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    Phillipe Caspar, Le problème de l'individu chez Aristote

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    aristote - Phillipe Caspar, Le problème de l'individu chez Aristote   Empty Phillipe Caspar, Le problème de l'individu chez Aristote

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 4 Jan - 16:53

    http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1986_num_84_62_6406

    "Ce qui domine l'œuvre aristotélicienne, c'est la quête de la vérité que vivent tous les esprits depuis qu'à Milet la philosophie s'est dégagée de la pensée mythique, afin de découvrir l'intelligibilité d'un monde globalement soumis au devenir. Or, pour Aristote comme pour Platon, il n'y a de science que de l'immuable. Dans la conception du Stagirite, l'unité de la forme constitue la condition de possibilité ultime d'un savoir vrai dans un monde changeant. En somme, dans cette difficile intrication de la matière et de la forme, deux problèmes se posent. D'une part, il s'agit de sauver l'intelligibilité du monde ; d'autre part, il faut comprendre la multiplicité des individus dans l'espèce. L'intelligibilité du monde repose sur l'unité des formes. La solution du premier problème impose par voie de conséquence celle du second. Puisque la forme est éternelle et une, la matière seule peut être principe d'individuation. Seule, en effet, la matière est nombrable [...] La matière intelligible individualise les substances mathématiques parce qu'elle offre à l'esprit la possibilité de leur attribuer une position déterminée dans l'espace. La matière sensible individualise les substances concrètes, c'est-à-dire composées, en deux sens: en premier lieu, elle fixe leurs coordonnées spatiales et temporelles ; en second lieu, elle permet l'inhérence des accidents individuels [...] dans la substance. C'est précisément à ce stade que se pose un nouveau problème d'intelligibilité. La matière première est inconnaissable. La matière sensible est seulement connaissable dans sa frange universelle. Mais la matière sensible individualisante n'est pas objet de science puisqu'elle est seulement le support d'inhérence des accidents individuels qui sont purement contingents. Et l'individu ne peut pas être connu non plus par la totalité de ses prédicats. Or, Aristote ne cesse de le répéter, il n'y a de science que de l'universel et du nécessaire. L'aporie est inévitable: ontologiquement premier, l'individu représente dans le système aristotélicien, l'horizon de non-intelligibilité. "Et la raison pour laquelle des substances sensibles individuelles il n'y a ni définition ni démonstration, c'est que ces substances ont une matière dont la nature est de pouvoir et être et n'être pas ; et c'est pourquoi toutes celles qui parmi les substances sensibles sont individuelles, sont corruptibles" [Aristote, Métaphysique, 1039b 28-30]. Le cercle est bouclé autour du dilemme qui constitue l'enjeu décisif de tout l'édifice aristotélicien. L'incarnation de la forme dans la matière permet d'échapper aux contradictions platoniciennes. Elle autorise également l'introduction d'un élément de permanence dans le devenir, ce qui rend pensable le changement substantiel et sauve l'intelligibilité même du monde. Ces succès spéculatifs ont cependant leur tribut et ce prix prend chez Aristote un tour paradoxal: la prééminence ontologique de l'individu qui avait permis de résoudre les plus hautes problèmes spéculatifs, dont l'intelligibilité du changement substantiel est, dans la mise en place de toute l'édifice conceptuel, devenue l'énigme la plus profonde la métaphysique." (p.179-180)

    "Nous sommes ici au point précis où la finalité interne de l'organisme vivant perd sa consistance et cela parce que l'individu aristotélicien n'a jamais surgi que dans le vide, n'a jamais été qu'un moment passager au cours duquel sa finalité et sa consistance propres lui sont ôtées pour se diluer dans la mort, cet acte par lequel l'individu trouve sa vérité, non pas en Dieu, mais dans le monde sans passion des formes, sans jamais pouvoir être ressaisie, comme chez Platon, pour être transfigurée dans la beauté participée du Bien."

    "Il fallut en effet attendre R. Bacon et le treizième siècle pour que la méthode expérimentale se sépare rigoureusement de la métaphysique." (p.186)
    -Phillipe Caspar, Le problème de l'individu chez Aristote, Revue Philosophique de Louvain, Année 1986, 62, pp. 173-186.






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