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    Imagination (l'encyclopédie philosophique)

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Imagination (l'encyclopédie philosophique) Empty Imagination (l'encyclopédie philosophique)

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 18 Fév - 12:38

    https://encyclo-philo.fr/imagination-gp

    "Une croyance, par exemple, lorsque je crois qu'il neige en ce moment à Montréal, peut être définie comme une attitude mentale que j’ai à l’égard de la proposition « il neige à Montréal ». Plus précisément, l'attitude que j'ai à l'égard de cette proposition consiste à la tenir pour vraie."

    "David Hume, remarquait que l’on n’est jamais aussi libre que lorsqu’on imagine puisque nous pouvons imaginer tout ce que nous volons (y compris des choses incroyables et fantastiques)."

    "On pourrait donc définir l’imagination comme la faculté de simuler certains états mentaux tels que les perceptions ou les croyances.

    Ainsi, lorsqu’on imagine un arbre, on construit une image mentale, plus ou moins précise de cet arbre. Et cette image obtenue par une simulation de la perception n’est pas nécessairement ou uniquement visuelle : elle peut être tactile, auditive, olfactive, gustative. On peut parler dans ce cas d’imagination perceptuelle. Elle se distingue de l’imagination propositionnelle qui consiste à entretenir une certaine attitude à l’égard d’une proposition comme « un animal dangereux se cache derrière le rocher ». Je ne crois pas « pour de vrai » qu’il y a un animal, mais je l’imagine au sens ou je fais comme si cette proposition était vraie."

    "La plupart des éléments d’une situation imaginée réitèrent ou représentent leurs analogues réels : l’arbre imaginé ressemble à un arbre réel. De plus, on peut dire que les représentations imaginées sont mises en quarantaine : elles sont hors du monde réel et n’ont pas de lien causal avec lui (je suis conscient que je ne peux pas utiliser l’arbre imaginé pour me chauffer en hiver). Enfin, contrairement à la croyance et à la perception, l’imagination est habituellement soumise au contrôle de la volonté. On ne peut pas décider de croire ou de percevoir quelque chose, mais on peut décider de l’imaginer.

    Dans l’expérience de pensée initiale, nous simulions la perception visuelle d'un arbre ou la croyance qu’un animal était caché derrière un rocher. Une question se pose toutefois : peut-on simuler l’émotion de peur devant l’animal dangereux? Autrement dit, la peur ressentie dans une situation imaginée est-elle une véritable peur ou s’agit-il d’une « pseudo-peur », d’une peur simulée par l’imagination ? Même si cette question suscite certains débats (Walton 1990, Currie et Ravenscroft 2002), il ne fait guère de doute qu’imaginer quelque chose peut déclencher des émotions qui ont toutes les caractéristiques d’émotions authentiques (comme une accélération des battements du cœur pour la peur, par exemple). Nous avons vraiment peur devant un film d’horreur et nous sommes vraiment tristes lorsque la mère de Bambi est tuée par un chasseur. En philosophie de l’art, on parle d’ailleurs à ce propos d’un paradoxe de la fiction puisque ces émotions surviennent alors même que nous savons que rien de tout cela n’est vrai."

    "Du point de vue évolutionnaire, quel avantage peut-il y avoir à imaginer? Karl Popper (2001, p. 146) remarquait que la pensée a ceci de supérieur à la sélection naturelle qu’elle permet « d’envoyer ses hypothèses mourir à sa place. » Or, comme capacité à simuler, l’imagination permet justement de se projeter hors de la réalité perçue et d’explorer des possibilités en toute sécurité. Dans la mesure où cela nous apporte des informations et enrichit notre connaissance (Gibert 2014), on peut dire que l’imagination possède alors une fonction « épistémique » (du grec « épistémè », qui signifie « connaissance »).

