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    Pierre Leroux, Philosophie. — Du Bonheur + De l’humanité (1840)

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Pierre - Pierre Leroux, Philosophie. — Du Bonheur + De l’humanité (1840) Empty Pierre Leroux, Philosophie. — Du Bonheur + De l’humanité (1840)

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 6 Juil - 16:44

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Leroux

    https://fr.wikisource.org/wiki/Philosophie_-_Du_bonheur

    "Lorsque le rapport avec le monde extérieur nous est agréable, nous l’appelons plaisir : mais cet état passager n’est pas le bonheur. Nous entendons par bonheur un état qui serait tel que nous en désirassions la durée sans changement. Or voyons ce qui arriverait si un tel état était possible. Pour qu’il le fût absolument, il faudrait que le monde extérieur s’arrêtât et s’immobilisât. Mais alors nous n’aurions plus de désir, puisque nous n’aurions plus aucune raison pour modifier le monde, dont le repos nous satisferait et nous remplirait. Nous n’aurions plus par conséquent ni activité, ni personnalité. Ce serait donc le repos, l’inertie, la mort, pour nous, comme pour le monde." (p.427)

    "La terre, c’est-à-dire la vie telle que nous la connaissons, a été incomplètement appréciée, et de là est venu et l’Éden chimérique et le Paradis chimérique. Les grands théologiens saint Paul et saint Augustin ont beau médire de la Nature, la Nature n’est pas aussi corrompue qu’ils le disent. La vie présente n’est pas uniquement dévouée au malheur. Aussi qu’est-il arrivé ? C’est que la Nature a toujours conservé ses partisans ; c’est que la vie présente s’est moquée de l’anathème jeté sur elle, et qu’on a fini, depuis trois siècles, par ne plus croire ni à l’Éden ni au Paradis." (p.429)

    "C’est parce que Socrate mit tous les esprits à la recherche de la solution du bonheur qu’il fut déclaré par l’oracle de Delphes le plus sage des hommes. Sa célèbre devise se rapporte au bonheur : Connais-toi, afin de te conduire et d’être heureux. L’initiative glorieuse qu’on lui reconnaît, et qui a fait dire que les écoles philosophiques sortirent de Socrate, n’a pas d’autre origine." (p.441)
    -Pierre Leroux, "Philosophie. — Du Bonheur", Revue des Deux Mondes, Période Initiale, tome 5, 1836 (pp. 421-482).

    https://fr.wikisource.org/wiki/De_l%E2%80%99humanit%C3%A9

    "L’homme, quelque individuel, quelque solitaire, quelque abstrait de l’humanité qu’on l’imagine, est, de sa nature, et par essence, sensation-sentiment-connaissance indivisiblement unis."

