"On accuse souvent la philosophie de ne servir à rien, de ne répondre à aucun besoin réel et de n'offrir aucun but concret à l'humanité. [...]
La philosophie ne doit pas se réduire à une spéculation abstraite sur des concepts figés. La vie est l'épreuve ultime à laquelle il faut sans cesse la soumettre. Bergson, dont la devise
était : « Penser en homme d'action et agir en homme de pensée », voyait en elle une lumière capable de réchauffer et d'illuminer la vie de tous les jours. Car, outre notre besoin de
vivre, nous voulons bien vivre. Le but de la philosophie est de nous y préparer. La promesse qui nous est faite est celle d'une joie que la science ne peut nous donner. Il faut d'abord chercher pourquoi la joie nous fait défaut, et ce qui est requis pour y parvenir. Donnons d'emblée la réponse : pour bien vivre, nous avons besoin de susciter et de garder éveillé en nous l'élan de création qui est à l'origine de la vie. La pure joie est toujours celle qui naît à l'intérieur d'un esprit créateur. Celle d'une mère qui a donné la vie, ou celle d'un artisan qui voit prospérer son travail, est aussi grande que la joie de l'artiste qui a enfanté un chef-d'œuvre. Lorsque notre propre vie constitue l'ouvrage à faire, la joie est infinie et durable.
Pour qui sait l'observer, l'univers entier dans ses moindres recoins poursuit cette entreprise de création. Se fondre dans le Tout semble ainsi le seul moyen qui ouvre la voie vers la félicité suprême. Car le malheur de l'homme ne vient pas uniquement des souffrances - qu'on peut toujours soulager par un médicament. Coupés de nous-mêmes, des autres et des choses, nous ne souffrons même plus. Le plus inquiétant est donc que nous ne ressentons plus rien, que nous finissons par nous fermer à nos sentiments. Anesthésiés du cœur, nous devenons insensibles." (pp.1-2)
-Karl Sarafidis, Bergson. La création de soi par soi, Eyrolles, 2013, 145 pages.
La philosophie ne doit pas se réduire à une spéculation abstraite sur des concepts figés. La vie est l'épreuve ultime à laquelle il faut sans cesse la soumettre. Bergson, dont la devise
était : « Penser en homme d'action et agir en homme de pensée », voyait en elle une lumière capable de réchauffer et d'illuminer la vie de tous les jours. Car, outre notre besoin de
vivre, nous voulons bien vivre. Le but de la philosophie est de nous y préparer. La promesse qui nous est faite est celle d'une joie que la science ne peut nous donner. Il faut d'abord chercher pourquoi la joie nous fait défaut, et ce qui est requis pour y parvenir. Donnons d'emblée la réponse : pour bien vivre, nous avons besoin de susciter et de garder éveillé en nous l'élan de création qui est à l'origine de la vie. La pure joie est toujours celle qui naît à l'intérieur d'un esprit créateur. Celle d'une mère qui a donné la vie, ou celle d'un artisan qui voit prospérer son travail, est aussi grande que la joie de l'artiste qui a enfanté un chef-d'œuvre. Lorsque notre propre vie constitue l'ouvrage à faire, la joie est infinie et durable.
Pour qui sait l'observer, l'univers entier dans ses moindres recoins poursuit cette entreprise de création. Se fondre dans le Tout semble ainsi le seul moyen qui ouvre la voie vers la félicité suprême. Car le malheur de l'homme ne vient pas uniquement des souffrances - qu'on peut toujours soulager par un médicament. Coupés de nous-mêmes, des autres et des choses, nous ne souffrons même plus. Le plus inquiétant est donc que nous ne ressentons plus rien, que nous finissons par nous fermer à nos sentiments. Anesthésiés du cœur, nous devenons insensibles." (pp.1-2)
-Karl Sarafidis, Bergson. La création de soi par soi, Eyrolles, 2013, 145 pages.