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    Carl Von Clausewitz, De la guerre - Livre I

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Carl Von Clausewitz, De la guerre - Livre I Empty Carl Von Clausewitz, De la guerre - Livre I

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 12 Avr - 18:00



    « La stratégie fait le plan de guerre ; elle y rattache la série des opérations destinées à le réaliser : elle rédige les projets de campagne, et dispose et échelonne les divers combats. Mais, comme son travail se base sur des hypothèses générales qui souvent sont irréalisables en ce que maintes déterminations particulières ne se laissent ni deviner ni prévoir, il en résulte que la stratégie doit faire campagne, pour être à même de disposer chaque chose à son heure et à sa place, et d’apporter, dans l’ensemble, les incessantes modifications que les circonstances réclament. Il faut, en un mot, que la stratégie mette constamment la main à l’œuvre. »
    « Ce qu’il faut admirer, c’est l’exacte réalisation d’hypothèses faites dans le silence, c’est l’harmonie d’une direction conçue et poursuivie sans bruit et dont le succès seul révélera toute la portée. »
    « C’est en suivant invariablement cette voie, dont l’ambition, la soif de gloire, les idées de vengeance même, ne le purent jamais écarter, que le Roi sortit enfin vainqueur de la lutte. »
    « Lorsque l’on n’a pas l’habitude de considérer une guerre et, dans celle-ci, chaque campagne isolément conduite, comme une chaine exclusivement composée de combats, dont l’un amène sans cesse le suivant, on en arrive fatalement à la conviction que l’occupation de certains points géographiques, de même que la possession d’une province laissée sans défense et autres opérations semblables, ont en sol quelque valeur. De là à tenir le fait pour un avantage à inscrire à son actif, il n’y a qu’un pas.
    Or, en donnant cette importance à ce qui n’est, en somme, que l’un des termes d’une série d’événements consécutifs, on ne songe pas à se demander si cette manière de procéder n’entraînera pas plus tard de graves conséquences. Ce sont là des fautes qui se présentent maintes fois dans l’histoire des guerres. De même qu’un négociant, loin de mettre de côté le profit d’une première transaction, le doit, au contraire, porter au compte courant et s’en servir au mieux des transactions suivantes, on ne saurait, à la guerre, ne pas faire concourir à la série des opérations un avantage isolément obtenu. Dans le commerce il faut agir avec la totalité des fonds dont on dispose ; à la guerre c’est la somme totale des avantages et des désavantages qui décide de toute l’opération. »
    « Quant à nous, nous en tenant à la généralité des phénomènes réels, nous ne pousserons notre analyse qu’aussi loin qu’il le faudra faire pour être compréhensible. Les idées que nous énoncerons ne sont pas le résultat d’études spéculatives ; elles ne nous ont été inspirées que par l’expérience et l’examen des faits réels de la guerre. »
    « Les grandeurs morales doivent être comptées au nombre des plus importants facteurs de la guerre. Elles en sont les esprits vitaux et en pénètrent tout l’élément. Elles ont la plus gronde affinité avec la puissance de volonté qui met en mouvement et dirige la masse entière des forces, et, comme cette volonté est elle-même une grandeur morale, elles s’y attachent et font corps avec elle. Elles échappent à toute la sagesse des livres parce qu’elles ne se peuvent ni chiffrer ni classer ; elles demandent à être vues et senties. »
    « La plupart des objets que nous allons examiner dans ce livre présentent ce double caractère, et se composent de causes et d’effets dont les uns sont d’ordre physique et les autres d’ordre moral. Si nous nous permettons, ici, une comparaison, nous nous représenterons les premiers comme le bois brut dont on fait la hampe d’une lance, et les seconds comme le dard aciéré de fin métal qui élève le tout à la dignité d’arme de guerre. »
    « Les montagnes sont le lieu d’élection par excellence de l’action des populations armées ou insurgées. »
    « C’est d’après ces affinités respectives entre les différentes espèces de terrains et les qualités diverses d’une armée, qu’il convient d’établir les projets et de dresser les plans. »
    « La vertu guerrière est distincte du courage, bien que celui-ci en constitue une partie essentielle. On saurait encore moins la confondre avec l’enthousiasme pour la cause de la guerre. »
    « À quelque point de vue qu’on la considère, et alors même que, dans une nation, la totalité des citoyens en état de porter les armes seraient appelés à y prendre part, la guerre est et restera toujours une fonction spéciale, absolument distincte et séparée des autres fonctions de la vie sociale. »
