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    Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle)

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle) Empty Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle)

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 18 Sep - 14:08

    "Faire l'histoire du libéralisme [...] en Europe." (p.5)

    "Cette tâche a d'ailleurs moins été entreprise par des historiens que par des spécialistes de philosophie politique." (p.5)

    "Vouloir faire entrer le libéralisme dans le moule d'un courant politique défini et clairement hiérarchisé peut apparaître comme contradictoire avec certains de ses principes consubstantiels: c'est là sous-estimer ses difficultés à s'incarner dans le champ politique de manière claire, consensuelle et opératoire, ainsi que sa propension à se réinventer et à se redéfinir, notamment dans des contextes de crise." (p.5-6)

    "Le propos se centrera sur la période contemporaine, qui débute avec la Révolution. En effet, une des ambitions de cet ouvrage est de réfléchir à la mutation du libéralisme de courants d'idées en courant politique." (p.6)

    "La diversité des points d'application du libéralisme (politique, économique, social, culturel) rend sa définition extrêmement complexe." (p.6)

    "Très fort investissement des libéraux en faveur de la construction européenne, dans le cadre du Mouvement libéral pour l'Europe unie, fondé en 1952." (p.7)

    "C'est peu dire que les libéraux ne sont pas forcément très douées pour la politique, certains exemples, comme la fulgurante et désastreuse carrière de Tocqueville, sont là pour en témoigner, et l'on a l'impression que plus l'affrontement politique devient tranché, vif, clivé idéologiquement, plus il devient difficile pour les libéraux de se faire entendre, et plus grande la tentation de chercher des formes d'expressions parapolitiques. Il y a là un paradoxe: la difficulté du libéralisme à se muer en idéologie de combat, à structurer une force politique classique, à définir des programmes de gouvernement, que l'on pourrait volontiers opposer à l'apparente victoire des idées libérales sur le long terme." (p.7-Cool

    "Il y aurait beaucoup à dire sur les critiques formulées par les droites radicales à l'encontre du libéralisme et qui, dans le cas français, iraient de La Tour du Pin à la Nouvelle Droite d'Alain de Benoist en passant par l'Action française de Maurras à Valois." (p.14)
    -Olivier Dard & Frédéric Fogacci, "Organisation, crises, régénérations", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, p.5-14.

    " Utiliser ce terme pour interroger la culture politique française du XVIIIe siècle et de la période révolutionnaire, et tenter, par quelques réflexions, d'établir le lien entre l'héritage de la Révolution française et les contraintes spécifiques du libéralisme français. [...]
    Le mot "libéralisme" recouvre, quand il surgit [en 1818-1819], la désignation d'un ensemble d'attitudes marquées par l'attachement plus ou moins conséquent aux principes de 1789. Aux yeux par exemple de Madame de Boigne, la célèbre mémorialiste, les doctrinaires, sous la Restauration, sont des "semi-libéraux", car ils rejettent le principe de la souveraineté nationale en acceptant le reste des principes de 1789. Le terme est ainsi flou dans le premier XIXe siècle, et, en France, c'est véritablement sous la monarchie de Juillet que les libéraux se distinguent des démocrates républicains
    ." (p.35)

    "Si les libéralismes économiques et politiques seront bien loin de se confondre dans leurs développements ultérieurs, ils puisent à la même source et ne sont pas sans lien." (p.38)

    "C'est à la phase de la République révolutionnaire (la moins libérale, peut-on dire de manière euphémistique, sur le plan politique) que correspond le dirigisme économique, utilisé pour tenter de stabiliser une situation fragilisée par le désordre monétaire lié à la mise en circulation des assignats. [...] La Révolution française n'est donc qu'en partie libérale." (p.38-39)

    "Les libéraux sont "naturellement" coincés entre les conservateurs et les démocrates. Ils sont en quelque sorte structurellement centristes, et tout aussi structurellement portés à se diviser entre libéraux démocrates et libéraux conservateurs, prêts à pencher majoritairement d'un côté ou de l'autre." (p.45)

    "Le libéralisme politique entend tout autant que le libéralisme économique limiter le rôle de l'Etat, en partie par l'abstention (une constitution, aboutissement et garantie de l'Etat de droit, interdit au pouvoir bien des choses), en partie par le respect ou l'érection de contre-pouvoirs." (p.41)

    "De Guizot à Georges Pompidou, de Victor Cousin à Jules Ferry, de Thiers à Aristide Briand, les libéraux." (p.45)
    -Jérôme Grondeux, "La Révolution française et la spécificité du libéralisme français", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages.