    "L’homme des psychologues, en effet, n’est qu’une abstraction, laquelle est bonne à faire pour l’étude, mais est impossible à réaliser. Ce qui est réellement, ce qui vit, ce qui existe, c’est l’homme en société avec l’homme. Néanmoins une véritable connaissance de l’homme considéré abstractivement est si nécessaire, que, faute de cette connaissance, on ne peut que s’égarer dans toute science ayant pour objet l’homme vivant, l’homme social. C’est pour cela que tant de grands génies se sont trompés dans leurs considérations sur la morale et sur la politique. Quel plus grand génie dans l’antiquité que Platon ! J’ajouterai qu’il avait une certaine connaissance de la vraie formule psychologique de l’homme ; tous ses écrits en font foi. Mais bien qu’il connût cette formule, ainsi que l’avaient connue avant lui les pythagoriciens ses maîtres, il en a fait, même en philosophie, un usage erroné, en donnant toujours à l’un des termes de cette formule une prédominance exagérée, et qui détruisait implicitement la formule elle-même. On sait en effet que, pour Platon, l’homme est surtout connaissance. il brise ainsi le type humain véritable, en subordonnant les deux termes sensation et sentiment au troisième terme connaissance, au lieu de les unir tous les trois indissolublement. Qu’en est-il résulté ? C’est que ce grand homme a fait, en morale et en politique, un mauvais et j’oserai dire un détestable usage de la formule psychologique qu’il avait en main. Ainsi, dans sa république, il conclut de cette formule l’inégalité nécessaire et éternelle des hommes, leur division radicale en trois castes, répondant à ces trois termes, sensation, sentiment, connaissance ; et, sacrifiant tout à la connaissance, il livre les castes de la sensation et du sentiment, c’est-à-dire les industriels et les artistes ou guerriers, à la caste de la connaissance, c’est-à-dire aux savants et aux prêtres. il n’est donc en progrès sur les théocraties orientales qu’en un point : c’est qu’il supprime le fait de naissance comme détermination de la caste, anéantissant ainsi la famille naturelle, afin de légitimer aux yeux de la raison la constitution même des castes. Cette suppression de la famille naturelle est encore une erreur ; mais cette erreur même ne remédie pas au mal. Car ce qui sort, en définitive, de son système, c’est la théocratie et le despotisme. Parmi les modernes, Hobbes et Machiavel étaient assurément de grands penseurs ; mais de la formule psychologique de l’homme, ils ne connaissaient guère que le premier terme, sensation. Hobbes surtout, qui s’est occupé profondément de psychologie avant de s’occuper de politique, et qui fut le prédécesseur éclatant de Locke et de tous les philosophes sensualistes, se guidait rationnellement d’après ce premier terme, sensation, devenu pour lui toute la formule de l’esprit humain. Aux yeux donc de Machiavel et de Hobbes, qu’est-ce que la société humaine ? Une agrégation d’êtres définis sensation. voilà un troupeau de brutes, voilà le genre humain composé d’animaux ayant des besoins et des instincts qui les rapprochent ou les divisent, mais n’étant pas autre chose en essence. La conclusion est nécessaire. Machiavel, qui s’occupe surtout de pratique et d’action, conclura de cette vue psychologique le gouvernement par la force et par la ruse. Hobbes, qui s’occupe surtout de théorie, en conclura théoriquement le despotisme, et, annihilant l’homme devant la loi incarnée dans le roi, fera du genre humain, pour son plus grand avantage, un troupeau d’esclaves. Combien de politiques, spéculatifs ou pratiques, ont vu les choses humaines comme Machiavel et comme Hobbes, parce qu’ils voyaient l’homme psychologique à travers le même verre qu’eux ! Voilà Rousseau à son tour, le politique du sentiment. il sent dans son cœur que l’homme est né libre ou doit être libre, et il le voit partout dans les fers. Il veut chercher s’il n’y a pas quelque forme d’administration légitime, c’est-à-dire propre à restituer cette liberté naturelle de l’homme. Mais quelle idée psychologique a-t-il de l’homme ? L’homme pour lui, malheureusement, n’est qu’un sentiment, une force, une volonté, un moi. de là il résulte que tous les hommes lui apparaissent comme autant de forces ou d’individualités séparées, non pas seulement égales, mais identiques, qui ne peuvent être unies en rien que par contrat : "puisque aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes." comment, en effet, unir tous ces hommes qui sont tous des forces égales, identiques, existant au même titre, homogènes en un mot, parce qu’elles ne sont toutes qu’une seule chose, une volonté, un sentiment. il est évident qu’il n’y a que le contrat, sur le pied de l’égalité par tête, qui puisse faire aboutir à une résultante ces forces homogènes. Rousseau donc se met à l’œuvre ; il a devant les yeux les débats des antiques sociétés, où, tandis que l’esclave, qui n’était pas compté pour un homme, remplissait les fonctions industrielles, les citoyens venaient sur la place publique comme autant de forces égales, identiques, homogènes, déposer leur vote dans l’urne du scrutin. Rousseau généralise cette situation de forces ou d’individualités homogènes et identiques : "chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale, et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout." mais pour que chaque membre soit partie du tout, il faut que chaque membre ait abdiqué sa souveraineté naturelle, pour ne conserver qu’une partie de sa souveraineté, au prorata du nombre. Rousseau le reconnaît. afin