    « Tant qu’il y aura une carrière militaire, ceux qui l’exerceront, et aussi longtemps qu’ils l’exerceront, se considèreront comme formant une sorte de corporation absolument distincte. »
    « On ne saurait confondre l’esprit de noble solidarité qui unit entre elles les bandes éprouvées de ces vieux soldats endurcis aux fatigues et couverts de cicatrices, avec la vaniteuse suffisance des armées permanentes dont les éléments ne tiennent ensemble que par la puissance des règlements de service et d’exercice. »
    « À la guerre plus que dans aucune des autres fonctions de l’activité humaine, les choses se montrent généralement tout autres qu’on ne les a pensées. […] Une persévérance inébranlable dans la poursuite de la résolution tout d’abord prise devient donc, ici, un contrepoids nécessaire, aussi longtemps, du moins, que l’apparition de considérations nouvelles absolument décisives n’en décide pas autrement. Il faut ajouter, enfin, qu’on ne peut réaliser d’entreprises glorieuses à la guerre, qu’au prix de fatigues, de privations et d’efforts sans nombre, auxquels la faiblesse morale et physique de l’homme le porte incessamment à se soustraire, et que, par conséquent, le but ne peut être atteint qu’à force de volonté, d’énergie et de persévérance.»
    « La supériorité numérique n’est que l’un des facteurs qui, dans le combat, produisent la victoire. On ne saurait donc croire avoir tout gagné, quand on n’a pour soi que ce seul avantage, et il se peut très bien, même, qu’en raison du concours des autres circonstances, on ne possède, en cela, que fort peu de chose. »
    « On doit porter au combat sur le point décisif, le plus grand nombre possible de troupes. Que ces troupes suffisent alors ou non, on n’aura, du moins, rien à se reprocher, puisque l’on aura ainsi tiré parti de tous les moyens dont on disposait. Tel est le premier principe en stratégie. »
    « La surprise constitue donc, tout d’abord, le moyen d’arriver à la supériorité. Elle possède, en outre, en raison de l’effet moral qu’elle exerce, une propriété qui lui est absolument spéciale. L’expérience et l’étude de l’histoire démontrent, en effet, que, lorsqu’elle réussit à un haut degré, le trouble et le découragement qu’elle jette dans les rangs de l’ennemi, concourent puissamment à augmenter la grandeur du résultat. »
    « Bien que, par suite de l’initiative de son action, la forme offensive soit plus fréquemment en situation d’appliquer le principe de la surprise, nous verrons cependant, par la suite, que la forme défensive y a elle-même souvent recours. »
    « Alors que l’on abandonne à la tactique l’exécution des coups de force ou combats, et que l’on considère la stratégie comme l’art de les préparer et de les rendre possibles par l’heureuse disposition et l’habile emploi de toutes les forces qui y peuvent concourir, on sent bien qu’en dehors de la soif de gloire, de la force de volonté et des autres grandes puissances morales qui y sont tout d’abord indispensables, la ruse est, de tous les dons subjectifs, celui qui est le plus propre à conduire et à vivifier l’action stratégique. »
    « Tout emploi successif des forces serait illogique. »
    « De l’avis de quiconque a déjà fait la guerre, la prépondérance appartient, dans la majorité des cas, à celui des deux adversaires qui, le dernier, peut encore disposer de troupes fraîches. »
    « C’est au courant du combat et avant qu’il ait pris fin, pendant la période de désordre, de désunion et d’affaiblissement qui en est, de part et d’autre, l’inévitable conséquence, que se produisent la plupart des résultats tactiques, tandis que c’est précisément alors que le succès fait cesser cet état de crise, que se réalisent les résultats stratégiques, c’est-à-dire le résultat total du combat, victoire ou défaite, qu’elle qu’en soit d’ailleurs la grandeur. Ce n’est, en d’autres termes, qu’alors que les résultats partiels obtenus dans l’action directe se réunissent en un tout indépendant, autonome, substantif, qu’apparaît enfin le résultat stratégique. »
    « Dans la pratique de chacun des arts auxquels se voue l’activité humaine, l’artiste ne saurait, esclave servile de la méthode, s’en tenir à la rigide application des principes. »
    « Aucune guerre, en effet, ne pouvant résulter d’une intention défensive réciproque, depuis l’instant où, sollicité par l’intérêt du but positif qu’il poursuit, l’un des belligérants a pris le rôle d’agresseur, il doit incessamment persévérer dans ce rôle dont l’action positive peut seule le conduire au résultat cherché.