    "En 1930, lorsque Keynes se demande "Suis-je encore libéral ?" et publie The End of Laissez-Faire, le libéralisme anglais est en déclin accentué et proche de la mort intellectuelle et politique -que ce soit dans sa version classique et "canal historique" ou celle, plus récente et gauchisée, du new liberalism. Comment, après avoir constitué la force idéologique dominante en Grande-Bretagne pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle au point d'être alors plusieurs fois détenteurs du pouvoir (cas unique dans l'Europe de l'époque) avec le Premier ministre Gladstone, ce libéralisme triomphant et doté du premier vrai grand parti libéral de l'histoire a-t-il pu en arriver là ?" (p.63)

    "Herbert Spencer (1820-1903) entre sur la scène intellectuelle publique en publiant, très jeune, le bref The Proper Sphere of Government (1843), un recueil de douze lettres parues dans la revue The Non-Conformist où, au sujet de la vie sociale et religieuse, il défend des vues fortement imprégnées de non-conformisme et donc typiquement libérales. Puis, en 1851, il change de registre en même que d'ambition avec les très volumineux Social Statics, un maître-ouvrage de sociologie où figure néanmoins un chapitre plus "idéologique" et polémique qui va vite avoir un certain retentissement: "Le droit d'ignorer l'Etat" -un titre à connotation anarchisante et tout cas expression d'un libéralisme pur et dur." (p.65)

    "A l'approche de 1860, plusieurs événements d'importance majeure achèvent de consacrer la montée en puissance politique et intellectuelle du libéralisme anglais. 1859 est ainsi une année faste à tous égards. Elle voit d'abord intervenir la naissance officielle d'un liberal party dans lequel se retrouvent ancien whigs (cette appellation disparaît du coup définitivement de la toponymie politique) et les radicals. Arborant fièrement et offensivement son nom, premier du genre à cette échelle en Europe et en tant que parti de gouvernement, il remporte des élections qui envoient à la Chambre des communes deux hommes appelés à devenir d'illustres figures du libéralisme d'outre-Manche, liés d'amitié mais incarnant déjà deux versions distinctes de l'idée libérale: Lord Acton (1834-1902) et William Gladstone (1809-1898). Depuis longtemps déjà membre du Parlement, ce dernier redevient d'abord chancelier de l'Échiquier puis, en 1867, il devient le leader d'un parti qu'il conduit à la victoire aux élections de 1868, date à laquelle la reine Victoria le nomme Premier ministre, le premier en outre à pouvoir officiellement porter l'étiquette "libéral", ce jusqu'en 1874. Par la suite à nouveau locataire à trois reprises (1880-1885, 1886, 1892-1894) du célèbre 10 Downing Street, Gladstone va profondément imprimer sa marque en pratiquant un libéralisme hardiment réformiste en tous domaines. Lord Acton, quant à lui, ne cantonne pas son activité dans une sphère politique qu'il délaisse vite. Auteur de la si souvent citée formule "Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument", ce grand catholique et historien, professeur à Cambridge, a manifesté la force de sa fibre libérale au travers d'une oeuvre consacrée à établir que la liberté est une fin en soi qui donne son sens à toute l'histoire de l'humanité. Un engagement qui se traduit par la publication à titre posthume de sa monumentale History of Freedom (1906), où il s'attache en outre à montrer que l'impératif catégorique de la liberté individuelle implique nécessairement une claire limitation des pouvoirs et prérogatives de l'Etat. Ce qui le met en porte à faux avec les nouvelles générations de liberals de plus en plus portés à préconiser l'intervention croissante des gouvernements en tous domaines.
    Mais l'année 1859 est également celle où John Stuart Mill fait paraître
    On Liberty, hissé au fil du temps en ouvrage culte de la pensée libérale et placé par lui sous le patronage moral et intellectuel d'un de ses grands prédécesseurs, Wilhelm von Humboldt, l'une des plus éminentes figures des Lumières germaniques." (p.65-66)

