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    David Cumin, Carl Schmitt, Leo Strauss et le concept du politique

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    David Cumin, Carl Schmitt, Leo Strauss et le concept du politique Empty David Cumin, Carl Schmitt, Leo Strauss et le concept du politique

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 3 Fév - 13:32

    http://www.revue-klesis.org/pdf/Strauss-11-Klesis-Cumin-A.pdf

    "Du point de vue de l'individualisme libéral, rien ne permet d'exiger le sacrifice de l'individu." (p.159)

    "Strauss est conscient que « l'état de nature » de l'Allemand est toutefois très différent de celui de l'Anglais. Chez celui-ci, il s'agit d'un état de guerre abstrait entre individus, où chacun est l'ennemi de chacun. Chez celui-là, il s'agit d'un état de guerre concret entre groupes, la relation politique étant orienté par l'ennemi et l'ami." (p.160)

    "Pour Schmitt, l'Etat peut exiger des citoyens qu'ils soient prêts à tuer et à mourir. Pour Hobbes, l'Etat est déterminé par une revendication de l'individu (la sécurité) s'appuyant
    sur un droit naturel (le droit d'autoconservation) antérieur et supérieur à l'Etat. En ce sens, l'Etat ne peut exiger de l'individu qu'une obéissance conditionnelle, qui n'entre pas en contradiction avec la préservation de la vie, dont la protection est la raison dernière de l'Etat. S'il affirme qu'un citoyen ne peut refuser de risquer sa vie dans la guerre, lorsque le salut de l'Etat l'exige, c'est seulement parce qu'il est rationnel que le citoyen protège dans la guerre l'institution qui assure sa protection dans la paix. Tous les devoirs civiques dérivent du droit à la vie, seul droit inconditionnel. L'individu est terminus a quo et terminus ad quem de la construction hobbésienne. Par conséquent, si l'on entend la politique au sens schmittien, il faut dire que l'auteur du Léviathan voulait affranchir les hommes de cette politique-là et qu'il est le penseur « antipolitique » par excellence (P. Manent). S'il souligne le caractère dangereux de l'homme pour l'homme, c'est dans l'intention de domestiquer ce caractère, tout comme il essaie de surmonter le status naturalis. Plus encore, il considère comme innocente la « méchanceté » de l'homme, puisqu'il nie le péché. Et il nie le péché parce qu'en relativiste, il ne reconnaît aucune obligation supérieure qui restreindrait la liberté humaine." (p.161)

    "L'idéal hobbésien : paix, sécurité, prospérité, corrobore parfaitement la définition polémique du bourgeois de Hegel, reprise par Schmitt. L'affirmation du politique équivaut au refus de l'existence « bourgeoise » dont l'Anglais fait l'éloge, puisqu'il remplace l'ethos de l'honneur par l'ethos de la crainte, passion rationnelle à l'origine du status civilis. In fine, l‟auteur du Léviathan, dans un monde non libéral, jette les fondations du libéralisme." (p.162)

    "Comme Max Weber, Carl Schmitt identifie morale et morale humanitaire. En ne se détachant pas de la conception de ses adversaires, il ne remettrait donc pas en cause la prétention de cette morale-là à être la morale. C'est pourquoi, selon Leo Strauss, « il reste prisonnier de la thèse qu'il combat »." (p.163)

    "Ce que Schmitt cherche à faire comprendre, dit-il, c'est que le politique et l'Etat sont la seule garantie qui préserve le monde de devenir un monde de « divertissements ». [...] Schmitt exprime son effroi et son mépris pour l'idéal d'un monde dépolitisé. Cet idéal ne saurait être celui d'un homme digne de ce nom. [...] L'affirmation du politique contre un idéal qui réduirait l'humanité à « une société coopérative de consommation et de production », est décidément une affirmation de l'éthique. « Le sérieux de la vie humaine est menacé quand le politique est menacé », écrit Strauss en écho. En augustinien, Schmitt récuse la « paix de Sardanapale », le régime de lâche tolérance et de jouissance qui ne veut pas que l'ennemi -celui qui n'admet pas cette forme de bonheur- porte atteinte à sa félicité. Un chrétien ne saurait tolérer ni cette « paix » ni cette « félicité »." (pp.164-165)

    "Le juriste ne se situe pas dans la lignée de Nietzsche ou de Max Weber. Il est dans une « opposition métaphysique » avec Jünger, qui retire de la guerre la leçon de « l'agonalité ». Il réaffirme cette opposition en 1936. Le différend sur l'essence du politique ne porte pas sur la question : la politique peut-elle ou non renoncer au combat ? Elle ne le pourrait pas sans cesser d'être la politique. Elle porte sur une autre question : où le combat trouve-t-il son sens ? Dans la conception « agonale », celle de Jünger, la guerre trouve en elle-même son sens, son droit et son héroïsme. Elle est ainsi « mère de toutes choses » (Héraclite). Dans la conception « politique », celle d'Adams ou de Schmitt, la guerre est un moyen de la politique et son sens est d'être menée « pour faire advenir la paix »." (p.167)

    "Le problème de la nature humaine n'a pas été tranché par la doctrine catholique, à la différence de la doctrine protestante qui voit l'humanité radicalement corrompue. Elle ne parle pas, à l'instar des penseurs contre-révolutionnaires du XIXème siècle, d'une déchéance humaine absolue. Elle parle seulement de « blessure » en laissant subsister la possibilité d'aller vers le bien. D'un point de vue religieux, Jacques Maritain, par exemple, a donc raison de critiquer Carl Schmitt et ceux qui exagèrent la malignité de l'homme. Mais le juriste n'entend pas suivre un dogme ; il entend récuser l'axiome de l'homme bon, à travers une décision « théologico-politique », id est une prise de position sur la nature humaine. De son point de vue, toute doctrine politique prend d'une manière ou d'une autre position sur cette question et toute doctrine politique « véritable » se fonde sur une conception négative de la nature humaine." (p.168)

    "La Révélation est une source si absolue de « savoir intègre », au sens de la gnose et non de la science, que face à la vérité du péché originel, tout ce que l'anthropologie pourrait expliquer reste secondaire. La politique a besoin de la théologie, car celle-ci en est la condition sine qua non." (p.170)

    "De son point de vue, la seule façon d'être sauvé du relativisme, c'est la vérité pleine d'autorité de la Révélation et de la Providence." (p.172)

    "Si Schmitt estime qu'il n'y aura pas d‟« unité du monde », c'est aussi parce qu'il ne veut pas d‟« unité du monde » ! L'avènement du One World, parce qu'il signifierait la « centralisation » et la « dépolitisation », entraînerait la fin des indépendances nationales et le règne du Bourgeois universel. Surtout, un tel avènement serait sacrilège : l'épisode biblique de la Tour de Babel indique le refus divin de l'unité politique du genre humain." (p.175)
    -David Cumin, Carl Schmitt, Leo Strauss et le concept du politique, Klesis – Revue philosophique , 2011 : 19 – Autour de Leo Strauss.


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