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    Jean-Luc Steinmetz, L’épopée Maldoror

    Johnathan R. Razorback
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    Jean-Luc Steinmetz, L’épopée Maldoror Empty Jean-Luc Steinmetz, L’épopée Maldoror

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 2 Jan - 15:43

    https://www.cairn.info/revue-romantisme-2016-2-page-79.htm

    "L’usage du chant concerne, comme on sait, le genre épique traditionnellement ainsi divisé de l’Odyssée d’Homère au Don Juan de Byron. Ducasse affiche le genre dont il se veut capable (coupable ?) non par provocation, mais parce que cette matière lui paraît la plus apte à exprimer ce qu’il cherche à dire, en utilisant des normes préfixées, parfaitement en accord avec son programme. Il sera, par conséquent, question d’un personnage principal  méritant le qualificatif de héros et d’une action de grande envergure (quoiqu’infiniment diversifiée) impliquant un théâtre cosmique et une étendue hiérarchisée embrassant le ciel, la terre, les régions inférieures. Comme dans l’épopée classique se voient plusieurs intrigues terrestres où des êtres humains divins ou infernaux interviennent. Ducasse s’est donné comme point de départ une lutte contre le créateur – ce qui, bien entendu, transforme les règles de l’épopée classique qui, elle, en principe, ne s’attaque pas aux dieux, mais les montrent attentifs aux manœuvres humaines qu’il leur arrive de soutenir ou de défaire, du haut de leur empyrée. Le cadre choisi répond donc à un genre de la plus haute antiquité. Il suppose toutefois son adaptation dans l’ère moderne, et c’est à n’en pas douter dans cette transformation que Ducasse a trouvé des garanties pour construire son œuvre. En un mot, les références qui nous interpellent à première vue, l’Iliade ou l’Énéide, sont dévoyées. Nous ne les retrouvons pas chez lui et nous devons nous aventurer plus délibérément dans les « suites » historiques de l’épopée telle qu’elle se continua et ne cessa de se continuer sous la plume de Dante (1303-1319), Camoens (1572), l’Arioste (1516), le Tasse (1581), Milton (1667-1674), Klopstock (1748), pour s’achever, en période romantique, sans avoir vraiment perdu de son énergie, avec Byron, Chateaubriand, Lamartine et le Hugo de La Légende des siècles (1859)."

    "On chercherait avec difficulté des références païennes dans le cours des Chants, même si on devine qu’elles ne sont jamais loin. Les grandes figures de la Fable n’y sont présentes que par de rares allusions, tant son univers ne peut être que celui du christianisme, fort approprié pour qu’il y enfonce plus fougueusement et à meilleur escient le coin de ses blasphèmes. Il n’annonce donc nullement le courant mythologique, dont le Parnasse athée allait ouvrir grandes les écluses, et sa connaissance d’un Leconte de Lisle, effective ailleurs , n’opère pas à cet endroit, les Parnassiens ne souhaitant pas donner une suite à l’épopée (formelle), bien que leurs poèmes, parfois vastes et graves, se soient articulés au milieu épique qu’ils connaissaient dans ses moindres détails. Leur univers, s’il conçoit une reconstitution archéologique, garde la plupart du temps son artistique impassibilité."

    "La tyrannie supérieure de Dieu est méprisée, vue des profondeurs, par le regard rebelle de Maldoror, et Maldoror du fond de l’abîme signifie la fierté quasi triomphante de celui qui se raille du despote qui cruellement le surplombe."

    "Dans un véritable va-tout, Ducasse, tout à la fois rétrograde et gyroscopique, s’était voué à un genre en pleine obsolescence ; mais à ses yeux le monde (dont on disait que le roman était le seul habilité à l’exprimer désormais) n’était en fait, qu’une apparence, explicable, en dernière analyse, par des forces morales agissantes, l’ensemble des contradictions par lesquelles s’exprime le Mal."
    -Jean-Luc Steinmetz, « L’épopée Maldoror », Romantisme, 2016/2 (n° 172), p. 79-88.



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