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    Joseph Rovan, Histoire de l'Allemagne

    Johnathan R. Razorback
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    Joseph Rovan, Histoire de l'Allemagne Empty Joseph Rovan, Histoire de l'Allemagne

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 13 Jan - 17:35

    "L'historien par excellence à mes yeux, Henri Marrou, qui fut mon parrain et préfaça ma première contribution à l'histoire allemande." (p.9)
    -Joseph Rovan, Histoire de l'Allemagne, préface à la première édition, Éditions du Seuil, coll. Points, 1999 (1994 pour la première édition), 957 pages, pp.7-10.

    "Un peuple sans frontières historiques claires, un territoire sans limites géographiques nettes -voilà l'objet double et simultané qui s'offre ainsi à notre réflexion. Ne serait-il pas plus simple, alors, de centrer notre effort sur l'Etat ? Le peuple allemand, vivant sur le territoire de l'Allemagne, a bien crée un Etat ; il en a même crée plusieurs, et nous voilà de nouveau affrontés à des difficultés qui sont propres à l’histoire allemande et qui n'appartiennent qu'à elle, du moins en Europe: à aucun moment de cette histoire, peuple, nation, territoire et Etat n'ont coïncidé d'une manière claire et comparable aux situations que nous apprenons à connaître dans l'histoire de France ou dans l'histoire d'Angleterre. Quand il se sépare des autres peuples et territoires réunis dans l'Empire carolingien, le peuple allemand, ou ce qui va être le peuple allemand, ne se referme pas sur lui-même et ne s'enferme pas dans un cadre géographique relativement clos, comme ce sera le cas du peuple franc occidental, les futurs Français, et comme pourront le faire les tribus anglo-saxonnes et scandinaves de Grande-Bretagne, rassemblées, unifiées et asservies par la royauté normande. La France est un cap, une presqu'île, l'Angleterre tout à fait une île. L'Allemagne est établie, elle, dans une aire de passage sans limites naturelles. Pour de multiples raisons, profondes ou accidentelles, la royauté allemande du Xe siècle lie le destin de la Francia orientalis, de la "Germanie", à celui de l'Italie. Rois d'Italie et bientôt empereurs des Romains, les rois allemands, même quand ils séjournent au nord des Alpes, sont toujours plus qu'à moitié ailleurs. Le mirage italien, mirage de puissance, d'argent et de responsabilité, ne les lâchera pas pendant plusieurs siècles, ni le mirage impérial qui fait du roi-empereur le souverain et le protecteur de la chrétienté -sans lui donner les moyens de ces immenses devoirs. A l'Italie (sans frontières sûres au Sud avec Byzance, le monde arabe, les dernières principautés lombardes et les premières conquêtes normandes), le XIe siècle ajoutera la "Bourgogne", autre royaume né de la dislocation de l'Empire carolingien et qui va de Bâle à Marseille. La frontière de l'Empire est alors sur le Rhône ; Arles et Lyon sont villes d'Empire, comme Besançon et Cambrai, car au Xe siècle, également, la royauté allemande acquiert définitivement (c'est-à-dire pour sept ou huit siècles) la "Lotharingie" que le royaume de l'Ouest (la France) et celui de l'Est (la Germanie) se disputaient depuis l'extinction de la maison de Lothaire, l'aîné des petits-fils de Charlemagne. Inséparable de l'Empire, l'Etat allemand ne pourra jamais devenir un Etat national centralisé. Il traînera avec lui, jusqu'au XIXe siècle, les derniers oripeaux d'une vocation universelle et universaliste, d'une prétention immense dont l'Allemagne n'eut que rarement les moyens et pour peu de temps.
    Parce qu'il est (ou veut être) plus qu'un Etat vers le haut, c'est-à-dire par l'Empire, supérieur aux royaumes nationaux, l'Etat allemand ne peut pas imposer sa souveraineté vers le bas. [...] Occupé en Italie, à Rome, en "Bourgogne", le roi-empereur ne parvient pas à faire triompher son autorité sur les grands vassaux de la Germanie. Quand les Capétiens ont fini par imposer la leur à la Francie occidentale, vers la fin du XIIIe siècle, les rois allemands ont fini, eux, par céder l'essentiel de leur pouvoir aux princes séculiers ou ecclésiastiques qui morcèlent l'Allemagne et ne laissent au souverain suprême qu'un pouvoir de façade, qu'une façade de pouvoir. L'Etat et la nation ne coïncident pas plus dans l'histoire allemande que le peuple et le territoire. L'Allemagne est, de toute évidence, une réalité. Mais c'est une réalité sans limites ni frontières. Elle ne coïncide jamais tout à fait avec elle-même. C'est par là que son histoire nous intéresse si fort, parce qu'elle est à tant d'égards et sur tant de points si différente, et même aux antipodes de l'histoire française
    ."(p.16-17)

