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    Notes sur Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste é autres textes de Gyorgy von Lukàcs

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Notes sur Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste é autres textes de Gyorgy von Lukàcs Empty Notes sur Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste é autres textes de Gyorgy von Lukàcs

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 24 Sep - 10:35

    « La possibilité même de poser le problème éthique dépend […] de la manière dont on décide si la démocratie fait partie seulement de la tactique du socialisme (comme instrument de combat dans la période où il est minoritaire, pendant qu’il lutte contre la terreur légalisée et illégale des classes oppresseuses), ou bien elle en est une partie intégrante au point qu’on ne peut pas la supprimer sans toutes ses conséquences éthiques et historiques ne soient d’abord clarifiées. Parce que, dans le dernier cas, pour tout socialiste conscient et responsable, la rupture avec le principe de démocratie serait un problème éthique très grave. »

    « Pour qu’arrive enfin l’ère de la vraie liberté ne connaissant ni oppresseur ni opprimé, la victoire du prolétariat est, bien entendu, une condition préalable indispensable –car elle permet la libération de la dernière classe opprimée- mais elle ne peut être qu’une condition préalable, un fait négatif. Pour que s’accomplisse cette ère de liberté il est nécessaire, au-delà des simples constations de faits sociologiques et des lois (dont il ne peut pas découler) de vouloir ce nouveau monde : le monde démocratique. Cependant, cette volonté –justement parce qu’elle ne découle d’aucune constatation de fait sociologique- est un élément si essentiel de l’optique socialiste, qu’elle ne peut en être écartée sans le risque de faire écrouler tout l’édifice. Car c’est cette volonté-là qui fait du prolétariat le porteur de la rédemption sociale de l’humanité, qui en fait la classe messie de l’histoire du monde. »

    « Si Engels voyait dans le prolétariat l’héritier de la philosophie classique allemande, il le fit à juste titre, car ainsi se changea enfin en action l’idéalisme éthique de Kant et Fichte qui supprimait tout attachement terrestre et qui voulait arracher de ses gonds –métaphysiquement- l’ancien monde. Ainsi seulement a pu devenir action ce qui n’était chez eux que pensée ; ainsi a pu se diriger droit vers le but ce qui, chez Schelling, s’écarta de la voie du progrès par l’esthétique, et chez Hegel par la théorie de l’Etat, pour devenir en fin de compte réactionnaire. »

    « Toute question importante [est] de nature éthique. »

    « Le dilemme éthique vient du fait que chaque attitude recèle en elle la possibilité de crimes effroyables et d’erreurs incommensurables, mais ils devront être assumées en tout conscience et en toute responsabilité par celui qui se sent obligé de choisir. […] Peut-on atteindre ce qui est bon par des procédés mauvais, peut-on atteindre la liberté par la voie de l’oppression ? »

    « Le bolchevisme repose sur l’hypothèse métaphysique suivante : le bien peut sortir du mal […]. L’auteur de ces lignes est incapable de partager cette foi, et c’est pourquoi il voit un dilemme moral insoluble dans la racine même de l’attitude bolchevique, alors que la démocratie –croit-il- n’exige de ceux qui veulent la réaliser jusqu’au bout consciemment et honnêtement, qu’une renonciation surhumaine et le sacrifice de soi. »
    -Gyorgy von Lukàcs, Le bolchevisme comme problème moral (1918).

    « La philosophie de la lutte de classe n’a jamais fait de sentiment, et n’a jamais fait de ceux qui sont tombés pour elle des martyrs. Elle exigeait simplement de chacun de ses combattants le sacrifice complet de lui-même, comme un devoir simple et allant de soi. »

    « Le caractère impitoyable de la lutte de classes ne fait que se renforcer encore. À présent, c’est de la victoire finale qu’il est question, de l’anéantissement de la classe bourgeoise. C’est la raison pour laquelle la lutte de classe à nu, ne connaissant pas de pitié, se manifeste avec plus de vigueur qu’à l’époque de l’oppression. La lutte de classe représentait alors une légitime défense contre un ennemi supérieur en force. A présent, elle revêt un caractère offensif. A présent, il s’agit d’anéantir définitivement l’ennemi vaincu. Nous n’avons pas le droit de nous arrêter à mi-chemin dans cette lutte finale. »

    « L’élimination radicale des différences de classe n’a de sens que si elle entraîne la disparition de la vie communautaire des hommes de tout ce qui les séparait les uns des autres, de toute hostilité, de toute haine, de toute envie et de tout orgueil, en un mot, si la société sans classes est une société de l’amour et de la compréhension réciproques. »
    -Le fondement moral du communisme. Texte du discours prononcé par Gyorgy Lukács à l’occasion du Congrès des Jeunesses Ouvrières, Az Ifju Proletar [Le Jeune Prolétaire] 13 avril 1919.

    « C’est seulement au sein de la classe prolétarienne que la solidarité, la soumission aux intérêts communautaires des penchants et des passions de l’individu coïncident avec l’intérêt individuel bien compris. Ainsi, la possibilité sociale est donnée de voir tous les individus faisant partie de la classe prolétarienne se soumettre volontairement à ce que demandent les intérêts de sa classe, sans préjudice aucun de ses intérêts individuels. »

    « C’est la morale de classe qui jette un pont par-dessus le fossé séparant l’action fondée sur l’intérêt égoïste de celle qui est fondée sur la morale pure. »

    « Il n’est besoin de contrainte au sein de la classe ouvrière que dans la mesure où les individus composant la classe ouvrière ne sont pas capables d’agir comme le commandent leurs propres intérêts ou n’y sont pas disposés. »
    -Gyorgy Lukács, Le rôle de la morale dans la production communiste, Szocialis Termelés [Production Sociale] 20 juillet 1919.

