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    Paul Janet, Le Fondateur du socialisme moderne - Saint-Simon

    Johnathan R. Razorback
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    Paul Janet, Le Fondateur du socialisme moderne - Saint-Simon Empty Paul Janet, Le Fondateur du socialisme moderne - Saint-Simon

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 15 Mai - 16:08

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Janet_(philosophe)

    https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Fondateur_du_socialisme_moderne_-_Saint-Simon

    "La Lettre à messieurs les Ouvriers, très significative, car elle indique le moment où Saint-Simon a commencé à se tourner vers le prolétariat." (p.761)

    "En 1817, époque où Saint-Simon a publié ses premiers écrits de réforme sociale, il n’y avait que deux écoles en présence : d’un côté, l’école aristocratique et théocratique, l’école de Bonald, De Maistre, l’abbé de Lamennais, de l’autre, l’école libérale et philosophique, celle de Benjamin Constant, des écrivains de la Minerve. La première défendait la société de l’ancien régime et du moyen âge ; la seconde, le XVIIIe siècle et la révolution. Pour les uns, la société la meilleure et la plus parfaite est celle qui est fondée sur la hiérarchie sociale et l’unité de croyance : d’une part la protection des faibles par les forts, organisée dans le régime féodal ; de l’autre, la paix, l’union des âmes, la charité représentées par l’église. Selon l’école libérale, au contraire, la domination féodale n’était qu’oppression, et l’empire de la foi chrétienne, superstition. Le moyen âge avait été une période de barbarie et d’anarchie. Voltaire était le philosophe de cette école, et Condorcet lui-même, tout en défendant le principe de la perfectibilité, partageait sur ce point les vues de Voltaire. L’antiquité grecque et latine, selon les mêmes philosophes, avait été un temps de culture et de lumières, d’indépendance politique et de gloire littéraire bien supérieur au moyen âge.

    Saint-Simon essaya de s’élever au-dessus de ces deux écoles, et tout en empruntant à la première ses prémisses, il en tira d’autres conséquences. Ce qu’il reprochait au XVIIIe siècle, et notamment à Condorcet, c’était d’avoir dit que les religions avaient toujours été un obstacle au bonheur de l’humanité.
    " (p.763)

    "Cette antithèse perpétuelle entre l’esprit critique du siècle dernier et l’esprit organisateur que doit avoir le siècle présent, voilà la vue dominante de Saint-Simon. C’est lui qui a popularisé et répandu dans les écoles socialistes ce terme « d’organisation, » devenu depuis le symbole caractéristique de toutes ces écoles. S’il a une idée, c’est celle-là. C’est en se plaçant à ce point de vue qu’il se rencontre si souvent avec les écoles rétrogrades dans ses critiques du libéralisme : comme elles, il lui reproche de nier sans affirmer, de détruire sans rien fonder, de manquer de système, de plans, de vues positives. Il lui reproche ses défiances excessives envers l’autorité ; lui-même, bien loin de partager ces défiances, c’est au pouvoir, c’est à la royauté qu’il s’adresse pour opérer ses réformes, lui rappelant l’antique alliance du roi et des communes contre le régime féodal, et demandant à Louis XVIII de se mettre à la tête du système industriel.

    C’est un fait important à signaler que le socialisme du XIXe siècle, à son origine, n’a eu aucune accointance avec l’esprit révolutionnaire, et même s’est présenté en opposition avec lui. Nulle liaison en effet entre Saint-Simon et les démagogues de 93 : pendant la révolution, on ne voit pas qu’il ait été préoccupé de théories sociales ; il a manqué même d’être une des victimes de la terreur. Si on lui eût dit que certaines de ses idées pouvaient bien aboutir un jour ou l’autre à quelque chose de semblable au babouvisme, il en eût été fort étonné, et certainement révolté. On peut trouver dans ses écrits des rêves, des conceptions hardies, mais pas un mot d’esprit de révolte, de haine sociale, de passion démagogique. C’est au contraire le sentiment de l’ordre social, de la hiérarchie et des nécessités du pouvoir qui l’inspire partout
    ." (p.765)

