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    Keiji Nishitani, « Le problème de l’être et la question ontologique »

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Keiji Nishitani, « Le problème de l’être et la question ontologique » Empty Keiji Nishitani, « Le problème de l’être et la question ontologique »

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 6 Oct - 17:14

    "Augustin qui, d’un point de vue philosophique, était platonicien. Il répète à l’envi, entre autres dans Les Confessions, que le fait d’avoir lu dans sa jeunesse les Catégories d’Aristote ne lui avait non seulement été d’aucun profit mais s’était même révélé pernicieux. Son reproche était le suivant : dans la théorie aristotélicienne des catégories, la notion de substance convenait à une saisie des choses qui ont une forme (tel que l’homme par exemple), mais si on envisageait Dieu en se prévalant de cette notion, on en arriverait à l’envisager lui aussi en termes de formes, c’est-à-dire qu’on en arriverait à appliquer à Dieu un mode de pensée semblable à celui de l’hypokeimenon dans les choses qui ont une forme6. Ce reproche n’était rien d’autre qu’une critique indirecte du caractère objectivant et non existentiel de l’ontologie aristotélicienne." (p.308)

    "Comme on peut d’ailleurs s’en rendre compte en observant l’histoire de la philosophie, la question de « l’être » a toujours occupé une position centrale en philosophie. Les autres questions en découlent et il n’est pas exagéré de dire qu’en fin de compte, elles s’y ramènent." (p.309)

    "Si l’on accorde la paternité de la philosophie à Thalès pour avoir pensé que l’eau est « l’archè » ou le principe de toutes choses, c’est parce que, ce faisant, le principe de l’univers a été transféré du mythologique-supranaturel au naturel ; et il est clair que cela a profondément modifié l’esprit même dans lequel l’être humain appréhendait le monde. La vision mythologique du monde posait au fondement de celui-ci une force que l’humain ne pouvait sonder. Le mystérieux, ce qui ne peut être ni pensé ni élucidé, ce qui semble relever d’une force surnaturelle ou d’une volonté divine, cela s’exerce de manière imprévisible. Le fondement de cette force et la cause de cette volonté n’autorisent pas la compréhension humaine. C’est quelque chose d’irrationnel. Par contre, poursuivre la totalité des « causes » du monde de la nature dans ce qui est naturel, c’est chercher à élucider le monde rationnellement. Cela présuppose la conviction que le monde peut être élucidé rationnellement. Maintenant, l’homme a pris conscience que ces phénomènes pouvaient être, au fond (par principe et par essence), élucidés par l’intellect humain. Il a pris conscience que ces « archè » (c’est-à-dire les principes, les causes, les fondements, les raisons) pouvaient être investigués. En outre, l’investigation des « archè », la recherche des fondements, ne saurait en aucun cas être contrariée par quoi que ce soit qui surgirait intempestivement depuis un lieu supranaturel. Il devient possible de rechercher les fondements en remontant les rapports de conditionnement d’un fondement jusqu’à son propre fondement, à l’infini. Et une fois que l’on pose un fondement originel ultime, on en fait un principe qui unifie toutes les choses et tous les événements du monde. À partir du principe qui possède la plus grande universalité et le caractère originel le plus profond, l’ensemble du monde peut être rationnellement ordonné. Ou plutôt, cet ordonnancement rationnel qui, dès l’origine, présidait au monde est élucidé. En posant l’eau comme principe (archè) de toutes choses, Thalès inaugura cette nouvelle vision du monde, ou du moins il en prépara l’advenue. Cet événement peut être qualifié de nouvel éveil au monde. Par rapport à la vision mythologique du monde, cet événement correspondait assurément à se réveiller d’un songe. En même temps, cela marqua clairement l’inauguration d’une investigation du monde et, pour l’être humain, cela signifia un éveil à soi. L’être humain s’extirpa d’une phase d’incertitudes. Ce nouvel éveil au monde et à soi fut un événement de la plus haute importance dans l’histoire du genre humain, lequel événement modifiera progressivement le cours de cette histoire en profondeur. La fondation de la philosophie, qui est liée au nom de Thalès, a constitué un tournant décisif dans l’histoire du genre humain." (p.310-311)
    -Keiji Nishitani, « Le problème de l’être et la question ontologique », Laval théologique et philosophique, Faculté de philosophie, Université Laval, vol. 64, no 2,‎ 8 août 2008, p. 305-325.



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