    "Un philosophe membre du parti libéral, Thomas H. Green (1836-1882) [...] dans deux séries de conférences données à Oxford, Lectures on Political Obligations en 1879 et Lectures on Liberal Legislation and Freedom of Contract en 1881, soutient que depuis des débuts avec Locke, le libéralisme s'est engagé dans une impasse et qu'il convient d'en reconstruire tout l'édifice intellectuel. Pour cet adepte de l'idéalisme hégélien, il faut commencer par distinguer deux types de libertés, la "liberté négative" et la "liberté positive". Consistant à ne pas être entravée, la première ne suffit pas à permettre à chacun de satisfaire ses besoins. Seule la seconde qui équivaut au pouvoir d'obtenir et de jouir des biens nécessaires à la vie peut assurer une réelle égalité des chances pour tous. Les hommes n'ont pas de droits en tant qu'individus mais sont membres de la société conçue comme une communauté et un tout organique. Tout en se voulant toujours "libéral", Green répudie donc ainsi l'essentiel du paradigme libéral classique dans lequel J. S. Mill se reconnaissait encore. Et ce d'autant que récusant aussi bien l'utilitarisme que la référence jusnaturaliste du droit naturel, il prône une forte intervention de l'Etat, dont la mission n'est plus seulement d'assurer la sûreté des individus et de faire respecter l'état de droit mais de se muer en éducateur moral soucieux de construire un environnement social (social welfare) favorisant le bien commun.
    Si quelqu'un prend alors fortement conscience que Green ne fait que théoriser et formaliser un glissement idéologique déjà perceptible au sein du libéralisme anglais depuis le début des années 1870, c'est bien Herbert Spencer, qui entre en guerre intellectuelle ouverte contre ce révisionnisme radical [...] En 1884, dans son ouvrage le plus connu,
    The Man versus the State [...] il constate et déplore que depuis les réformes sociales initiées par Gladstone lors de son second passage au pouvoir, le libéralisme s'est peu à peu vidé de son contenu authentique pour en arriver même à se retourner en son contraire." (p.67-68)