    On voit ainsi que considérée dans son sens absolu, la guerre ne comporte pas de temps d’arrêt, par la raison que, telles que l’eau et le feu dans un incendie, les deux armées opposées constituent des éléments qui ne peuvent jamais rester en équilibre et doivent sans relâche chercher à s’entre-détruire. »
    « L’état de tension et de mouvement constituant seul, en effet, le véritable état de guerre, c’est à cet état que se rapporteront toutes les règles théoriques et pratiques que nous déduirons des rapports existant entre l’offensive et la défensive. »
    « Par sa construction le combat est de nature tactique. […] Nous avons défini le combat l’instrument de la stratégie pour arriver au but de la guerre.»
    « Le combat est la lutte de deux forces armées. Dans cette lutte chacun des adversaires cherche à renverser l’autre ou à le détruire. »
    « On a vu se manifester les tendances les plus fausses et des fragments de systèmes dans lesquels on se figurait d’autant plus grandir l’art militaire, qu’on privait davantage la guerre de l’usage de l’unique instrument qui lui soit propre, l’anéantissement des forces de l’ennemi. »
    « Contre un adversaire immobile, une opération habilement combinée produit nécessairement de beaucoup plus grands effets qu’une action directement exécutée ; mais par contre une opération combinée exige plus de temps qu’une action directe et demande dans ses préparatifs, à ne pas être troublée par une contre-attaque. En effet, si pendant l’exécution d’une opération combinée dirigée contre lui l’adversaire, au lieu de rester immobile, se décide à porter lui-même un coup plus simple et plus rapide, il gagne l’avance et jette le trouble dans l’opération. Dans toute action combinée il faut donc sans cesse tenir compte du danger qu’elle comporte d’être ainsi interrompue et devancée, et par conséquent n’y avoir recours ou n’y persévérer qu’autant qu’on n’a pas à craindre d’être surpris par un contre-mouvement plus promptement exécuté. En d’autres termes, plus l’adversaire se montre ardent et résolu, et plus il convient, renonçant aux combinaisons artificielles étendues, d’entrer dans la voie des mouvements simples et directs, pour y avoir enfin uniquement recours dès que les circonstances, le caractère et la situation de l’ennemi le rendent nécessaire.
    Notre pensée n’est donc pas que le choc direct soit le meilleur, mais qu’il faut cependant apporter une extrême circonspection dans l’étendue à donner aux attaques combinées, et que plus on reconnaît d’esprit de résolution et de hardiesse chez l’adversaire, plus il convient de recourir à l’action directe et d’enchérir même sur lui à ce propos. »
    « En dehors des circonstances où la retraite ne se produit qu’en raison d’un mouvement d’ensemble ou de concentration, c’est donc habituellement le terrain perdu et le manque de troupes fraîches qui décident de l’abandon du champ de bataille. »
    « La dépression des forces morales va sans cesse en augmentant chez le vaincu dès que le mouvement de retraite commence. »
    « Les forces morales anéanties dans un combat malheureux et dans ses premières suites se reconstituent parfois au point de ne laisser aucune trace de leur disparition. »
    « Au moment même de l’action on ne dispose habituellement que de moyens si vagues d’apprécier l’effectif réel des forces que l’ennemi porte en ligne, et l’évaluation de celles dont on dispose soi-même est généralement si incertaine, que celui des deux adversaires en faveur duquel la supériorité numérique existe est en situation de ne pas l’avouer, ou du moins de ne la reconnaître que de beaucoup inférieure à ce qu’elle est réellement, ce par quoi il échappe, en grande partie tout d’abord, au désavantage moral qui en résulterait pour lui en cas d’insuccès. »
    « Si maintenant, pour terminer cette étude générale du combat, nous recherchons quels sont les indices auxquels on en peut reconnaître et apprécier le résultat, nous trouvons que la victoire et la défaite se composent de trois éléments, et que ces éléments sont réciproquement :
    Dans la victoire :
    1° Une perte en forces physiques, et
    2° Une perte en forces morales, l’une et l’autre inférieures aux pertes éprouvées par le vaincu ;
    3° La constatation de la supériorité par la conservation du champ de bataille. »
    « Dans maintes circonstances cependant, et alors même que la lutte a été opiniâtre, le retrait des troupes du terrain sur lequel on les a fait combattre n’implique ni l’aveu de la supériorité reconnue de l’ennemi ni le renoncement au but poursuivi. »
