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    Bernardo Secchi, La ville des riches et la ville des pauvres. Urbanisme et inégalités

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Bernardo Secchi, La ville des riches et la ville des pauvres. Urbanisme et inégalités Empty Bernardo Secchi, La ville des riches et la ville des pauvres. Urbanisme et inégalités

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 23 Juil - 14:54

    https://www.babelio.com/livres/Secchi-La-ville-des-riches-et-la-ville-des-pauvres-Urbani/1120801

    "L'urbanisme doit répondre de responsabilités majeures et bien définies dans l'aggravation des inégalités [...] toute politique qui cherche à les éliminer ou à les combattre doit prendre le projet de la ville pour point de départ." (p.11)

    [Chapitre 1: La nouvelle question urbaine]

    "Depuis toujours et sous différentes formes, la ville, lieu magique, siège privilégiée de toutes les innovations techniques et scientifiques, culturelles et institutionnelles, a également été une puissante machine de distinction et de séparation, de marginalisation et d'exclusion de groupes ethniques et religieux, d'activités et de professions, d'individus et de groupes dotés d'identités et de statuts différents, de riches et de pauvres. Si, dans la ville occidentale, riches et pauvres se sont depuis longtemps côtoyés et continuent à le faire, ils ont également été de tout temps ostensiblement séparés -et ce toujours davantage.

    Alors qu'une diminution de la population vivant dans une situation d'extrême pauvreté et une amélioration de la qualité de vie de la majeure partie des pays pauvres ont été constatées à l'échelle de la planète [...] la plupart des observateurs contemporains s'accordent à reconnaître qu'à l'intérieur même d'une majorité de pays, y compris parmi les plus riches, un fossé sans cesse croissant se creuse entre richesse et pauvreté. [...]

    Plutôt que de recourir aux images extrêmes des slums asiatiques, des favelas sud-américaines ou des townships sud-africains, d'un côté, et des condominios fechados brésiliens, des barrios cerrados argentins ou des gated communities européennes et des deux Amériques, de l'autre, il peut être intéressant de s'arrêter aux aspects plus communs, moins extrêmes, que peuvent nous soumettre les zones de la planète qui se sont le plus intensément développées au cours des derniers siècles. L'Europe et les Etats-Unis. Dans cette partie de la planète "la situation actuelle n'a [...] rien d'un héritage du passé, elle marque au contraire une spectaculaire rupture avec celui-ci, inversant une tendance séculaire [...] celle d'une conception de la justice fondée sur des mécanismes redistributifs, telle qu'elle s'était forgée à partir de la fin du 19e siècle". Les régions urbaines, en Europe comme aux Etats-Unis, apparaissent aujourd'hui comme un lieu où les différences entre riches et pauvres deviennent de plus en plus visibles, et ce dramatiquement. Dans le grand théâtre de la métropole, les injustices sociales se révèlent toujours plus sous la forme d'injustices spatiales.

    En Europe, par exemple, l'ouest londonien de la rich London, les beaux quartiers du sud-ouest parisien et, du côté opposé, le "quatre-vingt-treize" en Seine-Saint-Denis au nord-est de Paris, la vallée de la Senne et du canal à Bruxelles, et, du côté opposé, les aires limitrophes à la forêt de Soignes, la partie septentrionale et la partie méridionale de la ceinture 19e siècle d'Anvers, les grands quartiers d'HLM de Rozzano, ceux de Suarto Oggiaro, Calvairate ou Stadera à Milan et les nombreux autres cas qui pourraient être mentionnés à Madrid comme à Berlin, à Rome ou à Moscou, révèlent qu'une topographie sociale toujours plus contrastée est en train d'émerger dans toutes les grandes villes." (pp.17-19)

    [Chapitre 3: Riches et pauvres]

    "Est non seulement riche la personne, la famille ou le groupe, qui dispose d'un revenu élevé et/ou d'un patrimoine substantiel, mais également, pour reprendre les termes de Pierre Bourdieu, celle à qui un capital culturel consistant, c'est-à-dire des connaissances et des compétences élevées, ou un capital social consistant, c'est-à-dire un réseau de relations consistant avec ses pairs et en particuliers avec les "puissants", confèrent un status, permettant de bénéficier d'un revenu et d'accumuler et de conserver une richesse analogue à celle d'une personne dotée d'un capital économique élevée. Selon [le géographe] Edward Soja, en revanche, est également riche la personne, la famille ou le groupe qui dispose d'un capital spatial adéquat, c'est-à-dire qui réside dans une partie de la ville ou du territoire dotée de caractéristiques qui facilitent son insertion dans la vie sociale, culturelle, professionnelle et politique ainsi que dans les activités qui lui correspondent le mieux.