    "L'existence d'un peuple allemand est attestée aux yeux des historiens par le serment de Strasbourg (842): par-delà le hasard des partitions dynastiques, ce texte révèle dès la fin de la première moitié du IXe siècle un clivage est-ouest au sein de l'Empire franc entre populations de langue romane et populations de langue germanique, clivage qui va donner naissance aux royaumes de Francie occidentale et Francie orientale, de France et de Germanie. L'adjectif qui caractérise alors le peuple allemand: "tiudisc" = teutsch (c'est ainsi que le nom s'écrit encore chez Goethe) signifie précisément "populaire, indigène", c'est-à-dire l'ensemble de ceux qui, Saxons, Souabes, Francs, Bavarois, Thuringiens, parlent des langues populaires particulières, face au latin, classique, unique et savent. Aux XVIIIe et XIXe siècles, quand s'élaborent, à partir de Herder et du Sturm und Drang, les théories de l'âme nationale, de la Volksseele, et du Volksgeist (esprit national), la langue apparaît comme le principal lien et comme le principal contenant de l'unité nationale, par-delà les 1789 entités membres du Saint-Empire finissant et les 38 Etats membres de la Confédération germanique de 1815." (p.18)

    "Entre le premier affrontement de Charles Quint et de François Ier, et la Seconde Guerre mondiale, il y a eu vingt-trois conflits guerriers franco-allemands, dont la très grande majorité se sont déroulés sur le territoire allemand. Il en fut ainsi notamment au XVIIe et au XVIIIe siècle." (note 1 p.20)
    -Joseph Rovan, Histoire de l'Allemagne, Éditions du Seuil, coll. Points, 1999 (1994 pour la première édition), 957 pages.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Message par Johnathan R. Razorback Sam 13 Jan - 19:43

    "Ebert, chef du Parti social-démocrate majoritaire, à qui le dernier chancelier impérial, le prince Max de Bade, vient de confier l'Empire allemand, aurait bien voulu conserver la monarchie, du moins jusqu'à ce que le peuple puisse choisir lui-même la forme du gouvernement, mais, craignant la surenchère des socialistes de gauche, il s'était résolu à faire proclamer la république par son premier adjoint à la tête du parti, Philipp Scheidemann. Sauf dans les villes libres, îlots dans la masse territoriale, tout le passé allemand était monarchique. Des innombrables principautés du Saint-Empire, après les révolutions allemandes et autrichiennes, il ne subsistera que le grand-duché du Luxembourg et la principauté du Liechteinstein. L'empereur s'est enfui lamentablement. Plus jamais il ne sera sérieusement question de restauration. C'est une césure formidable pour un pays qui doit inaugurer, en même temps, la république et le régime parlementaire. Peut-être une république présidentielle de type américain aurait-elle mieux convenu alors au génie allemand.
    Une fois l'armistice signé, qui pouvait laisser subsister des illusions à cause de la phraséologie humaniste du président Wilson, l'Allemagne fait l'expérience quotidienne de la défaite. Suivant de près les troupes allemandes qui se retirent, les Alliés occupent la rive gauche du Rhin. La conférence de paix est convoquée mais l'Allemagne n'y est pas conviée: de son sort, les vainqueurs discutent et se disputent sans elle. Les Allemands ne seront conviés qu'à la fin pour recevoir communication d'un texte à prendre ou à laisser, de leurs observations il ne sera guère tenu compte. Le traité de Versailles, contrairement aux accords de Vienne qui mettaient fin à l'hégémonie française en Europe, est un Diktat portant condamnation morale du vaincu. L'obligation de signer cette auto-accusation, cette autodénonciation, avec celle de livrer leurs anciens chefs pour qu'ils soient jugés, empereur en tête, comme criminels de guerre, c'étaient là, pour la grande majorité des Allemands informés, des humiliations insupportables. Les signataires dûment mandatés, les ministres Erzberger et Bell, étaient vilipendés comme des traîtres. Erzberger, en 1921, devait succomber sous les coups de feu de jeunes conspirateurs nationalistes
    ." (p.593-594)

    "De plus, la République héritait d'un territoire rétréci: la France, bien sûr, reprenait l'Alsace-Lorraine, elle obtenait même le détachement de la Sarre érigée en Gebiet autonome. La Belgique s'empara de deux petites régions frontalières, autour de l'ancienne abbaye impériale de Malmédy et de la ville d'Eupen, cette dernière région reste désespérément allemande de langue, refusant à la fois le français et le flamand, régions sombres et froides, où les forêts, dignes de Siegfried, encadrent les rares agglomérations des Ardennes. Dans le nord du Schleswig, la République va devoir honorer la promesse jamais tenue d'un plébiscite faite par Bismarck aux Danois en 1864, et le nord du duché passa au Danemark...
    Mais l'essentiel est à l'Est: les deux tiers de la Poznanie, les trois quarts de la Prusse-Orientale (sauf Danzig érigée en ville libre) seront cédés à la Pologne. Un bon tiers de la Haute-Silésie aura le même sort au terme d'un plébiscite qui, trop favorable à l'Allemagne, sera remplacé par un partage imposé. Un petit territoire silésien est cédé à la Tchécoslovaquie mais, plus que tout, compte l'interdiction faite à l'Allemagne d'accepter au sein du Reich républicain les Allemands d'Autriche et des Sudètes que Bismarck avait, avec sagesse, exclus du sien. Ce veto était en contradiction absolue avec le principe de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, proclamé par les Alliés comme un de leurs principaux buts de guerre ; mais la France et l'Angleterre avaient-elles fait quatre ans de guerre pour que l'Allemagne, à la fin, fût plus nombreuse et plus forte qu'avant 1914 ? Le démantèlement de l'Autriche-Hongrie
    (p.594-596)
    -Joseph Rovan, "La République de Weimar", chapitre XVIII in Histoire de l'Allemagne, Éditions du Seuil, coll. Points, 1999 (1994 pour la première édition), 957 pages, pp.593-645.



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