    Plus précisément, l’imagination est cruciale pour ce que les Anglo-saxons nomment le mindreading, c’est-à-dire la capacité à se figurer les pensées ou les émotions des autres. Avec la prise de perspective, par exemple, on essaye d’imaginer à quoi ressembleraient les choses si nous étions à la place d’autrui. Mon ennemi pourra-t-il me voir si je m’approche de lui en passant par tel chemin ? Quels sont les besoins de mon ami ou de mon enfant ?"

    "Un second usage consiste à comparer ce qui est avec ce qui aurait pu advenir. Lorsque nous évaluons une situation, il est souvent pertinent de la contraster avec des alternatives. Ainsi, on blâmera plus facilement le comportement de quelqu’un si l’on peut imaginer qu’il aurait pu faire autrement. [...] On peut aussi dire que les utopies - et de leurs cousines effrayantes, les dystopies – nous apprennent des choses en contrastant notre réalité avec un monde possible plus – ou moins – désirable."

    "L’imagination est enfin cruciale pour planifier et anticiper le futur. Ainsi, John Dewey voyait l’imagination comme une répétition mentale de l’action : « Un acte effectivement essayé, écrivait-il, est irrévocable, ses conséquences ne peuvent être effacées. Un acte essayé dans l’imagination n’est ni fatal ni final » (1922, p. 190). Encore une fois, l’imagination nous aide à prendre des décisions parce qu’elle simule une réalité qui pourrait advenir.

    Les recherches en psychologie du développement confirment cette idée et insistent sur le rôle de l’imagination pour comprendre la causalité. Ainsi, lorsqu’on demande à des bébés d’enfiler des anneaux – dont l’un est bouché par du ruban adhésif – la réaction varie selon l’âge. Alors que les bébés de quinze mois essayent en vain d’enfiler l’anneau rebelle, à partir de dix-huit mois, ils le brandissent et refusent de l’enfiler ou le jettent à l’autre bout de la pièce. Pour la psychologue Alison Gopnik (2010), c’est le signe qu’ils sont passés d’une connaissance par tâtonnement à une connaissance par imagination d’une possibilité. Ils parviennent ainsi à une certaine compréhension de la causalité : c’est parce que l’anneau est troué qu’on peut l’enfiler."

    "Près de deux enfants sur trois se créent même des compagnons imaginaires : ces simulations peuvent être vues comme des manières d’expérimenter la causalité psychologique (« mon amie va-t-elle être triste si je lui mens ou si son chien meurt ? »)."

    "Peut-on faire confiance à l’imagination?

    C’est ce genre de questions qu’étudie l’épistémologie modale, la branche de la philosophie qui s’intéresse à la connaissance de ce qui pourrait être le cas. Les philosophes, en particulier, utilisent souvent des expériences de pensées, ces situations imaginaires (ou contrefactuelles) – pleines de tramways, de pièces dans les poches et de violonistes – pour développer certains arguments [...]
    Il faut d’abord voir que les émotions ressenties lorsqu’on imagine sont significatives. Si, lorsque je m’imagine en haut de l’arbre regardant en bas je ressens un vertige, je ferais peut-être mieux de ne pas grimper. Si je suis en colère en imaginant qu’une injustice aurait pu être commise, j’ai de bonnes raisons de penser que je serais vraiment en colère si une situation analogue se produisait. La connaissance que je tire de ces émotions est donc relativement fiable.

    Plus généralement, les mondes possibles que nous imaginons sont beaucoup plus tournés vers la réalité qu’on veut bien le croire. En effet, comme on l’a vu, ils sont sous le contrôle de notre volonté, qui peut dès lors imposer certaines contraintes. Nous sommes d’ailleurs parfaitement capables de simuler en respectant des contraintes réalistes – par exemple les lois de la physique. Bref, lorsqu’on y regarde de près, nous n’imaginons pas n’importe quoi, ni n’importe comment."
    -Gibert, Martin (2016), « Imagination (GP) », dans Maxime Kristanek (dir.), l'Encyclopédie philosophique, consulté le 19/02/2024, https://encyclo-philo.fr/imagination-gp




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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