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    Joël Jung, Le travail

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Joël Jung, Le travail Empty Joël Jung, Le travail

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 21 Déc - 11:43

    "Parler de fin du travail [...] c'est énoncer une série de thèse: le travail n'est pas une réalité anthropologique, mais historique ; le travail n'est pas par essence créateur du lien social, facteur d'insertion sociale, il n'a rempli cette fonction que dans les sociétés industrielles modernes, caractérisées par le primat de l'économie sur toutes les autres sphères ; le travail n'est pas le mode privilégié de réalisation de soi, une essence de l'homme que l'aliénation renverserait certes en perte de soi, mais que l'histoire restituerait tôt ou tard à elle-même." (p.10)

    "Le mot travail peut ainsi désigner 1) toute activité demandant une attention ou un effort, physique ou intellectuel, prolongés ; 2) les seules activités rétribuées ou effectuées en vue d'un gain [...] 3) les activités, soutenues ou non, rétribuées ou non, par lesquelles on produit matériellement les objets de consommation et d'usage, ce qui conduit à appeler aussi travail (les mots œuvre ou production présentent le même double sens) le produit réalisé." (p.11)

    "Le travail peut en premier lieu -ce premier lieu fait difficulté- être pensé, selon le mot de Marx, comme une "nécessité physique de la vie humaine" (Le Capital, I, chap.7), trans-historique, présente à toutes les époques et dans toutes les sociétés, autrement dit comme une donnée anthropologique. [...] L'homme travaille parce qu'il est un être de besoin, et parce que ce besoin ne peut être satisfait directement, qu'il demande une appropriation de la nature. L'homme ne se distingue des autres êtres vivants, et l'architecte de l'abeille, que dans la mesure où le travail proprement humain suppose d'une part le projet conscient, d'autre part la fabrication de moyens de production, qui s'interposent entre lui et une nature qui, si elle n'est pas nécessairement hostile à l'homme, ne lui offre pas spontanément les moyens de subsister. Mais ce qui, pour Marx, est une "nécessité physique", c'est seulement le procès de travail réduit à ses moments abstraits. Dès que l'on considère la réalité concrète du travail, autrement dit les rapports qui s'établissent entre les hommes à l'occasion de la production (division du travail, salariat...), et les moyens de production, le travail apparaît comme une réalité foncièrement historique, tout comme est historique le besoin qu'il satisfait." (pp.12-13)

    "Jean-Pierre Vernant a montré qu'il n'y a pas, en Grèce ancienne, de catégorie unifiée de travail ou de production en général [...] Le travail est une catégorie au fond toute récente. Le verbe travailler, à partir du XIIe siècle, perd peu à peu son sens initial, hérité du latin, de faire souffrir, d'infliger une peine -inévitable tripalium- (mais on dit encore aujourd'hui d'un boxeur qu'il "travaille au corps" son adversaire), pour désigner le fait de s'adonner à une tâche suivie et pénible." (p.13)

    "La critique de la division du travail traverse la pensée de Marx, depuis les Manuscrits de 1844 [...] et L'Idéologie allemande, qui en retrace les différentes formes à partir des oppositions centrales entre ville et campagne, entre travail manuel et intellectuel, jusqu'au Capital." (p.29)

    "Avec les progrès de l'automatisation et de la "robotisation", les nouvelles formes de production dites à "flux tendu", l'intervention humaine ne disparaît pas. Pannes, dysfonctionnements, réglages, adaptations, supposent en revanche un déplacement de cette intervention, et une reconnaissance accrue "de la part d'arbitrage et de décision que tout acte productif contient toujours". Après les expériences de Volvo dans les années 70, le "toyotisme" a d'une certaine façon pris acte de ces réalités, en substituant à la prédéfinition des tâches et des temps de travail une définition des objectifs à atteindre par un collectif capable de décision et d'initiative." (p.31)

    "Demeure [chez Marx] ce qu'André Tosel a appelé le "fantasme de la maîtrise" [...] l'idée d'une "autoproduction de l'espèce par le travail, forme marxienne de l'hégélienne histoire de la liberté", par où la servitude du travail exploité se transformerait en maîtrise généralisée de l'homme sur lui-même et sur la nature, dans un productivisme qui s'inscrirait toujours, fondamentalement, dans les présupposés de la production capitaliste. Pensé comme mode de production où le travail rejoindrait enfin son concept, dans la pure transparence à eux-mêmes de l'activité humaine et des rapports sociaux, le communisme "est l'horizon immanent du paradigme de la production et il en révèle l'utopie. Elle est celle d'un rationalisme absolu qui se pense dans la forme généralisée de la maîtrise, point culminant de l'individualisme possessif bourgeois"." (p.36)
    -Joël Jung, Le travail, Paris, GF-Flammarion, coll. Corpus, 2000, 255 pages.




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