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    Marie-José Avenier, Les paradigmes épistémologiques constructivistes : post-modernisme ou pragmatisme ?

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Marie-José Avenier, Les paradigmes épistémologiques constructivistes : post-modernisme ou pragmatisme ? Empty Marie-José Avenier, Les paradigmes épistémologiques constructivistes : post-modernisme ou pragmatisme ?

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 23 Juin - 13:03

    https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-3-page-372.html

    "Guba et Lincoln définissent ce qu’ils dénomment la « vérité » (vérité avec des guillemets) comme la représentation la plus informée et sophistiquée faisant consensus. Von Glasersfeld (1988, 2001) propose les critères d’adaptation fonctionnelle et de viabilité de la connaissance pour penser et agir en direction de ses buts, et reprend comme critère de définition du vrai le principe pragmatique du verum/ factum (Vico, 1858, cité par von Glasersfeld, 1988, p. 30), selon lequel le vrai est le même que le fait (factum)."

    "lL paradigme épistémologique constructiviste selon Guba et Lincoln (désormais PECGL) comporte une hypothèse fondatrice d’ordre ontologique, que ces auteurs dénomment l’hypothèse d’ontologie relativiste. Celle-ci pose qu’il n’existe pas de réalité objective, mais de multiples réalités socialement construites, et que celles-ci ne sont pas gouvernées par des lois naturelles, causales ou d’autre sorte (1989, p. 86). Autrement dit, le PECGL postule le caractère relatif de ce qui existe. Il s’agit d’une hypothèse forte, qui inscrit le PEGCL dans le post-modernisme. Une telle hypothèse empêche la formulation d’hypothèses de travail portant sur l’essence ou le comportement de phénomènes considérés dans des recherches menées dans le PEGCL.

    Le paradigme épistémologique constructiviste radical prend une position radicalement différente, que Riegler (2001) qualifie métaphoriquement d’agnostique : dans ce paradigme épistémologique on ne se prononce pas sur l’existence, ou la non-existence, d’un monde peuplé d’entités indépendantes de l’esprit humain. On postule que, si un tel monde existe, un humain n’a pas la possibilité de le connaître de manière rationnelle au-delà de l’expérience qu’il en a (von Glasersfeld, 2001). Il s’en suit que dans le paradigme épistémologique constructiviste radical, l’élaboration de connaissances ne vise pas à développer des théories du réel tel qu’il peut être en lui-même. Il s’agit exclusivement de mettre en ordre et d’organiser un monde constitué par l’expérience humaine. La divergence entre les deux paradigmes épistémologiques est essentielle : dans le PECGL on postule que le réel ontologique est relatif, alors que dans le paradigme épistémologique constructiviste radical on ne formule aucune hypothèse fondatrice concernant la nature du réel, et on se donne pour projet de développer des connaissances susceptibles de fournir des repères convenant à l’expérience des humains et viables pour cheminer vers leurs buts. Le PECGL relève du postmodernisme, alors que le paradigme épistémologique constructiviste radical relève du pragmatisme.

    Le qualificatif « radical » que von Glasersfeld (1988) utilise pour distinguer sa conception du constructivisme, de celle qu’il considère comme triviale, qui était alors fréquente chez les psychologues du développement (von Glasersfeld, 2005), présente l’inconvénient majeur d’évoquer le déni d’existence d’un monde réel plutôt que le caractère agnostique de ce paradigme. De fait, nombre de lecteurs pressés des travaux de von Glasersfeld et Le Moigne (comme, entre autres, Girod-Séville et Perret, 1999) ont cédé à cette interprétation hâtive. Afin d’éviter cette source d’interprétation erronée, Le Moigne (2001) a proposé de remplacer le qualificatif « radical » par celui de « téléologique ». Une telle substitution présente l’avantage de mettre en relief une des hypothèses fondatrices de ce paradigme épistémologique, celle selon laquelle la connaissance d’un phénomène est influencée par l’action cognitive intentionnelle de construction d’une représentation de ce phénomène. Autrement dit, dans la construction de connaissances, les buts de l’action cognitive se définissent et se redéfinissent au fil de cette action et en liaison avec elle dans un processus d’auto-finalisation. Une autre possibilité, qui a ma préférence, est de remplacer « radical » par « pragmatique ». Cette substitution permet de souligner l’inscription de ce paradigme épistémologique dans la philosophie pragmatiste au sens de W. James and J. Dewey. Un tel rattachement se justifie par « les modes d’élaboration et d’évaluation des connaissances »."

    "L’évaluation des connaissances repose sur la confrontation à l’expérience de l’action."

    "Le PECP [Paradigme épistémologique du constructivisme pragmatique] ne postule pas la relativité de ce qui existe : il adopte une posture agnostique vis-à-vis de la nature du réel en lui-même (Riegler, 2001), et repose plutôt sur une hypothèse d’ordre épistémique : l’hypothèse de connaissance phénoménologique. Celle-ci stipule que même s’il existe un réel en soi, indépendant de l’attention que tout humain peut lui porter, un humain ne connaît que sa propre expérience du réel : il ne peut pas prétendre connaître le réel de manière objective et exhaustive. En combinant cette hypothèse avec le postulat – que partagent les paradigmes épistémologiques constructivistes – de non-séparabilité, dans le processus de connaissance, de ce qui provient du système observé avec ce qui provient du système observant (von Foerster, 1981), il en résulte que, dans le PECP, ce qui est connaissable par un humain – à savoir l’expérience qu’il a de ce qui existe – est influencé par de multiples caractéristiques de ce sujet connaissant, telles que les finalités de son projet de connaissance, le contexte dans lequel il se situe, ses valeurs, sa culture et plus généralement son histoire (Le Moigne, 1977, 1995). Dans le PECP la connaissance d’un phénomène apparaît donc à la fois ancrée dans le phénomène étudié et dépendante des sujets qui l’étudient (et de leur projet de connaissance). Le caractère relatif de la connaissance n’est donc pas posé comme une hypothèse fondatrice, mais découle des hypothèses fondatrices postulées (cf. Tableau 1). En outre, ce caractère relatif de la connaissance est tempéré par le fait que cette connaissance est continuellement évaluée à l’aune de l’action : critère de viabilité pour cheminer dans le monde."
    -Marie-José Avenier, « Les paradigmes épistémologiques constructivistes : post-modernisme ou pragmatisme ? », Management & Avenir, 2011/3 (n° 43), p. 372-391. DOI : 10.3917/mav.043.0372. URL : https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-3-page-372.htm



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