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    Ronald Bonan, Merleau-Ponty

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Ronald Bonan, Merleau-Ponty Empty Ronald Bonan, Merleau-Ponty

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 15 Jan - 22:44



    "1952 : Merleau-Ponty est nommé au Collège de France avec l'appui de Bachelard." (p.16)

    "Philosophe anti-systématique redoutant les effets déformants des constructions conceptuelles qui s'éloignent nécessairement du réel, Merleau-Ponty se présente plutôt comme un philosophe-artiste de la chair, de la perception, du sens et de l'expression, phénoménologue et métaphysicien. Comme tel, il s'est intéressé à tous les domaines de la culture, l'art, le langage, l'histoire, la science et la politique: pour tisser entre eux les liens qui devaient les faire dialoguer de manière féconde et manifester leur interpénétration effective, mais surtout pour les ramener à leur racine commune dans le phénomène de la perception, dont la philosophie se doit d'être la gardienne." (p.19)

    "Que l'écriture de Merleau-Ponty soit l'une des plus belles que la philosophie ait abritées, n'est pas un fait neutre. Non seulement cela contraste, de son temps, avec cette forme de rationalisme positiviste régnant qui voyait déjà dans le style d'un Bergson une dérive métaphorique de la pensée, mais de plus cela manifeste la cohérence d'un propos qui, en affirmant l'indissociabilité de l'expression et de ce qui est exprimé, assume la nécessité de faire littéralement apparaitre l'objet de son vouloir-dire dans la struc ture mème du discours. Autre façon d'exprimer l'idée que cette philosophie assume et revendique une visée indirecte de ses objets." (p.21)

    "Cette exigence de maintien du contact entre la réflexion et son objet, l'expression et son contenu, que Merleau-Ponty nomme souvent "sens de l'ambigüité", est sa réponse philosophique à la question fondamentale que pose l'ancrage originaire de l'être humain dans la dimension à laquelle il tente de réfléchir lorsqu'il se fait philosophe (et qu'il se met alors en quête d'évidence). Par exemple, il est fatal à une pensée de l'Histoire de se déployer au-delà d'un ancrage dans le processus temporel lui-même, dans une sorte d'éternité de pensée qui n'existe nulle part sinon dans l'esprit du philosophe hégélien: au contraire, malgré les redoutables difficultés que cela comporte, il est nécessaire de penser l'Histoire à partir de son propre milieu, car telle est la première et peut-être unique garantie de porter à l'expression de son propre sens le devenir de la culture." (p.23)

    "Croire que le sujet percevant et la chose perçue se tiennent à distance l'un de l'autre, préexistant à leur rencontre, comme le pense au fond non seulement toute la philosophie dualiste depuis Platon, mais aussi toute philosophie du sujet d'inspiration cartésienne dans laquelle, à titre d'exemple, le sujet peut se définir métaphysiquement indépendamment de ce qu'il vise.

    L'une des intentions les plus subtiles de la philosophie de Merleau-Ponty a été précisément celle de montrer que le sujet, qui demeure l'être dont la réflexion témoigne du sens et de l'existence du monde, n'est pas une entité métaphysiquement séparée, mais un être participant ontologiquement à ce sur quoi il est capable de réfléchir ; un être de chair fait du même "tissu" que la chair du monde. Cette connaturalité, qui s'éprouve essentiellement à travers la corporéité, exige d'une part une redéfinition des notions qui avaient été forgées dans le cadre d'une philosophie de la subjectivité, comprise comme substance radicalement différente de celle dont serait composé le monde matériel ; d'autre part., elle conduira à une exigence de dépassement de la perspective philosophique égocentrée., c'est-à-dire celle qui place le sujet au centre du monde sur lequel il réfléchit.

    Autrement dit, il s'agit de penser le sujet et le monde qu'il perçoit à distance, comme des entités secondes, relativement à une dimension unique et première dont ils sont, sinon les formes abstraites, du moins des formes déjà dérivées." (p.24)

    "En définissant le monde sensible comme une dimension, Merleau-Ponty renverse donc la perspective de la philosophie moderne fondée par Descartes et, plus radicalement encore, le platonisme. Dans la perspective dualiste, aussi bien que moderne, l'âme (pour les anciens) ou le sujet (pour les modernes) contient à sa façon le monde : l'aspect sensible du monde n'est, pour Platon, que le pâle reflet de celui, intelligible, où l'âme saisit et contemple les Idées que la perception sensible réactive en rendant possible la réminiscence. Connaître c'est reconnaitre. Pour Descartes, tout ce que nous attribuons au monde extérieur dans la naïveté du premier regard, à partir de ses qualités sensibles, n'est en vérité qu'une modification subjective de la manière dont nous nous rapportons à la chose qui n'est, essentiellement, qu'une portion d' espace. Connaitre c'est mesurer.

    Inversement, dans la perspective que Merleau-Ponty veut instituer, la puissance réflexive du sujet n'est pas celle qui surplombe et domine la matérialité du monde mais celle qui lui est redevable de ses propres conditions de possibilité. Cela signifie concrètement que si nous n'avions pas de corps, nous n'aurions pas accès à cette dimension (celle du sensible) que nous croyions subordonnée mais qui, en réalité, nous contient tout autant et bien plus que nous ne le "comprenons" (au sens où l'on pourrait en faire le tour et la contenir dans une seule et même visée). Ici, connaitre, c'est d'abord sentir." (pp.25-26)

    "Merleau-Ponty appelle la philosophie à s'intéresser d'abord à la manière selon laquelle le monde se présente à nous et nous impose le cadre dans lequel toute chose nous apparait, et qu'il est possible de nommer style de phénoménalité." (p.27)

    "Il s'ensuit que notre idée même de vérité est redevable de la modalité phénoménale selon laquelle nous accomplissons l'expérience de cette présence incontournable du monde sur fond de laquelle nous éprouvons toute chose, y compris notre propre présence. Merleau-Ponty ne cessera d'en tirer des conséquences, inscrivant l'art de philosopher au sein même de cet ancrage indépassable. Cela fait, par exemple, que toute vérité est non pas intemporelle mais historique, dans l'exacte mesure où elle surgit à un moment donné et en un lieu donné. Les propriétés des nombres premiers ne sont pas l'expression d'une structure, d'abord inaperçue, qui se tiendrait silencieusement tranquille dans une dimension cachée, mais plutôt la conquête historique d'un processus d'expression qui fait exister ce qui est formulé au moment de son explicitation, pour l'inscrire ensuite dans son essence." (p.27)

    "De même, la vérité apparemment dégagée de tout rapport au temps, d'une théorie philosophique ou scientifique, doit être reconsidérée dans la réalité de son dépassement par d'autres théories qui renouvellent la perspective par une expression plus forte de l'expérience qu'elles formalisent." (p.28)
    -Ronald Bonan, Merleau-Ponty, Les Belles Lettres, 2011, 233 pages.




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