    « La volonté […] est partie intégrante de la situation « mûre » au moins autant que le sont les conditions objectives. »

    « Le dilemme éthique vient du fait que chaque attitude recèle en elle la possibilité de crimes effroyables et d’erreurs incommensurables, mais ils devront être assumées en tout conscience et en toute responsabilité par celui qui se sent obligé de choisir. […] Peut-on atteindre ce qui est bon par des procédés mauvais, peut-on atteindre la liberté par la voie de l’oppression ? »
    -Gyorgy von Lukàcs, Le bolchevisme comme problème moral (1918).

    « L’individu devrait agir comme si le tournant du destin du monde dépendait de son action ou de son inaction. »

    « En éthique il n’y a pas de neutralité ou d’impartialité ; celui qui ne veut agir doit aussi pouvoir répondre de son inaction devant sa conscience morale. […] Moralement personne ne peut se dérober à la responsabilité en alléguant qu’il n’est qu’un individu dont ne dépend pas le destin du monde. »

    « La réflexion éthique montre […] qu’il existe des situations –des situations tragiques- dans lesquelles il est impossible d’agir sans se rendre coupable d’une faute. »

    « Chacun [parmi les intellectuels et petits-bourgeois] détient la possibilité de sortir par son travail de ses conditions d’existence comme demi-prolétaire pour accéder aux classes dominantes du capitalisme, dès lors qu’il sert la puissance de ces classes, ses intérêts matériels ou idéologiques ou ses besoins de luxe. »

    « Le processus de prise de conscience exerce un effet positif sur l’évolution elle-même. »

    « Dans la mesure où la connaissance, en tant qu’elle est la conscience de l’objet connu, donne à l’évolution de l’objet, déterminée par des lois, une force et une certitude plus grandes que cela n’aurait été possible sans elle, elle s’est déjà adaptée de la manière la plus immédiate et pratique, à la transformation de la vie par l’action. »

    « La théorie ne peut être révolutionnaire que si elle dépasse la différence entre théorie et praxis, si le simple fait de penser correctement suscite un changement essentiel dans l’objet sur lequel porte la pensée, si la réalisation conséquente de la pensée correcte a pour effet la transformation de la réalité. »
    -Gyorgy Lukàcs, Tactique et Éthique (1919).

    « Toute citation est en même temps une interprétation. »

    « Si ces essais fournissent le commencement, ou même seulement l'occasion, d'une discussion réellement fructueuse de la méthode dialectique, d'une discussion qui fasse à nouveau prendre universellement conscience de l'essence de cette méthode, ils auront entièrement accompli leur tâche. »

    « L'orthodoxie en matière de marxisme se réfère bien au contraire et exclusivement à la méthode. Elle implique la conviction scientifique qu'avec le marxisme dialectique a été trouvée la méthode de recherche juste. »

    « La dialectique est un processus constant de passage fluide d'une détermination dans l'autre, un permanent dépassement des contraires, qu'elle est leur passage de l'un dans l'autre ; que, par conséquent, la causalité unilatérale et rigide doit être remplacée par l'action réciproque. »

    « Pour la méthode dialectique la transformation de la réalité constitue le problème central. »

    « Engels - suivant le mauvais exemple de Hegel - a étendu la méthode dialectique à la connaissance de la nature ; alors que les déterminations décisives de la dialectique : action réciproque du sujet et de l'objet, unité de la théorie et de la praxis, modification historique du substrat des catégories comme fondement de leur modification dans la pensée, etc., ne se retrouvent pas dans la connaissance de la nature. »

    « Toute connaissance de la réalité part des faits [mais] les faits sont saisis à partir d'une théorie, d'une méthode ».

    « Le caractère non-scientifique de cette méthode apparemment si scientifique réside donc en ceci qu'elle ne s'aperçoit pas du caractère historique des faits qui lui servent de base et néglige ce caractère historique. »

    « La méthode des sciences de la nature, qui constitue l'idéal méthodologique de toute science réflexive et de tout révisionnisme, ne connaît pas de contradiction, d'antagonisme, dans son objet

    « Que cette éternisation du capitalisme ait lieu à partir du fondement économique ou des formations idéologiques, qu'elle se fasse naïvement et innocemment ou bien avec un raffinement critique, quant à l'essentiel, cela revient au même. »

    « Il existe aussi une action réciproque lorsque, par exemple, une boule de billard immobile est heurtée par une autre boule en mouvement ; la première se met en branle ; l'autre modifiera sa propre direction en conséquence du choc, et ainsi de suite. L'action réciproque dont nous parlons ici doit aller au-delà de l'action réciproque d'objets par ailleurs immuables, elle ne va effectivement au-delà que dans son rapport avec le tout ; le rapport au tout devient la détermination conditionnant la forme d'objectivité de tout objet ; tout changement essentiel et important pour la connaissance se manifeste en tant que changement du rapport au tout et par cela même comme changement de la forme d'objectivité elle-même. Marx a exprimé cette pensée en d'innombrables passages. Je cite seulement un des textes les plus connus : « Un nègre est un nègre, c'est dans certaines conditions seulement qu'il devient un esclave. Une machine à tisser le coton est une machine à tisser le coton ; c'est dans certaines conditions seulement qu'elle devient capital. Séparée de ces conditions elle est aussi peu capital que l'or n'est en soi de l'argent ou le sucre prix du sucre ». »

