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(pp.118-119)
"I. - La Pensée sans images.
Constamment nous surprenons notre pensée agissante en dehors de tout produit introspectif, en dehors, particulièrement, de tout langage intérieur ; constamment, nous remarquons que la réponse de notre corps se guide d'après un jugement, d'après des commandements psychiques qui ne se laissent représenter par aucune idée. Lorsque nous regardons un inconnu fixement, et qu'il nous surprend tout à coup, avons-nous besoin du moindre langage intérieur pour nous décider à cet acte, si simple en apparence, mais si compliqué en réalité, qui consiste à détourner le regard ? Nous avons trop d'exemples de nos réactions, de ces adhésions spontanées à une opinion exprimée devant nous, ou du refus catégorique et sans délibération de notre être à admettre un raisonnement. Et combien de fois ne restons-nous pas impuissants à expliquer en quoi tel raisonnement choque notre pensée, impuissants que nous sommes à réduire notre pensée en raisonnements de forme plus ou moins syllogistique ?
S'il en est ainsi, si la pensée se passe d'images, n'est-ce pas que son fait propre est en dehors des images, que sa nature véritable doit être cherchée ailleurs?" (pp.119-120)
"Voici, pour aborder le fond même de notre sujet, un exemple d'autoanalyse pris entre mille, que nous allons étudier longuement. Je suppose que je suis en train de travailler à une description littéraire : voulant parler du jour qui se lève, j'écris la phrase : « L'horizon se couvre d'une légère... couleur ? ou teinte ? (Hésitation)... Voyons, teinte Hum... ou couleur ?... (Vivement) : Ah non, couleur pas, ça ne va pas. (Réfléchissant:) Pourtant, teinte est bien insuffisant. Au fond, qu'ai-je besoin d'un mot comme ça ? Si je cherchais, ailleurs...? (Tout à coup
Que je mette le nom de la teinte : pourpre. (Relisant « l'Horizon se couvre d'une légère... pourpre ? » (M'indignant.) Oh l cette légère pourpre, je la retiendrai ! (Réfléchissant et croyant avoir trouvé D'une ligne pourpre; mais oui, d'une ligne pourpre. (Tout à coup) Se couvrir d'une ligne ? Non, ça ne va pas. (Brusquement écrivant A l'horizon montait une ligne pourpre. (En manière de conclusion J'ai déjà vu « ça » quelque part mais comme je ne sais pas où, « ça » peut aller. »." (p.120)-Dan Badareu, "Sur la nature des images", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 100 (JUILLET A DÉCEMBRE 1925), pp. 118-138.