    « Bien qu’il n’y ait pas de moment absolument décisif en soi dans le combat, il arrive toujours un instant où, quelque durée que puisse encore avoir la lutte, l’issue n’en saurait désormais être changée. Il est fort important, dans l’insuccès, de savoir reconnaître cet instant, car, dès lors, tout nouvel effort est vain, le combat est décidé, et toute troupe de renfort engagée pour le rétablir est inutilement sacrifiée. »
    « Les résultats des engagements partiels ne sont que des résultats provisoires que le résultat général peut non seulement intervertir, mais complètement annuler. »
    « De ce que la victoire ne peut être que le prix du sang, on peut logiquement conclure qu’il faut ou ne pas faire la guerre, ou ne la faire qu’avec la plus extrême énergie ; mais, par des raisons d’humanité, chercher peu à peu à en atténuer la violence, c’est s’exposer inévitablement à être écrasé par un adversaire moins sentimental. »
    « Lorsque le vainqueur est en situation de continuer la poursuite pendant la nuit entière, alors même qu’il n’y peut porter qu’une forte avant-garde composée de toutes armes, il augmente extraordinairement la grandeur, la portée et les effets de la victoire. »
    « Dans les guerres précédentes, la direction paralysée par des préjugés et maintenue dans les limites les plus étroites par des restrictions conventionnelles, ne visait guère qu’à l’honneur de vaincre et au prestige des armes. L’anéantissement des forces armées de l’ennemi n’étant dès lors considéré que comme l’un des nombreux mais non comme le suprême et encore moins comme l’unique des moyens d’arriver aux fins de la guerre, il suffisait que l’un des adversaires abaissât son épée, pour que l’autre se déclarât satisfait et remit la sienne au fourreau. Dès que la décision se prononçait dans une bataille, il semblait donc naturel que le vainqueur s’en contentât, et on regardait toute effusion consécutive de sang comme une cruauté inutile. »
    « Affaibli et désuni par sa défaite, le premier besoin du vaincu est, en effet, de réunir ses troupes afin d’y rétablir l’ordre, le courage et la confiance. »
    « On voit donc que dans les combats de nuit l’attaquant n’a pas moins besoin de ses yeux que le défenseur, et que par conséquent il ne peut recourir à l’attaque de nuit que dans des circonstances spécialement favorables. »
    « L’on ne doit recourir à l’attaque de nuit d’une armée entière que dans les circonstances exceptionnelles suivantes :
    1° Alors qu’on y est particulièrement encouragé par l’imprudence ou par la témérité de l’ennemi. Encore faut-il bien prendre garde que ces défauts no soient qu’apparents et ne cachent une grande supériorité morale ;
    2° Alors qu’une panique s’empare de l’ennemi, ou que la valeur morale des troupes dont on dispose est telle, qu’on s’en puisse rapporter à elles-mêmes si la direction vient à leur manquer pendant l’opération ;
    3° Alors que, cerné de tous côtés par une armée supérieure, on n’a d’autre ressource que d’en percer les lignes en portant tous les efforts à la fois sur un même point;
    4° Lorsqu’on ne dispose que de forces tellement inférieures à celles de l’ennemi, qu’il ne reste d’espoir suprême que dans la réussite de l’action la plus audacieuse. »
    « On peut définir une armée la réunion des troupes qui y sont rassemblées pour servir la même cause. »
    « Un gouvernement n’est pas toujours libre, obéissant à de prudentes raisons politiques, et surtout alors qu’il ne dispose que de forces militaires relativement très inférieures, de ne pas faire la guerre. »
    « Le combat proprement dit participe de deux modes foncièrement distincts : le principe destructeur du feu et la mêlée ou lutte corps à corps. »
    « La lutte corps à corps, homme contre homme, demeure toujours le principe foncier et seul vraiment indépendant du combat. »
    « La force de l’avant-garde et des avant-postes d’une armée varie d’ailleurs selon les circonstances. […]  Il va sans dire, cependant, que quelle que soit la force maximum que l’on puisse donner aux corps avancés, cette force sera toujours, eu égard aux efforts du gros de l’armée ennemie, très inférieure à celle des attaques qu’ils auront à supporter pendant de longues heures. Il est donc nécessaire d’entrer ici dans quelques développements pour faire ressortir comment, malgré cette disproportion matérielle, les corps avancés sont en état de remplir leur mission sans avoir à redouter des pertes très sérieuses. […] Les corps avancés devant pousser leurs observations aussi loin que possible, il faut qu’ils soient en situation, par leur présence seule, de contraindre l’ennemi à déployer ses forces et à dévoiler ses intentions.»