    De façon analogue, est non seulement pauvre la personne, la famille ou le groupe, qui dispose d'un revenu ou d'un patrimoine modeste, mais également celle qui de fait ne dispose pas, même potentiellement, de la possibilité de bénéficier de certains des biens et services essentiels à la survie, comme, par exemple, les soins médicaux ; qui n'a pas accès à l'éducation ou à l'assistance sociale sous ses diverses formes et dont le capital spatial l'exclut des droits les plus élémentaires du citoyen ; qui est stigmatisée et "étiquetée" en fonction de son lieu de résidence." (p.30)

    "Entre les deux situations existe [...] aussi bien dans la ville que dans une société, une terre médiane, mouvante et difficilement définissable, mais qui, en particulier au cours du siècle dernier, a quantitativement augmenté, endossant souvent un rôle d'une importance considérable dans l'occultation des situations extrêmes." (pp30-31)

    "Au sein des sociétés démocratiques modernes le groupe des riches est en principe un ensemble ouvert : chacun peut avoir l'espoir d'y entrer et tous devraient savoir que le risque d'en être expulsés est concret. Le groupe des pauvres est quant à lui tout aussi ouvert: le risque d'y être entraîné demeure toujours présent, la possibilité d'en sortir est plus réduite, mais pas exclue. On ne peut alors être surpris si, à l'instar des groupes socialement dominants du passé, le groupe des riches cherche à faire valoir comme son principe d'évolution et d'autodéfense, en conflit avec les autres groupes sociaux et au prix, également, d'une restriction des espaces démocratiques, un principe indirect de cooptation et d'exclusion sélective: qu'il cherche, en d'autres termes, à utiliser un ensemble de dispositifs, de nature spatiale également, qui soient en mesure de tenir à distance ceux qui n'en font pas partie, en mesure d'entraver l'entrée de certains et de donner une visibilité à ses propres membres, en définissant des règles de comportements internes au groupe, compliquées et souvent redondantes. Ce qui a pour conséquence qu'à l'ouverture de principe du groupe des riches correspond habituellement une fermeture bien plus rigide, à laquelle répondent les barrières toujours plus étanches qui enserrent le groupe des pauvres.
    Certains aspects de la ville contemporaine semblent être le terrain au sein duquel ces stratégies et ces conflits se déploient et où se matérialisent leurs résultats provisoires. La rhétorique de la sécurité [...] en transformant des événements aléatoires, temporaires et non systématiques, dont elle gonfle la portée et les conséquences, en phénomènes présentés comme invasifs et pérennes, en est un des principaux instruments." (pp.31-32)

    [Chapitre 4: Stratégies d'exclusion]

    "La concentration au sein des grandes villes d'une population qui a été, d'une époque à l'autre, qualifiée de plèbe, de misérables, de populace, de classes dangereuses, de loubars, de racaille, de zonards, ou plus simplement de pauvres, a toujours et partout inquiété [...] Comme la lèpre, la peste et la variole, la peur du pauvre, de l'étranger, du nomade, de tout ce qui paraît différent est souvent à l'origine de politiques spécifiques d'exclusion, de contrôle, de mise à distance ou d'internement, qui ont également conduit la plupart du temps à l'identification et à la stigmatisation obsessives de groupes sociaux déterminés. [...]
    La peur génère l'intolérance, brise les solidarités et désagrège la société, se substitue à la responsabilité citoyenne et à la vertu civique [...] Une grande part de l'hétérogénéité et de la fragmentation spatiale de la ville contemporaine trouve ses racines dans une suite de mouvements de rupture avec les régimes de solidarité." (p.33)

    "Choix de lieux inaccessibles, bien défendus par des barrières naturelles ; aménagement de vallées et de rempart ou d'œuvres d'ingénierie hydraulique ; normes de police sanitaire, alimentaire et commerciale qui limitent l'entrée, la sortie ou le transit, qui définissent le statut spécial d'individus et de groupes sociaux déterminés, de produits et de marchandises spécifiques, de lieux ou de territoires ; grillages, routes et accès contrôlés par password, vidéo-caméra et gardiens armés : le catalogue des dispositifs est étendu mais pas infini."(pp.34-35)

    "Il est possible d'aboutir -au-delà des intentions- à une politique de séparation et d'exclusion en définissant les caractéristiques de logement et de topologie d'une portion de ville: haute ou basse densité, grands slabs, villas jumelées plutôt que maison unifamiliale avec jardin. Ou bien en spécifiant son niveau d'infrastructure et d'équipement : quelle proportion d'espace vert, de parking, combien de crèches, d'écoles et d'établissements médicaux ; en la séparant ou en la connectant au centre-ville, à la ville existante ou à d'autres portions similaires ; en la dotant ou non de liaisons de transports publics rapides et commodes ; en l'établissant sur les pentes d'une colline ou au fond d'une vallée, exposée aux vents ou pas, à proximité d'une zone industrielle ou de la mer, sur des terrains géologiquement stables ou instables, sujets à des éboulements ou à de potentielles inondations ou à l'abri de tels événements ; ou bien en la séparant des autres parties de la ville dont elle diffère par la population ou les champs d'activité. Ou encore en interposant, entre les zones, de vastes cordons de verdures ou des barrières infrastructurelles qui l'enceignent comme des murs ; en définissant des protocoles d'accès aux différentes parties de la ville, à leurs équipements scolaires ou médicaux, à leurs habitations ; en construisant des portions de ville spécifiquement destinées à des groupes sociaux pour lesquels l'accès au marché est difficile, quartiers populaires ou ou grands ensembles." (pp.35-36)

