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    « L’essence de l’homme » selon Marx (Thèses sur Feuerbach)

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Marx - « L’essence de l’homme » selon Marx (Thèses sur Feuerbach) Empty « L’essence de l’homme » selon Marx (Thèses sur Feuerbach)

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 7 Oct - 10:36

    https://major-prepa.com/culture-generale/marx-theses-feuerbach-essence-homme/

    "Le texte de la sixième thèse, traduit par Georges Labica, est le suivant (nous le reproduisons dans son intégralité) :

    Feuerbach résout l’essence religieuse en l’essence humaine. Mais l’essence humaine n’est pas une abstraction inhérente à l’individu singulier. Dans sa réalité effective, elle est l’ensemble des rapports sociaux. Feuerbach, qui n’entre pas dans la critique de cette essence réelle affective, est, par conséquent, contraint :
    1. De faire abstraction du cours de l’histoire et de fixer le sentiment religieux pour soi, et de présupposer un individu humain abstrait – isolé.
    2. L’essence ne peut donc plus être saisie que comme « genre », comme universalité interne, muette, liant les nombreux individus de façon naturelle."

    "Dans son livre principal, L’essence du christianisme, le philosophe allemand critique le christianisme comme une aliénation de l’Homme. Selon lui, la religion chrétienne attribue à Dieu des qualités comme l’amour, la bonté, qui sont celles de l’être humain.

    Ce faisant, le christianisme produirait une « aliénation » des puissances humaines. En effet, en attribuant leurs qualités à un Dieu séparé d’eux, les hommes se sépareraient de ces qualités, et perdraient conscience de leurs propres capacités."

    "Lorsqu’il parle de l’essence humaine, Feuerbach définit en effet « l’homme » par certaines caractéristiques que tous les êtres humains ont en commun, et qui leur sont spécifiques. Mais cette définition de l’homme est abstraite car isolée de la vie réelle des êtres humains : elle met en évidence des caractéristiques qui sont seulement inhérentes à l’individu singulier. Cette conception abstraite de l’essence humaine pose alors deux problèmes, que Marx énumère l’un après l’autre.

    Première critique : cette conception de l’essence humaine empêche de penser l’histoire
    En cherchant à définir l’essence de l’être humain comme un ensemble de caractéristiques que tous les individus auraient en commun, on fait « abstraction du cours de l’histoire » . Dès lors, en pensant la religion chrétienne comme une aliénation de l’Homme en général, Feuerbach s’empêche de penser le sentiment religieux comme un « produit social » (thèse VII). Marx reproche ainsi à Feuerbach de « fixer le sentiment religieux pour soi » , c’est-à-dire de ne pas le rapporter au contexte historique et social qui favorise son apparition.

    Autrement dit, penser l’essence de l’homme de façon abstraite conduit, selon Marx, à ne pas s’intéresser à l’histoire. Cela mène en effet à rapporter les phénomènes historiques à « l’Homme » en général, et non pas à des êtres humains réels, vivant dans des conditions et un contexte social particuliers.

    Dans le cas de la religion, Marx reproche ainsi à Feuerbach de la penser en relation avec « l’essence humaine » sans la rapporter au contexte historique où elle émerge et où elle se développe. « L’individu humain » dont parle Feuerbach est donc « abstrait » au sens où il est isolé du contexte social où vivent les individus réels, ce qui mène à la deuxième critique.

    Deuxième critique : cette conception de l’essence humaine empêche de penser les rapports sociaux
    Marx souligne ainsi que la question de l’essence humaine est souvent posée en partant d’un homme singulier et « isolé » . L’essence humaine est alors saisie comme « genre« (terme que Marx met entre guillemets pour prendre des distances par rapport à lui). Autrement dit, l’essence humaine est comprise comme ce qui définit le « genre humain », c’est-à-dire l’ensemble de caractéristiques qui permettent de caractériser un individu comme un humain.