    « Dans une lutte contre un ennemi supérieur, le principal danger consiste habituellement, en effet, dans la possibilité d’être tourné et attaqué de plusieurs côtés à la fois. »
    « L’expérience seule peut aider à la fixation de la longueur et de la durée qu’il convient de donner aux marches. »
    « Sur le théâtre de la guerre, l’insuffisance et la mauvaise qualité des vivres et des abris, l’effondrement des chemins causé par la qualité des charrois, et la fatigue d’être toujours sur le qui-vive et prêt à combattre sont les causes constantes d’une dépense disproportionnée des forces. Dans de telles conditions, hommes et bêtes, matériel et habillement, tout s’use, tout dépérit. »
    « La meilleure forme à donner à l’ensemble des cantonnements d’une armée est un ovale peu prononcé se rapprochant beaucoup du carré ou du cercle, de sorte que le point de rassemblement en soit à très peu de chose près au centre. »
    « On peut avoir en vue de couper virtuellement la retraite à l’ennemi, ou chercher au contraire à le forcer à rétrograder en interrompant ou en troublant ses communications, et en l’exposant ainsi à périr de misère par la privation de ses moyens d’alimentation. »
    « Le terrain oppose des obstacles au mouvement, il gène et limite la vue, il contrarie ou annule l’efficacité du feu. »
    « Dans l’une comme dans l’autre forme de l’action à la guerre renverser l’ennemi est le but et détruire ses forces armées est le moyen. »
    « POINT LIMITE DE LA VICTOIRE
    Il est des guerres dans lesquelles le vainqueur n’est pas en état de renverser complètement son adversaire, et souvent, le plus fréquemment même, la victoire atteint un point limite qu’elle ne peut plus dépasser. Cette vérité ressort suffisamment de la masse des faits, mais elle a une si grande importance pour la théorie de la guerre, elle exerce une si grande influence dans l’élaboration des plans de campagne, elle présente superficiellement tant d’apparentes contradictions, que nous croyons devoir la considérer de plus près et en rechercher le véritable principe. »
    « Celui-là seul réussit qui sait faire de grandes choses avec de faibles moyens. »
    « Tout cours d’eau de quelque importance qui coupe la direction suivie par l’attaquant constitue pour celui-ci une grande cause de gêne. »
    « Il nous faut éclairer la masse des objets afin de permettre à l’esprit de les distinguer les uns des autres et de saisir les rapports dans lesquels ils se tiennent ; il nous faut séparer ce qui a de l’importance de ce qui n’en a pas. »
    « On ne commence ou, du moins, on ne devrait commencer aucune guerre sans s’être préalablement demandé quel but elle doit atteindre.[…] C’est cette pensée fondamentale qui indique les directions à suivre, les moyens à employer et les efforts à produire ; elle manifeste son influence jusque dans les moindres subdivisions de l’action. »
    « De même que c’est la couleur du fond d’un tableau qui détermine la teinte générale de l’œuvre entière, de même quand une pensée capitale s’est emparée de notre esprit et préside à ses décisions, elle communique toujours un certain ton et un certain caractère à nos actes. »
    « C’est ici qu’il faut répéter sans cesse : la fin couronne l’œuvre. Ainsi conçue, la guerre est un tout dont les membres — les résultats partiels — n’ont isolément aucune valeur et n’en prennent que par rapport au tout lui-même. »
    « Peu à peu cependant le système féodal se transforma en domination territoriale, les liens de l’État se resserrèrent, les obligations personnelles disparurent, et on leur substitua d’abord des prestations en nature, puis, insensiblement, un impôt en argent. Les troupes soldées commencèrent alors à remplacer les contingents féodaux. Ce furent les condottieri qui opérèrent la transition, de sorte que pendant un certain temps ces troupes devinrent aussi les instruments des grandes puissances ; mais cela dura peu, et bientôt, aux mercenaires engagés pour un temps limité, succédèrent des hommes régulièrement enrôlés et soldés. Telle est l’origine des armées permanentes entretenues aux frais du Trésor. »
    « Nous terminerons en disant que, bien que le but que l’on se propose et les moyens que l’on met en œuvre dépendent essentiellement de la situation dans laquelle on se trouve au moment où l’on entreprend une guerre, ce but et ces moyens portent néanmoins toujours l’empreinte de l’époque et de ses caractères généraux et restent soumis aux modifications que la nature de la guerre leur impose. »
    « D’après les leçons de l’expérience, c’est surtout par les moyens suivants que l’on arrive à renverser l’adversaire :
    1° En dispersant d’abord son armée, quand cette armée constitue par elle-même un facteur en quelque sorte indépendant.