    "Spencer ne demeure pas isolé dans sa dénonciation de ce révisionisme ou déviationisme libéral impulsé par le parti et le gouvernement du même nom. Deux de ses amis et jeunes disciples, qui le jugent d'ailleurs trop timoré dans son opposition, se chargent de donner un tour beaucoup plus activiste et radical à cette guerre entre libéraux: Auberon Herbert (1838-1906) et Wordsworth Donisthorpe (1847-1914), l'un et l'autre engagés dans une Personal Rights and Self-help Association dont la dénomination est à elle seule tout un programme. Député du parti libéral de 1870 à 1874, Auberon Herbert est en exclu en 1880 pour cause de critiques excessives à l'encontre des orientations du nouveau gouvernement (libéral, rappelons-le) dirigé par Gladstone. Mais c'est aussi un intellectuel de grande envergure qui, entre autres dans son livre de 1885 The Right and Wrong of Compulsion by the State a exposé l'argumentaire de sa propre conception du libéralisme: le "voluntaryism", soit non pas un volontarisme politique au sens convenu, mais une philosophie politique axée sur le primat du "volontaire" chez l'individu dont le libre consentement absolu est la clé de voûte d'une bonne société, de même que le respect intégral de son droit naturel de propriété. Chez Donisthorpe, par ailleurs le pionnier anglais du cinématographe, les convictions propriétaristes sont identiques et font l'objet de deux ouvrages aux titres dépourvus de toute ambiguïté: Individualism, a System of Politics (1889) et A Plea for Liberty: An Argument against Socialism.
    C'était cependant là le chant du cygne de ce libéralisme classique de plus en plus conservateur et radicalisé. Plus personne après 1900 ne va avec éclat soutenir ce point de vue, et le combat entre libéraux va cesser faute de combattants -du moins du côté de l'aile droite d'un libéralisme qui en outre perd presque simultanément alors toutes ses grandes figures: Lord Acton décède en 1902, Spencer s'éteint en 1903 et Gladstone les avait même précédés dès 1898. Signe des temps: c'est au même moment (1900) que naît officiellement le Labour Party, un parti travailliste à son tour en pleine montée en puissance, et qui va rapidement entrer en concurrence avec un parti libéral qui accentue son virage à gauche. Cette inflexion de plus en plus marquée s'exprime d'abord chez les compagnons de route intellectuels du parti libéral, seuls désormais à occuper le terrain des idées pour exposer ce que doit être le libéralisme. Journaliste et économiste d'abord proche des Fabins (une influente société de pensée qui à la fin du XIXe siècle a servi de laboratoire au futur parti travailliste) et devenu membre du parti libéral, John A. Hobson (1858-1940) ouvre le feu -ce qui en l’occurrence revient à tirer sur une ambulance !- en publiant en 1909 The Crisis of Liberalism - New Issues of Democracy, un ouvrage où, au nom d'un modern liberalism, il condamne sans appel tous les fondamentaux du libéralisme classique, en particulier la "main invisible" de Smith et le "laissez-faire" des libéraux "manchesteriens". Défendant un programme d'action socialisant, ce new liberal en tirera la conclusion logique en adhérant au Labour en 1924. Mais c'est au philosophe et sociologue Leonard T. Hobhouse (1864-1929) qu'il est revenu d'aller le plus au fond des choses dans la redéfinition du libéralisme et les raisons de procéder à la répudiation du old liberalism." (p.70-71)

    "Est-il intellectuellement légitime qu'un nouveau courant de pensée se développant à partir d'un autre, présent depuis siècles, pour en contredire les fondamentaux signant son identité intellectuelle historique, puisse continuer à se prévaloir du même label lexical ?" (p.75)
    -Alain Laurent, "Après Adam Smith, la grande divergence au sein du libéralisme anglais: figures et évolutions", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.63-76.

    "Les années 1880-1914 peuvent être considérées comme un des "moments" du libéralisme français: dans le cadre de l'affirmation d'une République tout à la fois démocratique, sociale et libérale, la période est généralement décrite comme un tournant raté des libéraux, l'Etat-gendarme abstentionniste cédant progressivement le pas à l'Etat-providence. Dans ce match à somme nulle, certains libéraux qualifiés d'orthodoxes, pour leur attachement sans concession au credo, ont eu tendance à accentuer l'idée d'un crépuscule ou, du moins, d'une renonciation aux principes considérés comme intangibles du libéralisme. A l'image de Paul Leroy-Beaulieu, qui donne le ton dans L'Économiste français, ces libéraux orthodoxes se sentent menacés par un Parlement qui chaque jour se fait un peu plus "Léviathan", par une bureaucratie croissante et écrasante, par un recul de la foi en la liberté. La "fin du rêve libéral", concomitante d'une prise de conscience que le libéralisme ne produit plus l'unité, devient une thématique courante." (p.79)