    « Le mouvement de la société humaine elle-même peut enfin être saisi avec ses lois internes, à la fois comme produit des hommes eux-mêmes et comme produit des forces qui ont surgi de leurs relations et ont échappé à leur contrôle. »

    « L'unité de la théorie et de la praxis n'est donc que l'autre face de la situation sociale et historique du prolétariat ; du point de vue du prolétariat, connaissance de soi-même et connaissance de la totalité coïncident, il est en même temps sujet et objet de sa propre connaissance. »

    « La méthode dialectique chez Marx vise à la connaissance de la société comme totalité. […] Pour le marxisme il n'y a donc pas, en dernière analyse, de science juridique, d'économie politique, d'histoire, etc., autonomes ; il y a seulement une science, historique et dialectique, unique et unitaire, du développement de la société comme totalité. »

    « Quelque sujet que la méthode dialectique traite, cela tourne toujours autour du même problème : la connaissance de la totalité du processus historique. Les problèmes « idéologiques » et « économiques » ne sont donc plus pour elle rigidement étrangers l'un à l'autre mais se confondent l'un avec l'autre. »

    « Le prolétariat, sujet de la pensée de la société, disloque d'un seul coup le dilemme de l'impuissance, c'est-à-dire le dilemme du fatalisme des lois pures et de l'éthique des intentions pures. »

    « L’aspect pratique, actif, de la conscience de classe, son essence vraie, ne peut devenir visible dans sa forme authentique que lorsque le processus historique exige impérieusement son entrée en vigueur, lorsqu'une crise aiguë de l'économie la porte à l'action. »

    « La conscience de classe est l' « éthique » du prolétariat, l'unité de sa théorie et de sa praxis est le point où la nécessité économique de sa lutte émancipatrice se transforme dialectiquement en liberté. »

    « Ce qu'ils appellent une croyance et qu'ils cherchent à rabaisser en le qualifiant de « religion », n'est que la certitude du déclin du capitalisme, la certitude de la victoire finale de la révolution prolétarienne. Il ne peut y avoir de garant « matériel » de cette certitude. Elle ne nous est garantie que méthodologiquement - par la méthode dialectique. Et cette garantie aussi ne peut être éprouvée et acquise que par l'action, par la révolution elle-même, par la vie et la mort pour la révolution. Il n'y a pas plus de marxiste en chambre, pratiquant l'objectivité érudite qu'il n'y a d'assurance, garantie par « des lois de la nature », du triomphe de la révolution mondiale. »

    « De même que le prolétariat comme classe ne peut conquérir et garder sa conscience de classe, s'élever au niveau de sa tâche historique - objectivement donnée - que dans le combat et l'action, de même le parti et le militant individuel ne peuvent s'approprier réellement leur théorie que s'ils sont en état de faire passer cette unité dans leur praxis. »

    « L'unité de la victoire et de la défaite, du destin individuel et du processus d'ensemble ont constitué le fil directeur de la théorie de Rosa Luxembourg et de sa conduite ; c'est le signe de l'unité de la théorie et de la praxis dans son œuvre et sa vie. »

    « Dans l'esprit du marxisme, la division de la société en classes doit être définie par leur place dans le processus de production. Que signifie alors la conscience de classe ? La question se subdivise aussitôt en une série de questions partielles, étroitement liées entre elles : l• Que faut-il entendre (théoriquement) par conscience de classe ? 2• Quelle est la fonction de la conscience de classe ainsi comprise (pratiquement) dans la lutte de classes elle-même ? Cela se relie à la question suivante : s'agit-il, avec la question de la conscience de classe, d'une question sociologique « générale » ou bien cette question a-t-elle pour le prolétariat une tout autre signification que pour toutes les autres classes apparues jusqu'ici dans l'histoire ? Et finalement : l'essence et la fonction de la conscience de classe forment-elles une unité, ou bien peut-on aussi y distinguer des gradations et des couches ? Si oui, quelle est leur signification pratique dans la lutte de classe du prolétariat ? »

    « L'essence du marxisme scientifique consiste à reconnaître l'indépendance des forces motrices réelles de l'histoire par rapport à la conscience (psychologique) que les hommes en ont. »

    « La pensée bourgeoise doit cependant se heurter à une barrière infranchissable, puisque son point de départ et son but sont toujours, même inconsciemment, l'apologie de l'ordre de choses existant ou, au moins, la démonstration de son immuabilité. « Ainsi, il y a eu de l'histoire, mais il n'y en a plus », dit Marx, en parlant de l'économie bourgeoise ; et cette affirmation vaut pour toutes les tentatives de la pensée bourgeoise pour maîtriser le processus historique par la pensée. »

    « Le destin d'une classe dépend de sa capacité, dans toutes ses décisions pratiques, à voir clairement et à résoudre les problèmes que lui impose l'évolution historique. »

    « La bourgeoisie confère d'une part à l'individualité une importance toute nouvelle et par ailleurs, supprime toute individualité par les conditions économiques de cet individualisme, par la réification que crée la production marchande. Toutes ces contradictions, dont la série n'a pas du tout été épuisée par ces exemples, mais pourrait au contraire être poursuivie à l'infini, ne sont qu'un reflet des contradictions profondes du capitalisme lui-même. »

    « Percevoir, derrière les phénomènes superficiels, les véritables forces motrices »

    « Une condition inéluctable du maintien du régime bourgeois est que les autres classes se fassent illusion, en restent à une conscience de classe confuse. (Que l'on pense à la doctrine de l'État comme étant « au-dessus » des oppositions de classes, à la justice « impartiale », etc.) Pour la bourgeoisie aussi c'est cependant une nécessité vitale de masquer l'essence de la société bourgeoise. »