    C’est donc dire que la définition de l’essence humaine porte une forme d’universalité, au sens où elle permet de souligner les caractéristiques que tous les êtres humains ont en commun. Mais cette universalité est « muette » : elle ne repose pas sur des relations réelles entre les êtres humains. Marx oppose ainsi, implicitement, l’universalité « muette« de l’essence humaine telle que Feuerbach la pense à une universalité réelle, celle que les rapports sociaux entre les êtres humains pourraient constituer.

    L’essence humaine comme ensemble des rapports sociaux
    L’essence humaine « dans sa réalité effective«
    Marx reproche ainsi aux penseurs qui l’ont précédé de penser l’essence humaine comme une « abstraction » . Il entreprend alors de penser l’essence humaine « dans sa réalité effective », c’est-à-dire comme « l’ensemble des rapports sociaux ».

    Les commentateurs divergent sur la façon de comprendre cette idée, mais il ya deux interprétations principales.

    La première, retenue par Althusser, consiste à expliquer que pour Marx, il faudrait abandonner la notion d' »Homme ». Il faudrait ainsi étudier les rapports sociaux tels qu’ils se présentent réellement dans une société donnée, sans se préoccuper de l’essence humaine. Marx dirait alors que l’essence humaine est une abstraction et une mystification, qui masque la « réalité effective » des rapports sociaux entre les êtres humains.

    D’autres commentateurs, comme Lucien Sève, font remarquer que Marx reproche à Feuerbach de ne pas « entrer dans la critique de cette essence réelle affective » . Il semble donc bien qu’il y ait une « essence réelle » de l’être humain, qui soit l’ensemble des rapports sociaux. Pour ces commentateurs, il y a donc bien une anthropologie marxiste, c’est-à-dire une théorie marxiste de ce qu’est l’humanité.

    En affirmant que l’essence humaine, dans son effectivité, est « l’ensemble des rapports sociaux », Marx donne en tout cas une place centrale aux relations entre les êtres humains.

    Il n’y a pas d’individu isolé antérieur au rapport social
    Pour lui, l’idée d’un « individu singulier » isolé de ces rapports sociaux est en effet une « abstraction », à laquelle il oppose l’observation des êtres humains réels toujours pris dans des rapports sociaux déterminés.

    Si Feuerbach ne pouvait penser ce que les êtres humains ont en commun que comme appartenance à un même « Genre » , la définition marxiste de l’essence humaine permet au contraire de rendre compte de la manière dont les rapports que nous entretenons avec les autres nous constituent et nous transforment. Marx reproche ainsi à la définition de Feuerbach de « lier les nombreux individus de façon naturelle » : en réalité, « les […] individus » ne sont pas seulement liés de façon naturelle, ils sont aussi et surtout liés par les relations qu’ils entretiennent entre eux.

    Conclusion : les conséquences de la thèse de Marx
    Cette thèse de Marx est lourde de conséquences philosophiques, mais aussi, indirectement, politiques, car elle rompt avec une importante tradition philosophique de recherche de ce qu’est l’être humain. Si l’essence humaine, dans son effectivité, est « l’ensemble des rapports sociaux« , alors pour comprendre l’humanité, il faut en passer par l’étude des sociétés et des contextes historiques où les êtres humains évoluent, et non pas par ce que la thèse XI appellera « l’interprétation » philosophique.

    Parallèlement, sur le plan politique, Marx refuse, à travers cette thèse, de défendre le socialisme au nom de « l’Homme » ou du « Genre » humain qu’il s’agirait de libérer. Au contraire, à partir de L’idéologie allemande, il s’applique à analyser la manière dont des hommes déterminés, d’une époque historique déterminée, sont opprimés par le système capitaliste, et à rechercher la façon dont ils pourraient s’en libérer. En ce sens, cette interrogation autour de l’essence humaine est motivée par l’impératif énoncé dans la dernière des Thèses sur Feuerbach : celui de « transformer le monde » et de s’en donner les moyens."




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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