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    Gaston Bachelard, La poétique de l'espace

    Johnathan R. Razorback
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    Gaston Bachelard, La poétique de l'espace Empty Gaston Bachelard, La poétique de l'espace

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 15 Jan - 11:50



    "Un philosophe qui a formé toute sa pensée en s'attachant aux thèmes fondamentaux de la philosophie des sciences, qui a suivi, aussi nettement qu'il a pu, l'axe du rationalisme actif, l'axe du rationalisme croissant de la science contemporaine, doit oublier son savoir, rompre avec toutes ses habitudes de recherches philosophiques s'il veut étudier les problèmes posés par l'imagination poétique. Ici, le passé de culture ne compte pas ; le long effort de liaisons et de constructions de pensées, effort de la semaine et du mois, est inefficace. Il faut être présent, présent à l'image dans la minute de l'image : s'il y a une philosophie de la poésie, cette philosophie doit naître et renaître à l'occasion du vers dominant, dans l'adhésion totale à une image isolée, très précisément dans l'extase même de la nouveauté d'image. L'image poétique est un soudain relief du psychisme, relief mal étudié par des causalités psychologiques subalternes. Rien non plus de de général et de coordonné ne peut servir de base à une philosophie de la poésie. La notion de principe, la notion de "base" serait ici ruineuse. Elle bloquerait l'essentielle actualité, l'essentielle nouveauté psychique du poème." (p.1)

    "Quand, par la suite, nous aurons à faire mention du rapport d'une image poétique nouvelle et d'un archétype dormant au fond de l'inconscient, il nous faudra faire comprendre que ce rapport n'est pas, à proprement parler, causal. L'image poétique n'est pas soumise à une poussée. Elle n'est pas l'écho d'un passé. C'est plutôt l'inverse: par l'éclat d'une image, le passé lointain résonne d'échos et l'on ne voit guère à quelle profondeur ces échos vont se répercuter et s'éteindre. Dans sa nouveauté, dans son activité, l'image poétique a un être propre, un dynamisme propre. Elle relève d'une ontologie directe. [...]
    Il nous faudra donc pour déterminer l'être d'une image en éprouver, dans le style de la phénoménologie de [Eugène] Minkowski, le retentissement." (pp.1-2)

    "Les causes alléguées par le psychologue et le psychanalyste ne peuvent jamais bien expliquer le caractère vraiment inattendu de l'image nouvelle, non plus que l'adhésion qu'elle suscite dans une âme étrangère au processus de sa création. [...] La communicabilité d'une image singulière est un fait de grande signification ontologique. [...]
    On nous demandera, peut-être, pourquoi, modifiant notre point de vue antérieur, nous cherchons maintenant une détermination phénoménologique des images. Dans nos travaux précédant sur l'imagination nous avions en effet estimé préférable de nous situer, aussi objectivement que possible, devant les images des quatre éléments de la matière, des quatre principes des cosmogonies intuitives. Fidèles à nos habitudes de philosophie des sciences, nous avions essayé de considérer les images en dehors de toute tentative d'interprétation personnelle. Peu à peu, cette méthode, qui a pour elle la prudence scientifique, m'a paru insuffisante pour fonder une métaphysique de l'imagination. [...] Comment une image parfois très singulière peut-elle apparaître comme une concentration de tout le psychisme ? Comment aussi cet événement singulier et éphémère qu'est l'apparition d'une image poétique singulière, peut-il réagir -sans aucune préparation- sur d'autres âmes, dans d'autres cœurs, et cela, malgré tous les barrages du sens commun, toutes les sages pensées, heureuses de leur immobilité ?"(p.2-3)

    "Il nous est apparu alors que cette transsubjectivité de l'image ne pouvait pas être comprise, en son essence, par la seule habitudes des références objectives. Seule la phénoménologie -c'est-à-dire la considération du départ de l'image dans une conscience individuelle- peut nous aider à restituer la subjectivité des images et à mesurer l'ampleur, la force, le sens de la transsubjectivité de l'image. Toutes ces subjectivités, transsubjectivités, ne peuvent être déterminées une fois pour toutes. L'image poétique est en effet essentiellement variationnelle. Elle n'est pas, comme le concept, constitutive. [...] On demande au lecteur de poèmes de ne pas prendre une image comme un objet, encore moins comme un substitut d'objet, mais d'en saisir la réalité spécifique." (p.3)

    "
    (pp.4-6)
    -Gaston Bachelard, La poétique de l'espace, Paris PUF, 3ème édition de 1961 (1957 pour la première édition), 215 pages.



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