    « La combativité d'une classe est d'autant plus grande qu'elle a meilleure conscience. »

    « L'histoire idéologique de la bourgeoisie n'est […] qu'une lutte désespérée pour ne pas voir l'essence véritable de la société créée par elle. »

    « Toute l'existence de la classe bourgeoise et son expression, la culture, sont entrées dans une très grave crise. […] Cette crise idéologique est un signe de décadence qui ne trompe pas. »

    « La vérité est, pour le prolétariat, une arme apportant la victoire. »

    « La « fausse conscience » de la bourgeoisie, par laquelle elle se trompe elle-même, est au moins, malgré toutes les contradictions dialectiques et sa fausseté objective, en accord avec sa situation de classe. »

    « Quand la crise économique finale du capitalisme a commencé, le destin de la révolution (et avec elle celui de l'humanité) dépend de la maturité idéologique du prolétariat, de sa conscience de classe. »

    « Le prolétariat ne peut se libérer comme classe qu'en supprimant la société de classes en général. »

    « Il est de l'essence de toute lutte économique de se transformer en lutte politique. »

    « La solution elle-même ne peut être que le fruit de l'action consciente du prolétariat. »

    « La source de tout opportunisme, c'est justement de partir des effets et non des causes, des parties et non du tout, des symptômes et non de la chose même. »

    « Quand la pensée bourgeoise « change les différentes parties de la société en autant de sociétés à part », elle commet certes une lourde erreur théorique, mais les conséquences pratiques de cette théorie erronée correspondent entièrement aux intérêts de classe capitalistes. »

    « Quand la critique ne dépasse pas la simple négation d'une partie, quand, au moins, elle ne tend pas vers la totalité, alors, elle ne peut pas dépasser ce qu'elle nie. »

    « La conscience réifiée reste nécessairement prisonnière, dans la même mesure et de façon aussi désespérée, dans les extrêmes de l'empirisme grossier et de l'utopisme abstrait. Ou bien la conscience devient ainsi le spectateur entièrement passif du mouvement des choses soumis à des lois et dans lequel on ne peut en aucun cas intervenir ; ou bien elle se considère comme une puissance qui peut maîtriser à son gré - subjectivement - le mouvement des choses, en soi dénué de sens. »

    « Il y a des couches du prolétariat qui ont un instinct de classe entièrement correct pour leur lutte économique, qui peuvent même l'élever à la conscience de classe et qui en restent en même temps, quant à l'État, à un point de vue parfaitement utopique. »

    « Stratifications dans le prolétariat. »

    « L'organe de lutte de l'ensemble du prolétariat [est] le conseil ouvrier. »

    « Le conseil ouvrier révolutionnaire […] est une des formes pour lesquelles la conscience de la classe prolétarienne a lutté inlassablement depuis sa naissance. Son existence, son continuel développement, montrent que le prolétariat est déjà au seuil de sa propre conscience et, par suite, au seuil de la victoire. »

    « Le prolétariat ne s'accomplit qu'en se supprimant, qu'en menant jusqu'au bout sa lutte de classe et en instaurant ainsi la société sans classes. »

    « À cette étape de l'évolution de l'humanité, il n'y a pas de problème qui ne renvoie en dernière analyse à cette question et dont la solution ne doive être cherchée dans la solution de l'énigme de la structure marchande. »

    « La question de l'étendue du trafic marchand comme forme dominante des échanges organiques dans une société, ne se laisse donc pas traiter-en suivant les habitudes de pensée modernes, déjà réifiées sous l'influence de la forme marchande dominante - comme une simple question quantitative. La différence entre une société où la forme marchande est la forme qui domine et exerce une influence décisive sur toutes les manifestations de la vie, et une société où elle ne fait que des apparitions épisodiques, est bien plutôt une différence qualitative. »

    « Dans toute son organisation, la production elle-même a pour but la valeur d'usage et non pas la valeur d'échange ; et ce n'est que parce qu'elle dépasse la quantité nécessaire à la consommation que les valeurs d'usage cessent ici d'être des valeurs d'usage pour devenir des moyens d'échange, des marchandises. »

    « Si l'on suit le chemin que l'évolution du processus du travail parcourt depuis l'artisanat, en passant par la corporation et la manufacture, jusqu'au machinisme industriel, on y voit une rationalisation sans cesse croissante, une élimination toujours plus grande des propriétés qualitatives, humaines et individuelles du travailleur. »

    « En conséquence de la rationalisation du processus du travail, les propriétés et particularités humaines du travailleur apparaissent de plus en plus comme de simples sources d'erreurs, face au fonctionnement calculé rationnellement d'avance de ces lois partielles abstraites. L'homme n'apparaît, ni objectivement ni dans son comportement à l’égard du processus du travail, comme le véritable porteur de ce processus, il est incorporé comme partie mécanisée dans un système mécanique qu'il trouve devant lui, achevé et fonctionnant dans une totale indépendance par rapport à lui, aux lois duquel il doit se soumettre. »

    « Les objets répondant à la satisfaction des besoins n'apparaissent plus comme les produits du processus organique de la vie d'une communauté (comme par exemple dans une communauté villageoise), mais comme autant d'exemplaires abstraits d'une espèce (qui ne sont pas différents par principe d'autres exemplaires de leur espèce) et comme des objets isolés dont la possession ou la non-possession dépend de calculs rationnels. »

    « L'atomisation de l'individu n'est donc que le reflet, dans la conscience, de ce fait que les « lois naturelles » de la production capitaliste ont embrassé l'ensemble des manifestations vitales de la société et que - pour la première fois dans l'histoire - toute la société est soumise (ou tend au moins à être soumise) à un processus économique formant une unité, que le destin de tous les membres de la société est mû par des lois formant une unité. (Alors que les unités organiques des sociétés précapitalistes opéraient leurs échanges organiques de façon largement indépendante les unes par rapport aux autres.) »