    2° En s’emparant de sa capitale lorsqu’elle est à la fois le siège des autorités et des corps de l’État et le centre des partis politiques.
    3° En portant un coup violent à l’allié principal, quand celui-ci est plus puissant que l’adversaire lui-même. »
    « Que nous serons en état de vaincre la totalité de nos adversaires en en terrassant un seul, tous nos efforts devront se réunir contre celui-là, parce que c’est en lui que se trouve le centre de gravité de toute la guerre. »
    « L’idée politique qui préside à la guerre exerce aussi une grande autorité sur la manière de la conduire. »
    « Tout le monde sait que la guerre est l’une des conséquences des relations politiques entre les gouvernements et les peuples, mais généralement on s’imagine que ces relations cessent par le fait même de la guerre et qu’il s’établit aussitôt un état de choses spécial régi par des lois particulières.
    Nous affirmons, au contraire, que la guerre n’est que la continuation du commerce politique avec immixtion d’autres moyens. Avec immixtion d’autres moyens, disons-nous, afin d’indiquer par là que, loin de cesser ou de se modifier par la guerre, le commerce politique, quels que soient d’ailleurs les moyens employés, persiste dans son essence même et détermine, d’un bout à l’autre des opérations, les lignes générales suivant lesquelles les événements de la guerre se poursuivent et auxquelles ils se rattachent. Il ne saurait en être autrement, et jamais la cessation des notes diplomatiques n’a entraîné l’interruption des rapports politiques entre les gouvernements et les peuples. La guerre n’a jamais été qu’un moyen plus énergique d’exprimer la pensée politique dans un langage qui, s’il n’a pas sa logique propre, a du moins sa grammaire à lui. »
    « Dans les mains de la politique, le farouche élément de la guerre devient un instrument docile, et que le glaive pesant des batailles, qu’on ne devrait lever qu’avec effort et des deux mains pour n’en frapper qu’un coup formidable unique, se transforme en une arme d’escrime légère et maniable, aussi propre à l’attaque qu’à la riposte et à la feinte. »
    « Dans toutes les circonstances de la vie, pour ne point s’égarer et ne pas se contredire sans cesse, rien n’est en général plus nécessaire que de déterminer le point précis auquel il convient de se placer et de se maintenir pour embrasser et apprécier exactement les choses. »
    « On ne peut prendre aucune décision importante à la guerre sans tenir compte des rapports politiques, et c’est se tromper du tout au tout d’attribuer les insuccès à l’influence que la politique exerce sur la direction. »
    « Si faible qu’il soit, le défenseur doit toujours menacer son adversaire et chercher à le frapper au défaut de l’armure. »
    « Toute perte de temps, tout détour inutile entraine une déperdition de forces et constitue par conséquent une faute stratégique. »
    « La bataille est-elle enfin gagnée et la victoire acquise, il faut aussitôt, sans temps d’arrêt, sans transition, sans réflexion, sans reprendre haleine même, se jeter à la poursuite de l’ennemi, l’attaquer partout où il résiste, s’emparer de sa capitale, détruire ses armées de secours et renverser tous les points d’appui de sa puissance. »
    -Carl Clausewitz, Théorie de la grande guerre.


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