’habiter polytopiques, ce qui a des conséquences sur le rapport à l’autre."

    "Le modèle classique du rapport à l’espace où la proximité est discriminante et prédicative des relations sociales ainsi que de la familiarité des lieux ne fonctionne pas pour les styles d’habiter polytopiques. En effet, en raison de la mobilité, la possibilité de faire fonctionner plusieurs lieux sur le mode de la familiarité et du lien affectif existe et le nombre de lieux familiers s’en trouve accru. Notamment le développement des résidences dites secondaires – mais, de fait, il peut s’agir des lieux d’investissement affectif principal –, ajoute de nouvelles possibilités de familiarisation et d’identification aux lieux et étend les réseaux sociaux et de sociabilité."

    "La constitution d’un capital spatial est un élément fondamental du rapport à l’altérité, en tant que la compétence qu’il constitue permet d’accéder et de s’ajuster aux « lieux de l’autre » et, à travers eux, à l’autre lui-même."

    "La civilisation urbaine a fait émerger un rapport à l’autre spécifique, impulsé par deux processus fondamentaux. D’une part, le potentiel de rencontres, dans l’espace public, de personnes, de comportements sociaux, de mœurs quotidiennes (nourriture, vêtements), d’atmosphères urbaines (circulation, relations de proxémie, habitats, odeurs), de langues et de discours marqués par la différence informent l’habiter. D’autre part, la division du travail et l’importance grandissante des services aux entreprises et aux personnes rendent les chaînes d’interdépendance plus longues et plus complexes. Ainsi, on observe une intégration de l’autre dans la vie quotidienne. Cette intégration de l’autre comme rencontre quotidienne est l’un des éléments de l’urbanité contemporaine."

    "La question de l’étranger se transforme en la question de l’habiter avec l’autre. Cet « avec » ne signifie pas la fin des conflits potentiels, mais l’engagement inéluctable avec des personnes, des situations, des lieux qui charrient plus ou moins d’altérité."
    -Mathis Stock, « Habiter avec l’autre : identités et altérités dans les styles d’habiter polytopiques », Le sujet dans la cité, 2011/1 (n° 2), p. 54-65. DOI : 10.3917/lsdlc.002.0054. URL : https://www.cairn-int.info/revue-le-sujet-dans-la-cite-2011-1-page-54.htm

    https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2015-4-page-424.htm

    "J’utilise dans ce texte le terme « géographicité » par analogie avec le terme « historicité » pour signifier les multiples dimensions spatiales et référents géographiques qui sont impliqués dans l’ensemble des problèmes des sociétés humaines. Par exemple, la géographicité du droit exprime la manière dont les référents géographiques sont inscrits dans les textes juridiques ; la géographicité du numérique exprime la manière dont les référents géographiques sont mobilisés dans les technologies du numériques, y compris dans la programmation. Ainsi, des « régimes de géographicité » peuvent être reconstruits pour les différentes configurations sociales. A la différence, le terme « spatialité » – notamment en raison de son usage dans la philosophie phénoménologique – est réservé aux rapports des acteurs individuels aux multiples dimensions spatiales."

    "Habiter est défini comme l’ensemble des actes et manières de faire du point de vue de la mobilisation des distances, localisations, paysages, limites, qualités des lieux géographiques, arrangements spatiaux dans toutes les situations possibles dans lesquelles se trouvent les humains en tant qu’individus. [...] L’expression « faire avec l’espace » vise à ne plus opposer espace et pratique, comme dans la théorie géographique traditionnelle, qui conçoit société et espace comme étant une dichotomie, mais à comprendre les dimensions spatiales comme étant consubstantielles aux pratiques."

    "On peut d’ailleurs considérer qu’une première rupture a été opérée par Heidegger (2004a ; 2004b) lorsqu’il a fait le choix de désigner par « habiter » la manière dont les humains sont sur la Terre et de ne plus restreindre le terme à l’activité spécifique d’occuper un logement."

    "Habiter n’est plus alors un concept qui sert à décrire seulement l’appropriation, l’identification ou l’investissement affectif et émotionnel positif, mais un concept qui permet de décrire les multiples façons de faire avec l’espace dans de multiples situations, que la mobilité y soit un enjeu ou non."

    "En géographie le focus sur les concepts de représentation, d’imaginaire et de symbolique a fait oublier la notion de pratique. Celle-ci était d’usage dans les années 1970 et 1980 (cf. le livre quasi oublié de Michel-Jean Bertrand (1978) sur la pratique de la ville), mais n’a pas été, depuis, utilisée avec la même intensité que le concept de représentation."

    "L’un des enjeux de la théorie de la pratique est de montrer que les humains ne suivent pas seulement des normes qui les déterminent en leurs actions – sinon on pourrait se contenter d’analyser des normes – mais qu’ils pratiquent des règles, c’est-à-dire qu’ils les négocient (Bourdieu, 1972). C’est un enjeu fondamental pour la description des sociétés humaines, la notion de norme ou de règle étant centrale en philosophie et sciences sociales. Garfinkel (1967) définit la règle en tant qu’elle est découverte dans le cours de l’action : une proposition radicale et contre-intuitive, car, contrairement à d’autres positions philosophiques, la règle ne préexiste pas à l’action mais est enactée dans le cours de l’action (ou pas). Ainsi, étudier « la pratique en tant que pratique » (Bourdieu, 1972), et non pas en tant qu’exécution d’une règle extérieure est ici la perspective adoptée."

    "En géographie, la notion de « capital spatial » a été proposée pour rendre compte de ces avantages que procure la position du logement, mais aussi l’expérience passée de villes (Lévy, 1994 ; Lévy, 2003)."

    "Au lieu de décrire les processus des sociétés humaines à travers les catégories de représentations, de structures politiques, d’institutions sociales et rapports sociaux, on décrit les événements des sociétés humaines à l’aide de catégories relevant du faire et mobilisant différents termes : usage, action (action, Handlung), agir (handeln, agency), faire (doing, tun), activité (activity, Tätigkeit), pratique (Praxis, practice). Cela signifie que l’ensemble des processus engage un faire et que les êtres humains observés sont conçus comme actifs, i. e. non passifs. La substantivisation du verbe « habiter » en « l’habiter », et non « habitation » exprime cette dimension active."
    -Mathis Stock, « Habiter comme « faire avec l’espace ». Réflexions à partir des théories de la pratique », Annales de géographie, 2015/4 (N° 704), p. 424-441. DOI : 10.3917/ag.704.0424. URL : https://www.cairn-int.info/revue-annales-de-geographie-2015-4-page-424.htm

    https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2012-3-page-7.htm




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

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