    « De même que le système capitaliste se produit et se reproduit- sans cesse économiquement à un niveau plus élevé, de même, au cours de l'évolution du capitalisme, la structure de réification s'enfonce de plus en plus profondément, fatalement, constitutivement, dans la conscience des hommes. »

    « L' « absence de conviction » des journalistes, la prostitution de leurs expériences et de leurs convictions personnelles ne peut se comprendre que comme le point culminant de la réification capitaliste. »

    « La spécialisation dans l'accomplissement du travail fait disparaître toute image de la totalité. »

    « La crise est le problème qui oppose à la pensée économique de la bourgeoisie une barrière infranchissable. […] L'incompréhensibilité de la crise, son irrationalité, sont certes une conséquence de la situation et des intérêts de classe de la bourgeoisie, mais elles sont aussi, formellement, la conséquence nécessaire de sa méthode économique. »

    « La philosophie moderne se pose le problème suivant : ne plus accepter le monde comme quelque chose qui a surgi indépendamment du sujet connaissant (qui a, par exemple, été créé par Dieu), mais le concevoir bien plutôt comme le propre produit du sujet. »

    « Le processus dialectique, la dissolution de l'opposition figée entre des formes figées, se déroule essentiellement entre le sujet et l'objet. »

    « La seule façon de sortir de cette immédiateté, c'est la genèse, la « production » de l'objet. »

    « Genèse en pensée et genèse historique coïncident. »

    « Le paysage ne commence à être paysage que dans une distance déterminée par rapport à l'observateur, très différente selon les cas, bien sûr ; car l'observateur ne peut avoir avec la nature cette relation de paysage que comme observateur spatialement séparé. »

    « Dépasser l'expérience ne peut au contraire signifier que ceci : les objets de l'expérience elle-même sont saisis et compris comme des moments de la totalité, c'est-à-dire comme des moments de l'ensemble de la société en plein bouleversement historique. »

    « L’essence de la méthode dialectique consiste […] en ce que dans tout moment saisi de façon dialectiquement correcte, la totalité entière est contenue et qu'à partir de tout moment on peut développer la méthode entière. »

    « La structure fondamentale de la réification peut être saisie dans toutes les formes sociales du capitalisme moderne. »

    « Si, par exemple, la théorie de la tragédie, depuis Aristote jusqu'aux théoriciens de l'époque de Corneille, et le théâtre tragique dans tout le cours de l'évolution considèrent les conflits familiaux comme le sujet le plus approprié à la tragédie, il y a, derrière cette conception et indépendamment de l'avantage technique résidant dans la concentration des évènements qui est ainsi obtenue, le sentiment que les grands bouleversements sociaux s'y manifestent avec une clarté sensible et pratique qui permet de leur donner forme, tandis qu'il est impossible, subjectivement comme objectivement, de saisir leur essence. de comprendre leurs fondements et leur signification. C'est ainsi qu'Eschyle ou Shakespeare nous donnent dans leurs tableaux de famille des images si pénétrantes et si justes de bouleversements sociaux de leur époque qu'il ne nous est devenu possible que maintenant, avec l'aide du matérialisme historique, d'avoir une approche théorique de cette vision imagée. »

    « La nécessité dialectique n'est cependant pas identique à la nécessité causale et mécanique. À la suite du passage cité plus haut, Marx dit : la classe ouvrière « n'a qu'à mettre (souligné par moi) en liberté les éléments de la société nouvelle qui sont déjà développés au sein de la société bourgeoise en voie d'effondrement ». À la simple contradiction, au produit des lois automatiques de l'évolution capitaliste, doit donc s'ajouter quelque chose de nouveau : la conscience du prolétariat devenant action. La simple contradiction s'élevant ainsi à la contradiction consciemment dialectique, la prise de conscience devenant le point pratique de transition, l'essence spécifique, déjà souvent mentionnée, de la dialectique prolétarienne, se révèle alors encore plus concrètement : comme la conscience n'est pas ici la conscience portant sur un objet qui lui est opposé, mais la conscience de soi de l'objet, l'acte de prise de conscience bouleverse la forme d'objectivité de son objet. »

    « Il peut être impossible, selon Héraclite, de se baigner deux fois dans le même fleuve ; mais comme le changement éternel lui-même ne devient pas, mais est, c'est-à-dire ne produit rien de qualitativement nouveau, ce n'est un devenir que par rapport à l'être figé des choses particulières. En tant que doctrine de la totalité, le devenir éternel apparaît quand même comme une doctrine de l'être éternel, et derrière le fleuve qui s'écoule, se trouve une essence immuable, même si son mode essentiel s'exprime dans le changement ininterrompu des choses particulières. Au contraire, le processus dialectique chez Marx transforme les formes d'objectivité des objets eux-mêmes en un processus, en un fleuve. Dans le simple processus de la reproduction du capital, cette nature essentielle du processus qui bouleverse les formes d'objectivité apparaît tout à fait clairement. La simple « répétition ou continuité imprime au processus des caractères tout nouveaux ou plutôt dissout les aspects illusoires d'un déroulement morcelé ». Car « abstraction faite de toute accumulation proprement dite, la simple continuité du processus de production ou la reproduction simple suffit donc pour transformer tôt ou tard tout capital en capital accumulé ou en plus-value capitalisée. Ce capital, fût-il même, à son entrée dans le processus de production, acquis par le travail personnel de l'entrepreneur, devient, après une période plus ou moins longue, valeur acquise sans équivalent, matérialisation du travail d'autrui non payé ». La reconnaissance que les objets sociaux ne sont pas des choses mais des relations entre hommes aboutit donc à leur complète dissolution en processus. »