    "Le socialisme de Saint-Simon se distingue de celui du XVIIIe siècle, celui de Jean-Jacques, de Mably, de Saint-Just. Le communisme du XVIIIe siècle était né d’une admiration mal éclairée des républiques de l’antiquité et en particulier des institutions de Sparte. Il était porté à considérer la richesse comme un mal, comme un principe corrupteur et désordonné, par conséquent l’industrie et le commerce comme des institutions plus ou moins funestes. Montesquieu lui-même semble donner raison à ces préjugés lorsqu’il nous dit que les républiques doivent reposer sur la frugalité, lorsqu’il loue les impôts somptuaires, et approuve les mesures antiques qui avaient établi l’égalité des biens. En un mot, l’idée d’un certain âge d’or antérieur à la civilisation, le rêve d’une vie patriarcale, agricole, sans arts, sans luxe, sans industrie, sans commerce, voilà ce que Saint-Just dans ses Institutions républicaines appelait « le bonheur commun, » et, quoique grossièrement interprétées par le dernier disciple de l’école, Babœuf, c’étaient bien là cependant les idées favorites de ses deux maîtres, Rousseau et Mably.

    Tout autres et profondément différentes dans leur principe sont les idées de Saint-Simon. Ce n’est pas dans la littérature classique mal entendue, c’est dans l’économie politique qu’il faut chercher l’origine de son socialisme. Ce sont les économistes, c’est Adam Smith et Jean-Baptiste Say, dont il se déclare le disciple, qui lui ont inspiré ses vues sur le rôle prépondérant de l’industrie. Bien loin de faire la guerre au luxe et à la richesse, c’est au contraire l’accroissement de la richesse publique qu’il se propose : son idéal n’est pas une république militaire comme celle de Sparte, c’est une république industrielle et commerçante, l’agriculture n’étant elle-même à ses yeux qu’une industrie.
    " (p.766)

    "La liberté, selon Saint-Simon, n’est pas un but : « On ne s’associe pas pour être libres. » Autant vaudrait rester isolés. On s’associe pour la chasse, pour la guerre, pour une œuvre déterminée. C’est à quoi l’école libérale ne pense pas. La liberté en réalité n’est ni un but, ni un moyen ; elle est un effet. Elle résulte du développement progressif de l’humanité ; chacun est plus libre à mesure qu’il est plus puissant et qu’il a plus de moyens d’action sur la nature." (p.767)

    "MM. Comte et Dunoyer. Ces deux écrivains, alors tout jeunes, avaient publié en 1814 un journal exclusivement politique sous le titre de Censeur. Ce journal, très hostile à la restauration, fut supprimé par les Bourbons. Ce fut pendant les loisirs que leur procura cette interruption violente de leurs travaux, que nos jeunes libéraux furent amenés à des réflexions qui firent une révolution dans leurs idées. Ils se demandèrent « si l’opposition libérale, si la politique constitutionnelle avait un objet bien déterminé. » Ils furent obligés de convenir « que le parti libéral ne savait pas et ne se demandait même pas où la société doit tendre, et en vue de quel objet général d’activité elle devait être constituée. » Ils s’appliquèrent donc à découvrir « le but d’activité sociale, » et reconnurent que c’était « l’industrie. » De l’aveu de M. Dunoyer lui-même, « le Censeur avait été un ouvrage de pure polémique et de politique acerbe, » sans aucune préoccupation économique. Ils comprirent enfin que ce qu’il fallait attaquer, c’étaient « les passions révolutionnaires, militaires, ambitieuses, dominatrices, » et que c’était vers « le travail » qu’il fallait diriger l’activité des intelligences. On voit que la pensée fondamentale du Censeur européen était exactement la même que celle de Saint-Simon dans les premiers temps." (p.769)
    -Paul Janet, "Le Fondateur du socialisme moderne - Saint-Simon", Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 14, 1876, pp. 758-786.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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