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    Bernard Baertschi & Kevin Mulligan (dir.), Les nationalismes

    Johnathan R. Razorback
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    Bernard Baertschi & Kevin Mulligan (dir.), Les nationalismes Empty Bernard Baertschi & Kevin Mulligan (dir.), Les nationalismes

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 1 Mar - 15:32

    « Qu’est-ce que cela signifie de se considérer comme appartenant à une communauté nationale ?

    Le premier point à noter, et il l’a été par la plupart de ceux qui ont réfléchi sérieusement sur le sujet, est que les communautés nationales sont constituées par une croyance : une nationalité existe lorsque ses membres croient qu’elle existe. Ce n’est pas une question de partage d’un attribut commun tel que la race ou la langue par un groupe de personnes. Ces aspects ne font pas par eux-mêmes les nations et ils ne deviennent importants que dans la mesure où une nationalité particulière considère comme l’une des caractéristiques qui la définit que ses membres parlent français ou aient la peau noire. Cela devient clair dès que l’on regarde les candidats qui ont été mis en avant en tant que critères objectifs de nationalité, ainsi qu’Ernest Renan l’a fait dans ses fameuses lectures sur le sujet : pour chaque critère qui a été proposé, il existe des contre-exemples empiriques clairs. La conclusion à laquelle on parvient rapidement est qu’une nation est un « plébiscite quotidien », selon l’expression mémorable de Renan ; son existence dépend d’une croyance partagée que ses membres ont la même appartenance, et un désir partagé de continuer leur vie en commun. […]

    Le second aspect de la nationalité est qu’il s’agit d’une identité qui incarne une continuité historique. Les nations s’étendent en arrière dans le passé et, en fait, dans la plupart des cas, leur origine est opportunément perdue dans les brumes du temps. Au cours de cette historique, de nombreux événements significatifs ont eu lieu, et nous pouvons nous identifier avec les gens qui agirent en ces moments, nous réapproprier leurs actions comme si elles étaient les nôtres. […] La communauté nationale est une communauté d’obligation. Parce que nos prédécesseurs ont travaillé dur et versé leur sang pour construire et défendre la nation, nous qui y sommes nés héritons l’obligation de continuer leur travail, dont nous nous déchargeons en partie sur nos contemporains et nos descendants. La communauté historique est une communauté d’obligation. […]

    Le troisième aspect caractéristique de l’identité nationale est qu’elle est une identité active. Les nations sont des communautés qui font des choses ensembles, prennent des décisions, arrivent à des résultats, et ainsi de suite. […]

    Le quatrième aspect de l’identité nationale est qu’elle relie un groupe de personnes à un lieu géographique particulier, et ici, à nouveau, il y a un contraste clair avec la plupart des autres identités de groupes affirmées par les gens, comme les identités ethniques ou religieuses. Celles-ci ont souvent des sites sacrés ou des lieux d’origine, mais ce n’est pas une partie essentielle de la possession de ces identités que de devoir occuper de façon permanente ces endroits. […] Une nation, par contraste, doit avoir une patrie
    (homeland). […]

    Finalement, il est essentiel à l’identité nationale que l’on croie que le peuple qui compose la nation partage certains traits qui le distinguent des autres peuples. […] Les traits communs peuvent être de caractère culturel : ils peuvent consister en valeurs, en goûts ou en sensibilités partagés. Ainsi, l’immigration ne doit pas poser de problème, pourvu seulement que les immigrants acceptent les éléments essentiels du caractère national.
    » (p.35-38)

    « La nationalité répond à l’un des besoins les plus pressants du monde moderne, à savoir le maintien de la solidarité parmi les populations d’Etats qui sont vastes et anonymes, tellement qu’il est impossible à leurs citoyens de jouir du type de communauté qui s’appuie sur la parenté ou des interactions face-à-face. » (p.40)

    « On peut retourner l’argument d’Acton, comme J. S. Mill l’a fait par anticipation dans le chapitre de son Representative Government. Si les différents groupes qui composent une société n’ont pas la sympathie et la confiance mutuelles qui sont issues d’une nationalité commune, il sera virtuellement impossible d’avoir des institutions libres. Il n’y aura, par exemple, aucun intérêt commun pour résister aux excès du gouvernement ; la politique devient un jeu à somme zéro dans laquelle chaque groupe peut espérer gagner par l’exploitation des autres.
    C’était l’argument de Mill et il existe une abondance de preuves subséquentes qui l’étayent
    . » (p.44-45)
    -David Miller, "Une défense de la nationalité", 1993 (Journal of Applied Philosophy, vol.13), traduit in Bernard Baertschi & Kevin Mulligan (dir.), Les nationalismes, PUF, coll. Éthique et philosophie morale, 2002, 249 pages, pp.29-53.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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