    "Il semble que pour bien appréhender le libéralisme français au tournant des XIXe - XXe siècles, il faille se dégager de la rigidité du cadre théorique pour l'envisager par le biais de la mise en pratique ; en somme, laisser le libéralisme se définir par lui-même, non plus seulement à travers les principes mis en avant dans les discours -qui, du reste, deviennent de plus en plus anachroniques à la veille de la Grande Guerre -mais par les débats parlementaires et par la construction des premières lois sociales. A cet égard, la "gestation" des lois des accidents du travail (1898) et des retraites ouvrières offre un cadre éclairant. Loin d'y être étrangers, les libéraux participent à leur élaboration et en influencent le contenu. Surtout, à l'exception de quelques "ultras", ils ne s'y opposent pas frontalement, y compris lorsque l'occasion se présente: à cet égard, l'attitude du Sénat, considéré comme le bastion du libéralisme et une force d'opposition aux avancées sociales, est symptomatique d'une reconfiguration du libéralisme autour de 1900" (p.80-81)

    "Sans forcément mettre à jour une différence de nature entre les libéraux, la scène parlementaire et extraparlementaire laisse ainsi entrevoir trois degrés divers qui n'épousent pas les catégories politiques traditionnelles:
    -les libéraux de conviction profonde que leurs adversaires qualifient d'orthodoxes pour se gausser de leur intransigeance quand ce n'est de leur anachronisme, mais qui restent minoritaires, quoique leurs leaders aient une attractivité importante (Paul Leroy-Beaulieu) et bien qu'ils disposent de quelques relais dans les sphères parlementaires (Y. Guyot et V. Lourties) ; -les libéraux opportunistes jouant la carte de la liberté en fonction des intérêts du moment- ; Entre les deux, les libéraux républicains, ceux qui, conscient des enjeux du temps mais n'abjurant pas pour autant leur foi, recherchent les modalités d'intégration et de participation au contexte politique et socio-économique présent
    ." (p.81-82)

    "Il apparaît dès lors que, bien avant le colloque Lippmann de 1938, il y a remise en cause de la doctrine et de ses exigences et qu'on assiste à un aggiornamento des libéraux pour rénover le libéralisme, prendre des distances avec le credo. Déjà, il apparaît que le libéralisme est loin de se résumer au libre-échange et "au laissez-faire" ou à une approche purement négative (refus de l'intervention, refus de la bureaucratie, etc.)." (p.82)

    "Ainsi prend corps le "libéralisme républicain" théorisé par Jules Barni dans le Manuel républicain (1872). [...] La puissance publique a "l'obligation positive" d'apporter également sa contribution dans le domaine de l'assistance, au nom du bien commun et au nom de la République." (p.88-89)

    "Dans un opuscule de 1902, Raoul Jay théorise finalement cette reconfiguration du libéralisme français: les "abus" du "régime de la liberté absolue du travail" et les "illusions de nos ancêtres du XVIIIe siècle" sont désormais connus et actés." (p.93)

    "L'idée d'une crise du libéralisme à la fin du XIXe siècle doit donc être reconsidérée, l'étude de la préparation des premières lois sociales autour de 1900 révélant qu'il s'agit bien plutôt d'une redéfinition ou d'une réadaptation. [...] Le contexte a [...] changé depuis l'aube du siècle: l'application de la liberté implique que l'individu puisse avoir les moyens physiques, intellectuels, économiques d'en jouir ; il doit pouvoir exprimer son opinion, se réunir, s'associer mais aussi pouvoir accéder au savoir, pouvoir négocier, pouvoir se défendre, pouvoir assurer son existence." (p.94)

    "Trop souvent, le libéralisme a été appréhendé comme un corpus d'idées figées, incapable de se reconfigurer en fonction du contexte socio-politique. [...] Cette position, en particulier dans les sphères du pouvoir, ne révèle plus les caractères principaux du libéralisme." (p.94)
    -Claire Araujo da Justa, "Le libéralisme français à l'épreuve des premières lois sociales", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.79-94.

