L'Académie nouvelle

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
L'Académie nouvelle

Forum d'archivage politique et scientifique


    Michaël Crevoisier, Etre un sujet connaissant selon Simondon. Ontogenèse et transcendantal

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
    Admin


    Messages : 19726
    Date d'inscription : 12/08/2013
    Localisation : France

    Michaël Crevoisier, Etre un sujet connaissant selon Simondon. Ontogenèse et transcendantal Empty Michaël Crevoisier, Etre un sujet connaissant selon Simondon. Ontogenèse et transcendantal

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 31 Jan - 10:06



    "Kant établit une nouvelle manière de formuler le problème de la théorie de la connaissance, le concept de transcendantal permet de fixer un cadre à ce problème en déterminant d'une part les limites dans lesquelles il peut être traité, et d'autre part la méthode pour le résoudre. La "critique transcendantale" est le nom que Kant donne aux recherches devant permettre l'établissement de ce cadre et de cette méthode, en tant que ceux-ci doivent garantir à leur tour la possibilité de fonder la connaissance en général et la connaissance a priori en particulier. Sachant que la connaissance a priori, Kant la définit en opposition à la connaissance issue de l'expérience, a posteriori. Sa méthode consiste à régresser de l'expérience vers ses conditions en suivant un principe: "il faut qu'on reconnaisse ces concepts comme conditions a priori de la possibilité de l'expérience". Cette expression "conditions a priori de la possibilité de l'expérience" désigne donc ce dont la critique doit produire l'analyse et ce qui fonde la possibilité de la connaissance en tant qu'il s'agit là d'une seconde source de la connaissance, complémentaire de l'expérience. En effet, si l'expérience est ce qui fournit la matière des représentations, les conditions a priori en fournissent la forme. [...]
    Comment la connaissance est-elle possible ? Et plus précisément: qu'est-ce qui en droit justifie que la connaissance soit a priori possible ?
    La réponse de Kant consiste à analyser les conditions a priori de possibilité de la connaissance, en attribuant un statut juridique à l'a priori, au sens où les conditions a priori désignent, pour ainsi dire, la forme que doit avoir l'esprit pour que des connaissances soient possibles. En ce sens strictement gnoséologique, il n'y a de conditions a priori qu'en raison de la nécessité de fonder la connaissance, c'est-à-dire d'identifier des conditions de validité des jugements. Ces conditions sont le droit du fait de la connaissance scientifique. Ajoutons que la nécessité et l'universalité qui sont la marque de l'a priori, impliquent que la connaissance a priori soit purement indépendante de l'expérience, lieu du contingent, bien que la production de cette connaissance suppose une méthode d'analyse cadrée par l'expérience possible, méthode que Kant nomme Logique transcendantale. [...] C'est dans ce cadre méthodologique qu'il mobilise l'adjectif "transcendantal", pour qualifier d'une part les moyens pour analyser les conditions a priori et d'autre part les éléments constituant la structure de ces conditions." (pp.10-11)

    "Notre questionnement porte sur la modification du concept kantien de transcendantal, notamment en ce qu'elle trouve sa nécessité dans deux difficultés propres à la manière dont Kant procède pour mener son analyse des conditions a priori. La première difficulté concerne le statut qu'il donne à l'a priori: ni inné, ni acquis, il n'a de sens que juridiquement. Or, l'opposition stricte entre l'a priori et l'a posteriori que cela suppose est difficile à tenir car cela implique de refuser que le progrès notamment des sciences, des arts et des techniques ait une quelconque conséquence sur l'analyse à mener. Et en un sens il suffirait d'en douter, de ne plus croire nécessaire de tenir une telle opposition, pour qu'en quelque sorte l'empirique réduise le transcendantal à néant. Comment penser la possibilité d'une variation des conditions a priori sans abandonner le transcendantal ? Quelle autre articulation entre l'a priori et l'a posteriori est envisageable ? La seconde difficulté réside dans l'idée que doit poser Kant au départ de son entreprise et que cristallise son concept d'expérience: tout ce dont il y a expérience est nécessairement réductible à une synthèse subjective et donc aux éléments transcendantaux. Autrement dit, ce dont il est possible de faire l'expérience ressortit nécessairement à la forme de la subjectivité telle qu'elle se trouve transcendantalement constituée et idéalement unifiée. Cet idéalisme transcendantal est ce qui garantit à la méthode critique à la fois sa réussite et son achèvement. Il suppose que les expériences possibles sont a priori et donc déjà totalement déterminées. Or, que penser de l'avènement d'expériences inédites ? Comment prendre en compte la nouveauté de l'expérience, impliquant une ouverture du possible au-delà de sa détermination a priori ?" (pp.11-12)

    "Ce qui nous intéresse dans l'œuvre de Simondon ce sont ce que nous pourrions appeler les conditions ontogénétiques a priori de l'expérience correspondant à la manière dont sa méthode l'amène à penser le transcendantal dans le mouvement empirique de l'individuation duquel naît, à un moment, le sujet connaissant." (p.13)

    "Pour être quelqu'un n'est-il pas nécessaire qu'une unité se conserve dans le devenir, qu'une même forme continue de s'affirmer ? [...] [Pour Simondon] le sujet connaissant bien que compris du point de vue de l'individuation doit malgré tout consister en une structure suffisamment fixe pour pouvoir connaître. En ce sens, tout l'intérêt de la philosophie de l'individuation de Simondon réside dans la réforme de la théorie du sujet qu'elle implique et de laquelle ressort une nouvelle compréhension de ce qui structure l'unité d'un sujet." (p.15)

    " [Pour Jean-Hugues Barthélémy] l'intérêt de la philosophie de Simondon consiste précisément dans le fait qu'il abandonnerait le transcendantal kantien. Nous tâcherons de tenir l'hypothèse inverse [...] Il nous semble en effet tout à fait convaincant de dire que Deleuze lit Simondon trop rapidement (et avec des lunettes husserliennes), lorsqu'il affirme que Simondon propose une théorie du "champ transcendantal" ([...] Logique du sens [...] 1969, p.126). Pour autant, il nous paraît trop radical d'en conclure que Deleuze "nomme "nouvelle conception du transcendantal" ce qui, chez Simondon, ne saurait plus être aucunement du transcendantal, même revisité [...]"." (note 1 p.16)

    "Le moment de l'œuvre de Simondon sur lequel s'appuie notre analyse est [la page 258] de L'individuation dans laquelle il reprend à son compte la distinction entre "sujet transcendantal" et "sujet empirique" afin de justifier "l'universalité de droit de la connaissance"." (p.17)

    "
    (pp.19-20)
    -Michaël Crevoisier, Etre un sujet connaissant selon Simondon. Ontogenèse et transcendantal, Paris, Classiques Garnier, 2023, 277 pages.



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


      La date/heure actuelle est Ven 10 Mai - 7:29