    « Dans la société capitaliste le passé règne sur le présent. »

    « L'embourgeoisement de la pensée  social-démocrate se montre toujours de la manière la plus claire dans l'abandon de la méthode dialectique. Déjà dans les débats avec Bernstein, il est apparu que l'opportunisme doit toujours se placer sur le « terrain des faits » pour, à partir de là, soit ignorer les tendances de l'évolution, soit les rabaisser jusqu'au niveau d'un impératif subjectif et éthique. Les multiples malentendus dans les débats sur l’accumulation peuvent aussi être ramenés méthodologiquement à ce point. Rosa Luxembourg, en authentique dialecticienne, a saisi l'impossibilité d'une société capitaliste pure en tant que tendance de l'évolution ; tendance qui a pour conséquence nécessaire de déterminer de façon décisive les actions des hommes, sans qu'ils en aient conscience, bien longtemps avant d'être elle-même devenue un « fait ». »

    « Dans la saisie des « faits » s'exprime, encore plus clairement que dans la saisie des « lois » ordonnant les faits, la tendance fixiste et statique de la pensée réifiée. Si l'on peut encore découvrir dans les « lois » une trace de l'activité humaine elle-même, quoique cela s'exprime souvent dans une subjectivité fausse et réifiée, l'essence de l'évolution capitaliste, rendue étrangère à l'homme, figée, transformée en chose impénétrable, se cristallise dans le « fait » sous une forme faisant de cette fixité et de cette aliénation le fondement le plus évident, le plus indubitable, de la réalité et de la conception du monde. »

    « Le processus d'ensemble, dans lequel l'essence de processus s'affirme sans falsification et dont l'essence n'est obscurcie par aucune fixation chosiste, représente par rapport aux faits la réalité supérieure et authentique. »

    « La réification est ainsi poussée dans ces formes à son point culminant : elle ne renvoie même plus dialectiquement au-delà d'elle-même. »

    « L'histoire est […] d'une part le produit, évidemment inconscient jusqu'ici, de l'activité des hommes eux-mêmes, d'autre part la succession des processus dans lesquels les formes de cette activité, les relations de l'homme avec lui-même (avec la nature et avec les autres hommes) se transforment. »

    « L’histoire consiste précisément en la dégradation de toute fixation en illusion. »

    « La « relativisation » de la vérité chez Hegel signifie que le moment supérieur est toujours la vérité du moment inférieur dans le système. »

    « La religion, dit Marx dans la Critique de la philosophie du droit de Hegel, « est la réalisation imaginaire de l'essence humaine, parce que l'essence humaine ne possède pas de réalité vraie ». […] La révolution sociale réelle ne peut être que la transformation de la vie concrète et réelle de l'homme. […] Les sectes révolutionnaires devaient nécessairement passer à côté de cette question, parce que cette transformation de la vie, bien plus, cette problématique elle-même étaient objectivement impossibles dans leur situation historique. »

    « La pure « liberté intérieure » présuppose l'immuabilité du monde extérieur. »

    « Et ainsi prend naissance cette situation paradoxale […] dans laquelle le monde mythique, le monde de projection, semble être plus proche de la conscience que la réalité immédiate. »

    « Déjà la séparation mécanique de l'économie et de la politique doit rendre impossible toute action réellement efficace visant la totalité de la société qui repose sur une interaction ininterrompue de ces deux moments se conditionnant l'un l'autre. De plus, le fatalisme économique interdit toute action énergique sur le terrain économique, tandis que l'utopisme étatique oriente vers l'attente du miracle ou vers une aventureuse politique d'illusions. »

    « L'évolution de la social-démocratie révèle toujours davantage cette décomposition de l'unité dialectique pratique en une juxtaposition inorganique d'empirisme et d'utopisme, collant d'une part aux « faits » (dans leur immédiateté insurmontée) et, se perdant d'autre part dans un illusionnisme vide et étranger au présent et à l'histoire. »

    « Cela correspond parfaitement aux intérêts de classe de la bourgeoisie que de juxtaposer les sphères particulières de l'existence sociale et de morceler l'homme conformément à leur séparation. La dualité qui se manifeste ici entre le fatalisme économique et l'utopisme « éthique » concernant les fonctions « humaines » de l'État (dualité qui, exprimée en d'autres termes, fonde l'attitude de la social-démocratie, quant à l'essence) signifie que le prolétariat s'est placé sur le terrain des conceptions bourgeoises et, sur ce terrain, la bourgeoisie doit naturellement conserver sa supériorité. »

    « C'est seulement quand l'homme est capable de saisir le présent comme devenir en y reconnaissant les tendances dont l'opposition dialectique lui permet de créer le futur, que le présent, le présent comme devenir, devient son présent. Celui-là seul qui a vocation et volonté de faire naître le futur, peut voir la vérité concrète du présent. »

    « Si le futur à faire naître et qui n'a pas encore surgi, si l'élément nouveau dans les tendances en voie de réalisation (avec notre aide consciente), est la vérité du devenir, la question de la pensée comme reflet apparaît totalement dénuée de sens. Le critère de la justesse de la pensée, c'est bien la réalité. Mais celle-ci n'est pas, elle devient - non sans que la pensée y contribue. Ainsi se réalise le programme de la philosophie classique. »

