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    Pierre Paraf, Le Romantisme et la Politique

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Pierre Paraf, Le Romantisme et la Politique Empty Pierre Paraf, Le Romantisme et la Politique

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 12 Mar - 18:24

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Paraf

    https://www.persee.fr/doc/r1848_1155-8806_1930_num_27_132_1170

    "L'aube romantique est rose de tous les espoirs de la jeunesse. Mais aucune flamme révolutionnaire ne l'incendie. Lisez ces première feuilles où elle apparaît, ces petites revues qui ne sont pas tout à fait, malgré l'âge de leurs rédacteurs, des feuilles de collégien, mais plutôt des revues de jeunes où de grands noms illustres veulent bien se mêler à ceux des débutants, où l'Académie voisine avec le Lycée. Lisez donc ce Conservateur littéraire, ces tablettes romantiques, ces annales romantiques où s'exprime l'âme de la jeune école. Quel sentiment y domine ? Une réaction, non point tant contre le classicisme du XVIIe siècle que contre l'incrédulité du XVIIIe siècle. C'est Voltaire qui est visé bien plus que Racine. C'est, comme disait plus tard Musset, le hideux sourire de l'homme qui sapait de ses mains frêles l'édifice immense de la vieille société. C'est tout cet anticléricalisme qu'incarne l'humanisme de l'Encyclopédie, c'est le rationalisme qui prétend, par les clartés de l'intelligence, comprendre toutes choses. Ce que le romantisme combattit d'abord, c'est en somme l'agnosticisme de celui qui prétend ne faire dans sa vie à la tradition, au sentiment religieux, et même au sentiment sans autre épithète, qu'une place tout à fait limitée. C'est un tel état d'esprit et qui survit chez un critique devenu à la fin de sa vie un ardent zélateur du romantisme, M. Souday. Voici tout ce que nos jeunes-France voulaient abattre. Ils avaient du XVIIIe siècle un concept assez sommaire, celui qu'on leur avait inculqué dans leurs écoles. Le siècle de Voltaire, c'était à leurs yeux celui de la raillerie, de l'incroyance, de la destruction, de l'intelligence desséchant. C'était surtout l'ennemi de la religion.
    S'il fallait résumer l'idéologie romantique à son aurore, de 1820 à 1827, par exemple, on pourrait la réduire semble-t-il à trois caractères essentiels. Sur le plan des idées les romantiques sont essentiellement religieux et chrétiens.
    Sur le plan pittoresque et historique, ils sont admirateurs fervents du Moyen Age ; le mot comprend pour eux toute l'histoire de France depuis ses origines jusqu'à Louis XIII inclusivement. L'anticlassicisme représente donc une opposition à l'esprit de la Grèce et de Rome dans la mesure où cet esprit a abouti au rationalisme du XVIIIe siècle. Et une opposition à l'art de la Grèce et de Rome dans la mesure où il aboutit à la forme desséchante du pseudo-classicisme, à la poésie sans âme du XVIIIe siècle.
    A ce double titre nos jeunes-France nous apparaissent donc moins comme les fils soumis que comme les fils révoltés de la Révolution.
    Mais de cette Révolution ils ont hérité pourtant une idée profonde, qui, peu à peu, dominera et englobera les deux autres tendances ; cette idée, c'est le culte de la liberté, l'importance nouvelle accordée au moi, à son développement intégral, à tout ce qu'on appellera l'égoïsme ou l'égotisme. Le romantisme a fait refleurir le rameau qui reparaît plus éclatant à certaines périodes de l'histoire, et qui, de Chateaubriand à Maurice Barrès, parfumera notre littérature française.
    Les écrivains d’Église l'ont bien vu et l'ont, à leur point de vue, justement dénoncé. Sans doute, ils se sont montrés sensibles aux manifestations de piété de ces jeunes gens. Ils se sont plû à retrouver les touchants vestiges de l'éducation maternelle. Mais les plus orthodoxes d'entre eux se méfiaient: ils reconnaissaient par delà les épanchements du cœur chrétien l'orgueilleuse influence de Jean-Jacques qui enseigne à se faire un piédestal de ses fautes ; ils trouvaient que ces cœurs étaient trop incendiaires ; que cette piété sentait trop le fagot. Et s'ils ont été reconnaissants aux romantiques d'avoir pour un temps débarrassé la pensée française de Voltaire, ils n'ont pu admettre que la religiosité de ces jeunes gens fût entièrement conforme aux normes du catholicisme.
    Le crédit qu'ils avaient fait à la nouvelle école, il leur a semblé que celle-ci bien souvent en abusait. Avec le recul des temps, les orthodoxes ont vu, dans la floraison romantique, une offensive protestante et même une offensive anglo-allemande.
    " (p.12-13)

    "Le romantisme, c'est la liberté dans l'art. Et celle-ci a pour point d'appui la liberté dans la nation. Le romantisme étend et sanctionne sur un plan nouveau la déclaration des droits de l'homme. Le libéralisme, qui est à la base de sa doctrine, et, ce qui est bien plus important, un premier besoin de ses créateurs, tout cela le prédispose à favoriser les idées de démocratie. Il croit à la primauté de la personne humaine et par là rejoint la philosophie de ce XVIIIe siècle qu'il commence par détester." (p.16)

    "Dès son origine, le romantisme est social." (p.17)

    "Les romantiques accordent au socialisme une pleine adhésion de leur sensibilité. Trop d'entre eux ont connu la faim, la soif et le taudis pour qu'il en soit autrement. La vie du jeune étudiant Marius des Misérables, Victor Hugo lui-même, à vingt ans, l'a vécue plusieurs mois et les autres, ceux qu'on appelle bien injustement les petits romantiques, un Petrus Borel, un Aloysius Bertrand, l'ont connue parfois toute leur vie. Force leur fut bien de comprendre que la pauvreté s'alliait avec la plus grande noblesse de cœur, que la répartition sociale des richesses n'était ni raisonnable, ni juste, que les plus grands génies se trouvaient par les iniquités économiques étouffés à leur naissance, et qu'un élément souci de la dignité humaine commandait l'avènement d'un ordre nouveau où l'individu pût donner à ses qualités leur pleine expansion, où l'âme pût librement s'épanouir." (p.19)

    "Lamartine, bien qu'il siégeât au plafond, témoigna toujours au socialisme la plus grande sympathie." (p.19)

    "Les Jeunes France, bercés par leurs récits, ont grandi dans une nostalgie de gloire. Ce que leurs pères avaient vécu, eux ils allaient le chanter. Ils avaient senti l'odeur de la poudre, ils n'avaient pas senti l'odeur de la mort. Puis ce cœur qu'une soif d'aventure dévorait, une grande ombre régnait sur lui: Napoléon. Victor Hugo, Nodier, Deschamps, Lamartine et Gautier nous l'ont confessé. Les deux dieux de leur jeunesse, ce furent Byron et Napoléon.
    Quand on élève au plus profond de soi un autel à une pareille divinité, on ne saurait avoir contre la guerre une antipathie insurmontable
    ." (p.21)
    -Pierre Paraf, "Le Romantisme et la Politique", Revue d'Histoire du XIXe siècle - 1848, Année 1930, 132, pp. 11-25.



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