donc, dit-il, que le pacte social ne soit pas un vain formulaire, il renferme tacitement cet engagement, qui seul peut donner de la force aux autres, que quiconque refusera d’obéir à la volonté générale "y sera contraint par tout le corps ; ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre"… etc. ainsi, grâce à cette machine politique, voilà de nouveau l’homme esclave, et esclave de toute manière. Epictète esclave conservait au moins la liberté de son intelligence. Le citoyen de Rousseau engage dans le contrat son intelligence. Le citoyen de Rome restait libre quant à son droit familial ; la famille et la propriété existaient pour lui indépendamment de la cité. Le citoyen de Rousseau engage tout dans le contrat ; il devient partie du souverain en tout, et c’est ainsi seulement qu’il est libre. Il n’est donc réellement libre que de sa voix, libre que de son vote. La loi rendue, il est esclave. Mais il y aura toujours, dans la confection de cette loi, une majorité et une minorité. Eh bien, répond Rousseau, la minorité sera esclave ! C’est le seul moyen que l’homme ait d’être libre ; voilà l’artifice et le jeu de la machine politique ; c’est de cette manière qu’on forcera les hommes d’être libres. Ainsi toutes nos idées, tous nos sentiments, tous nos actes, seront ou pourront être gouvernés despotiquement par le souverain, c’est-à-dire par la majorité ! Oui, dit encore Rousseau, il n’y a pas d’autre moyen pour nous d’être libres ; car les hommes sont chacun une force, une volonté, une liberté, un moi indépendant ; et je vous défie d’harmoniser ces moi homogènes, sinon par une convention de ce genre. De même que Platon était arrivé au despotisme par la connaissance, de même que Hobbes et Machiavel étaient arrivés au despotisme par la sensation, Rousseau arrive donc au despotisme par le sentiment. et en effet, en ne considérant l’homme psychologiquement que comme une volonté (sentiment), ou en ne le considérant que comme une passivité (sensation), ou en ne le considérant que comme une intelligence (connaissance), c’est-à-dire en sacrifiant deux aspects de sa nature au troisième, on a, non pas des êtres semblables, mais des êtres homogènes, que rien ne relie, et entre lesquels il n’y a pas d’autre mesure commune que l’abstraction que l’on a conservée, soit connaissance, soit sentiment, soit sensation. Donc, ou vous subordonnerez ces êtres les uns aux autres sous le rapport admis par vous, et ainsi vous aurez du premier coup le despotisme. ou vous les égaliserez tous, quelque inégalité naturelle qu’il y ait entre eux, même sous ce rapport ; et, en ce dernier cas, vous aurez d’abord le contraire d’une société, vous aurez l’individualisme. que si, enfin, vous voulez les harmoniser et les unir en cette condition, vous ne le pouvez qu’en vertu d’un contrat à la façon de celui que Rousseau imagine ; et vous créez par conséquent une majorité omnipotente en tout, ce qui est encore le despotisme, et ce qui serait le pire peut-être de tous les despotismes. C’est ainsi que les trois plus grandes tentatives d’une théorie politique fondée sur la philosophie se sont trouvées fausses, par suite de l’erreur de la donnée psychologique qui les a inspirées. L’homme n’est pas seulement une connaissance, peut-on objecter à Platon : donc vos savants n’ont pas droit ; donc votre théocratie n’est pas légitime. L’homme n’est pas seulement une sensation, peut-on répondre à Hobbes : donc votre droit du roi ou du plus fort n’est pas autorisé par la nature humaine. Les hommes ont besoin d’être éclairés, parce qu’ils sont intelligence en même temps que sensation. Ils ont besoin de consentir, parce qu’ils sont sentiment en même temps que sensation et intelligence. La morale et la paix doivent sortir d’eux et être en eux. La société est faite pour eux, il est vrai, mais c’est eux qui la font. Elle n’existe pas hors d’eux, en ce sens qu’ils sont eux-mêmes cette société réalisée et responsable. Ils sont responsables, et par conséquent ils ne sauraient être légitimement esclaves. Enfin on peut répondre à Rousseau : l’homme n’est pas seulement une volonté : donc vingt volontés ne peuvent rien contre dix. L’homme est intelligence : donc il ne peut s’abdiquer au point d’abdiquer son intelligence. Il est sentiment : donc, quand il aurait fait l’absurde convention d’abolir en lui le sentiment ou la volonté sous le coup de la volonté générale, c’est-à-dire de la majorité, ce sentiment renaîtrait malgré lui en son cœur, et protesterait contre cet inhumain sacrifice ; donc la majorité ne saurait avoir ce despotisme absolu sur le citoyen qui embrasse tout l’homme et toute la vie de l’homme dans votre système. Confions-nous donc à notre formule, qui dit que l’homme n’est pas seulement sensation, ou sentiment, ou connaissance, mais qu’il est une trinité indivisible de ces trois choses. Nous sommes sûrs au moins qu’elle ne nous conduira ni à la théocratie comme Platon, ni à la monarchie comme Hobbes, ni à la démagogie comme Rousseau."

    "Tout, dans Leibnitz, depuis la monade ou substance simple jusqu’à l’homme, tout progresse vers Dieu, c’est-à-dire vers l’être infini source de tous les êtres ; et, dans cette chaîne de perfectibilité, l’homme nous révèle particulièrement la perfectibilité de toutes les créatures ; car, pour son compte, il est hautement perfectible."
    -Pierre Leroux, De l’humanité, 1840.

    https://mecaniqueuniverselle.net/textes-philosophiques/leroux.php



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

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