    « Toute attitude contemplative et purement cognitive se trouve en dernière analyse dans un rapport dualiste avec son objet. […] Car toute attitude purement cognitive est entachée d'immédiateté ; autrement dit, elle se trouve en dernière analyse face à une série d'objets achevés qui ne peuvent être dissous en processus. »

    « La victoire que le prolétariat a remportée lui impose la tâche évidente de perfectionner jusqu'aux limites du possible les armes intellectuelles qui lui ont permis jusqu'ici de soutenir sa lutte de classe avec succès. Parmi ces armes se trouve naturellement, au premier rang, le matérialisme historique.
    Le matérialisme historique fut pour le prolétariat, au temps de son oppression, un des plus énergiques moyens de lutte et il est naturel qu'il l'apporte avec lui en entrant dans une époque où il s'apprête à construire à neuf la société et, dans celle-ci, la culture. Pour cette raison déjà, il fallait créer cet Institut dont la tâche est d'appliquer la méthode du matérialisme historique à la totalité de la science de l'histoire. […] Le moment n'est venu que maintenant de développer le matérialisme historique en méthode scientifique, parce que, justement, le prolétariat s'est emparé du pouvoir ; et avec le pouvoir il dispose des forces physiques et intellectuelles sans lesquelles ce but ne peut pas être atteint, forces que l'ancienne société n'aurait jamais mises à son service
    . »

    « Le matérialisme historique a donc constamment été utilisé dans la lutte de classe du prolétariat, chaque fois que la bourgeoisie voilait et enjolivait la situation réelle, l'état de la lutte des classes, de toutes sortes d'éléments idéologiques, pour transpercer ces voiles avec la froide lumière de la science et montrer qu'ils étaient faux, qu'ils induisaient en erreur et contredisaient la vérité. Aussi la fonction la plus haute du matérialisme historique ne pouvait-elle pas résider dans la pure connaissance scientifique, mais dans le fait qu'il était action. »

    « La survie de la bourgeoisie a pour condition qu'elle ne parvienne jamais à une compréhension claire des conditions de sa propre existence. »

    « Une situation a surgi qui ne peut être résolue que par la violence. »

    « On oublie que la naissance, la consolidation de cet ordre de production, ont été le fruit de la violence « extérieure à l'économie » la plus brutale, la plus grossière et la plus directe. »

    « De même que les systèmes de production déterminent l'essence des classes, de même les contradictions qui en surgissent déterminent le genre de la violence nécessaire à la transformation. « Car, comme le dit Hegel, les armes ne sont rien d'autre que l'essence des combattants eux-mêmes ». »

    « Il faut prendre pratiquement au sérieux, dans le tournant révolutionnaire critique, la catégorie de la nouveauté radicale, du renversement de la structure économique, du changement d'orientation du processus, autrement dit, la catégorie du saut. »

    « Cette violence n'est rien d'autre que la volonté devenue consciente, chez le prolétariat, de se supprimer lui-même - et de supprimer en même temps la domination asservissante des relations réifiées sur les hommes, la domination de l'économie sur la société. Cette suppression, ce saut, sont un processus. »

    « Pour l'étude de la légalité et de l'illégalité dans la lutte de classe du prolétariat, comme de toute question relative aux formes de l'action, les motivations et les tendances qui se manifestent sont plus importantes et plus révélatrices que les faits bruts. »

    « La violence organisée s'accorde tellement avec les conditions de vie des hommes, ou se présente à eux avec une supériorité apparemment si insurmontable, que ceux-ci l'éprouvent comme une force de la nature ou comme l'environnement nécessaire de leur existence, et par suite se soumettent volontairement à elle (cela ne veut nullement dire qu'ils sont d'accord avec elle). Autant en effet une violence organisée ne peut subsister que si elle peut, aussi souvent qu'il le faut, s'imposer en tant que violence à la volonté récalcitrante d'individus ou de groupes, autant elle ne pourrait en aucune façon subsister si elle devait en toute occasion se manifester comme violence. Quand cette dernière nécessité se fait sentir, la révolution est déjà donnée comme fait ; la violence organisée est déjà en contradiction avec les fondements économiques de la société, et cette contradiction se reflète dans la tête des hommes, de sorte que, ne voyant plus dans l'ordre établi une nécessité naturelle, ils opposent à la violence une autre violence. […] La modification d'une forme organisée de la violence ne devient possible que lorsque la croyance à l'impossibilité d'un autre ordre que l'ordre établi est déjà ébranlée, aussi bien chez les classes dominantes que chez les classes dominées. »

    « La grande différence entre marxistes révolutionnaires et opportunistes pseudo-marxistes est que, pour les premiers, l'État capitaliste n'est pris en considération que comme facteur de puissance, contre lequel la puissance du prolétariat organisé doit être mobilisée, tandis que les seconds conçoivent l'État comme une institution au-dessus des classes, dont la conquête est l'enjeu de la lutte de classe du prolétariat et de la bourgeoisie. Mais en concevant l'État comme l'objet du combat et non comme un adversaire dans la lutte, ces derniers se sont déjà, en esprit, placés sur le terrain de la bourgeoisie : ils ont ainsi à demi perdu la bataille, avant même de l'avoir commencée. »

    « La crise du capitalisme cesse d'être un simple enseignement de l'analyse marxiste pour devenir une réalité tangible. »

    « Une classe habituée traditionnellement depuis de nombreuses générations à commander et à jouir de privilèges ne pourra jamais s'accommoder aisément du fait brut d'une défaite et supporter patiemment et sans plus le nouvel ordre de choses. »

    « L’organisation est la forme de médiation entre la théorie et la pratique. »
    -Gyorgy von Lukàcs, Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste (1922).