    "Walter Rathenau (1867-1922) a été l'organisateur, en 1914, d'une mobilisation économique exemplaire de son pays. Industriel, politicien, écrivain et homme d'Etat, victime de l'animosité de Robert Musil (personnage principal de L'Homme sans qualités), W. Rathenau est le fils d'Emil (1838-1915), hommes d'affaires juif et créateur d'Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft (AEG). Ingénieur, diplomé en physique, chimie et philosophie, W. Rathenau connaît une brillante carrière: membre du directoire de l'AEG en 1899, puis président en 1915. Pangermaniste modéré, il crée, en août 1914, le Département des matières premières de guerre (Kriegs Rohstoff Abteilung ou KRA), dont l'activité s'étend, par étapes et jusqu'en 1916, à l'ensemble des matières premières industrielles. Le KRA constitue un modèle de coopération entre Etat et industrie. Reposant sur la constitution de cartels de guerre intégrés à l'appareil d'Etat, il tire son succès de trois facteurs: l'organisation de cartels branche ; la création d'un comité de guerre, qui contrôle les importations et les exportations, répartit les commandes et les financements de l'Etat ; la création de sociétés de guerre, notamment en vue de développer des ersatz. W. Rathenau doit quitter ses fonctions en juin 1916, face à la pression des sidérurgistes (Krupp, Stinnes, Thyssen) et, surtout, la montée des militants (Hinderburg et Ludendorff) après l'échec de Verdun." (p.108-109)
    -Dominique Barjot, "Le libéralisme face au défi de la guerre totale", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.95-114.

    "Se déprendre d'une lecture trop économiste du néolibéralisme pour constater qu'il a été porteur, jusqu'à aujourd'hui, mais plus encore dans son moment fondateur, d'une vision globale de l'ordre politique, social et culturel." (p.116)

    "Si ses prémisses intellectuelles sont posées au tournant des années 1930 et 1940, sa cristallisation en tant que mouvement remonte à avril 1947, lorsque Friedrich Hayek fonde la Société du Mont-Pèlerin en Suisse, avec pour têtes de file avant tout des économistes européens. [...] La première école de Chicago, le néolibéralisme français ou l'ordolibéralisme allemand présentant un profil moins antiétatiste que le néolibéralisme ultralibéral qui s'affirme à partir des années 1960. Dans les premiers temps, Ludwig von Mises est, pour ainsi dire, le seul à camper sur une ligne libérale intransigeante, refusant de facto l'impératif de rénovation qui sous-tend la refondation conduite par Friedrich Hayek et Wilhelm Röpke." (p.116-117)

    "Aux yeux de certains de ses promoteurs, la rénovation néolibérale devait passer par une réaction antimoderne." (p.118)

    "[L'ordolibéralisme] n'est-il pas au néolibéralisme ce que l'Allemagne, qui a enfanté le nazisme, est au monde occidental, à savoir un cas à part, un Sonderweg (voie spécifique) ? Mais cette théorie exceptionnaliste longtemps dominante, au point d'acquérir le statut d'évidence, est désormais très contestée. Plus largement, les historiens ont pris leur distance par rapport aux lectures singularistes des passés nationaux, désormais analysés dans le cadre de processus transnationaux qui les déterminent, pour une part du moins." (p.121)

    "S'il est largement absent de la prose hayékienne et miséenne, moins encline que d'autres aux montées en généralité à caractère civilisationnel, l'antimodernisme est en revanche central chez Louis Rougier et Wilhelm Röpke." (p.122-123)

    "L'affirmation du néolibéralisme de sensibilité friedmanienne marque sans conteste une évolution, sinon une rupture dans l'histoire du néolibéralisme." (p.126)

    "Du côté français, l'économiste Louis Baudin publie en 1953 L'Aube d'un nouveau libéralisme. [...] Une fois encore, le Portugal séduit: "En Europe, le néolibéralisme règne au Portugal sous la forme d'un individualisme moralisé qui assure la primauté du spirituel, respecte l'autonomie de la personne et maintient la famille". Le meilleur des mondes néolibéraux dont rêve Louis Baudin trahit un conservatisme foncier en délicatesse avec la modernité." (p.127)