    "Un mur est un mur, mais son sens, son usage et son rôle divergent lorsqu'il sert à se protéger des intempéries ou du bruit, à délimiter un jardin ou un terrain cultivé, à isoler les pestiférés du reste de la ville, à enceindre un ghetto ou une gated community, à séparer deux régimes politiques ou deux territoires au sein desquelles ont cours des principes juridiques différents. Une autoroute, ou une route à haut trafic, permet de relier rapidement des points situés à bonne distance, mais elle représente en même temps une barrière bruyante et polluante qui sépare le territoire sur sa droite de celui qui est sur sa gauche ; une séparation qui paraîtrait inacceptable si elle devait voir le jour dans la ville des riches, mais à laquelle personne ne portera la moindre attention lorsqu'elle est appliquée à la ville des pauvres, d'autant plus lorsqu'elle aura pour mission de séparer les riches des pauvres." (p.37)

    [Chapitre 5: Les riches]

    "La bourgeoisie et les classes moyennes ont toujours pratiqué une politique de la "distinction", dans le sens que Pierre Bourdieu donnait à ce terme. L'adjectif "distingué, qualifiant une personne, un groupe ou un lieu, a, dans la culture occidentale, une longue histoire et il a toujours figuré en bonne place dans le vocabulaire des riches et des classes moyennes.

    A partir de la fin du 18e siècle, avec l'avènement d'une bourgeoisie prépondérante, en Angleterre et par la suite dans d'autres pays européens, tout le système de valeurs liées à l'habitat et à la ville se modifie. Le foyer commence à revêtir une importance grandissante, et ce pour trois ordres de raisons : l'influence des mouvements évangéliques, pour lesquels la maison devient un microcosme, noyau d'une société idéale opposée au monde extérieur ; les progrès technologiques et médicaux, impliquant une diminution de la mortalité infantile et une présence accrue des jeunes au sein des familles ; la séparation, enfin, des activités professionnelles ou des emplois des nouvelles générations de la sphère familiale et de la maison. Le monde bourgeois se scinde en deux : à l'extérieur, le monde du travail et la ville, et à l'intérieur, le monde de la maison et de la famille [...] La littérature du 19e siècle est emplie de personnages qui distinguent et séparent ou qui aspirent à distinguer et séparer nettement ces deux mondes, et c'est dans les deux premières décennies de ce même siècle que s'édifient les premières portions de ville -comme Edbaston, la Belgravia de Birmingham- dans lesquelles sont non seulement prohibés les magasins mais même toute activité professionnelle qui s'accomplirait à l'intérieur des résidences elles-mêmes.

    Mais le moment crucial, que ce soit en Angleterre ou en France et par la suite dans les autres pays européens, se situe peut-être aux environs de la moitié du 19ème siècle, lorsque la bourgeoisie, suivie de près par une bonne part de la classe moyenne, affirme avec force les valeurs de la privacy, du comfort et du décorum. A commencer par la maison. Abandonnant l'idée que la résidence doit être la représentante du status, comme ce fut le cas pour l'aristocratie d'Ancien Régime, ou qu'elle doit être le lieu de l'ostentation du "luxe", contre lequel avait polémiqué la rigueur protestante de la bourgeoisie naissante, on commence à porter une attention grandissante aux relations entre le corps et son environnement le plus immédiat: propreté, chaleur et lumière, mais aussi articulation et séparation des divers espaces de l'habitat ou leur adaptation aux nouveaux rituels de l'hospitalité, à la version bourgeoise de l'antique tradition aristocratique du salon.

    De
    (pp.43-45)

    "
    (pp.45-46)

    "
    (p.47)

    "
    (p.48)

    "
    (p.49)

    [Chapitre 6: Les pauvres]

    "
    (pp.51-52)

    "
    (pp.52-54)

    "
    (pp56-57)

    "
    (pp.59-60)

    "
    (pp.60-61)

    [Chapitre 7: Un monde meilleur est possible]

    "
    (pp.66)

    "Cours professés [au Collège de France] par Roland Barthes à l'instigation de Michel Foucault." (p.67)

    [Chapitre 8: La tradition européenne]

    "
    (p.74)

    "
    (p.75)

    "
    (p.76)

    [Chapitre 9: Inégalités sociales, questions urbaines et crises]

    "La ville verticale, dont New York est l'icône." (p.81)

    "
    (p.83)

    "
    (p.86)
    -Bernardo Secchi, La ville des riches et la ville des pauvres. Urbanisme et inégalités, MetisPresses, 2014 (2013 pour la première édition italienne), 90 pages.

    édifices résidentiels ; équipements scolaires, dédiés au sport ou au spectacle ; parc ;



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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