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

    Johnathan R. Razorback
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    Notes sur Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste é autres textes de Gyorgy von Lukàcs Empty Re: Notes sur Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste é autres textes de Gyorgy von Lukàcs

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 20 Fév - 15:09

    « Le caractère fétichiste des formes économiques, la réification de toutes les relations humaines, l'extension croissante d'une division du travail qui atomise abstraitement et rationnellement le processus de production sans se soucier des possibilités et des capacités humaines des producteurs immédiats, transforme les phénomènes de la société et avec eux leur perception. Des faits « isolés » surgissent, des ensembles de faits isolés, des secteurs particuliers ayant leurs propres lois (théorie économique, droit, etc.), qui semblent être déjà, dans leur apparence immédiate, largement élaborés pour une telle étude scientifique. Si bien qu'il peut sembler particulièrement « scientifique » de pousser jusqu'au bout et d'élever au niveau d'une science cette tendance déjà inhérente aux faits eux-mêmes. Tandis que la dialectique qui - par opposition à ces faits et à ces systèmes partiels isolés et isolants - insiste sur l'unité concrète du tout et démasque cette illusion en tant qu'illusion, produite nécessairement par le capitalisme, fait l'effet d'une simple construction. »
    « [Les] faits sont, en effet (comme produits de l'évolution historique), non seulement impliqués dans un continuel changement, mais encore, ils sont - précisément dans la structure de leur objectivité - des produits d'une époque historique déterminée : celle du capitalisme. En conséquence, cette « science », qui reconnaît, comme fondement de la valeur scientifique, la façon dont les faits sont immédiatement donnés, et comme point de départ de la conceptualisation scientifique, leur forme d'objectivité, cette science se place tout simplement et dogmatiquement sur le terrain de la société capitaliste, acceptant sans critique son essence, sa structure d'objet, ses lois, comme un fondement immuable de la « science ». »
    « Il s'agit donc d'une part de détacher les phénomènes de leur forme donnée immédiate, de trouver les médiations par lesquelles ils peuvent être rapportés à leur noyau et à leur essence et saisis en leur essence même et, d'autre part, d'atteindre à la compréhension de ce caractère phénoménal, de cette apparence phénoménale, considérée comme leur forme d'apparition nécessaire. Cette forme d'apparition est nécessaire en raison de leur essence historique, en raison du fait qu'ils ont poussé sur le terrain de la société capitaliste. Cette double détermination, cette reconnaissance et ce dépassement simultané de l'être immédiat, est justement la relation dialectique. »
    « L'affirmation de Marx, « les rapports de production de toute société forment un tout », est le point de départ méthodologique et la clef de la connaissance historique des rapports sociaux. »
    « La méthode des sciences de la nature, qui constitue l'idéal méthodologique de toute science réflexive et de tout révisionnisme, ne connaît pas de contradiction, d'antagonisme, dans son objet ; si elle rencontre néanmoins une contradiction entre les différentes théories, elle n'y voit qu'un symptôme du caractère inachevé du degré de connaissance atteint jusqu'alors. Les théories qui semblent se contredire doivent trouver dans ces contradictions mêmes leurs limites ; elles doivent donc être modifiées en conséquence et subsumées sous des théories plus générales dans lesquelles les contradictions disparaîtront définitivement. Dans le cas de la réalité sociale, par contre, ces contradictions ne sont pas des symptômes d'une imparfaite appréhension scientifique de la réalité, mais appartiennent, d'une manière indissoluble, à l'essence de la réalité même, à l'essence de la société capitaliste. Leur dépassement dans la connaissance de la totalité ne les fait pas cesser d'être des contradictions. Au contraire, elles sont comprises en tant que contradictions nécessaires, en tant que fondement antagonique de cet ordre de production. Quand la théorie en tant que connaissance de la totalité ouvre la voie au dépassement de ces contradictions, à leur suppression, elle le fait en montrant les tendances réelles du processus de développement de la société qui sont appelées à dépasser réellement ces contradictions dans la réalité sociale, au cours du développement social. »
    « L'idéal épistémologique des sciences de la nature qui, appliqué à la nature, ne fait que servir le progrès de la science, apparaît lorsqu'il est appliqué à l'évolution de la société comme un instrument de combat idéologique de la bourgeoisie. Pour cette dernière, c'est une question vitale, d'une part, de concevoir son propre ordre de production comme constitué par des catégories valables d'une manière intemporelle et destinées à exister éternellement grâce aux lois éternelles de la nature et de la raison et, d'autre part, de juger les contradictions qui s'imposent à la pensée d'une manière inévitable, non pas comme des phénomènes appartenant à l'essence même de cet ordre de production, mais comme de simples faits de surface. La méthode de l'économie classique est issue de ce besoin idéologique, mais elle a trouvé aussi ses limites, en tant que connaissance scientifique, dans cette structure de la réalité sociale, dans le caractère antagonique de la production capitaliste. Si un penseur de l'importance de Ricardo nie « la nécessité de l'élargissement du marché correspondant à l'augmentation de la production et à l'accroissement du capital », il le fait (bien entendu, de manière inconsciente) pour ne pas être obligé de reconnaître la nécessité des crises dans lesquelles se révèle, de la manière la plus grossière, l'antagonisme fondamental de la production capitaliste, le fait que « le mode de production bourgeois implique une limitation du libre développement des forces productives ».
    « La possibilité de la méthode marxiste est, par suite, un produit de la lutte des classes, tout comme n'importe quel résultat de nature politique ou économique. »
    - Gyorgy Lukàcs, Histoire et conscience de classe (1922).



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