    "En 1962, Friedrich Hayek envoie à Salazar un exemplaire de son dernier ouvrage, The Constitution of Liberty, publié en 1960. Le philosophe de la liberté s'adresse au dictateur du Portugal dans l'espoir que "cette esquisse préliminaire de nouveaux principes constitutionnels puisse l'aider dans ses efforts de concevoir une constitution protégée des abus de la démocratie". [...]
    En 1979, dans le tome 3 de Droit, législation et liberté, l'économiste-philosophe présente son modèle de constitution, vision d'un pouvoir aristocratique où l'élection est réduite à un processus étroitement contrôlé de cooptation des élites par elles-mêmes. [...]
    A la fin du XXe siècle, Friedrich Hayek propose donc un refus très argumenté à la fois de la modernité économique, l'Etat interventionniste, de la modernité sociale, l'Etat-providence, et de la modernité politique, c'est-à-dire de la démocratie, éloge de Carl Schmitt à l'appui.
    " (p.128-129)
    -Jean Solchany, "La rénovation néolibérale: une réaction antimoderne ?", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.115-131.

    "Louis Rougier dont le rôle dans le développement du courant néolibéral (c'est à son initiative qu'est réuni en 1938 le colloque Lippmann) a fréquemment été souligné [...] est comme Rueff un adepte de l'empirisme logique." (p.143)

    "Rueff reste fidèle à une lecture maximaliste du libéralisme et refuse toute forme de compromis." (p.145)

    "Il est en revanche très réservé face à une intégration des USA, jugée à la fois ni possible ni souhaitable, en raison de la puissance agricole américaine. Rueff, qui manifeste à cet égard un protectionnisme qui ne lui est pas coutumier, craint en effet la concurrence des produits agricoles américains et surtout l'opposition très vive que les agriculteurs européens pourraient manifester contre le projet de marché commun." (p.150)
    -Frédéric Tristam, "Jacques Rueff: haut fonctionnaire atypique et acteur du renouveau libéral au tournant des années 1930", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.133-158.

    "Force est pourtant de constater le poids aujourd'hui considérable du libéralisme ou plus exactement du néolibéralisme comme source d'inspiration des politiques publiques, comme matrice du discours dominant dans les grands médias et comme idéologie qui imprègne les consciences et les comportements de nos contemporains." (p.215-216)

    "Les libéraux français [sont] marqués par un durable tropisme anglo-saxon: François Guizot inventeur et adepte de "l'Entente cordiale", Paul Reynaud et Henri de Kerillis en 1926 puis Roger Duchet en 1956 allant visiter le parti conservateur britannique pour s'en inspirer, "VGE" fervent admirateur de "JFK" au point d'avoir toujours en bonne place sur son bureau la photo de l'ancien président états-unien, ou encore Nicolas Sarkozy choisissant de transformer l'UMP en "Les républicains"." (p.216-217)

    "Qui peut encore raisonnablement croire à l'évanescence des libéraux en France ?" (p.227)
    -Gilles Richard, "L'organisation partisane de la famille libérale en France depuis la fin du XIXe siècle: obstacles, persévérance et efficacité", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.213-228.

    "Après la Libération, Aron n'a pas immédiatement rompu avec la gauche. Il participe en 45-46 aux premiers numéros des Temps modernes, où il écrit, après les débuts du gouvernement Attle, un texte nuancé, en faveur du socialisme démocratique." (p.232)

    "Aron, qui avait été un membre très passif de la Société du Mont-Pèlerin, la quitta discrètement en 1957." (note 4 p.235)
    -Joël Mouric, "Raymond Aron et les réseaux libéraux (1938-1980)", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.229-244.

    "Était-elle une libérale ? Les avis sont très partagés. Milton Friedman écrivit dans l'Observer du 29 septembre 1982: "Les gens ne réalisent pas que Margaret Thatcher n'est pas une tory. C'est une authentique libérale du XIXe siècle". Pour John Nott au contraire, un fidèle parmi les fidèles, qui fut son ministre de la Défense pendant la guerre des Falklands. "La présenter comme une libérale du XIXe siècle, c'est se méprendre complètement sur ce à quoi elle croyait." (p.317)
    -Marie-Claude Esposito, "Le moment Thatcher",  in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.299-317.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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