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    Jacques Hardré, Charles Péguy et Albert Camus. Esquisse d'un parallèle

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Albert - Jacques Hardré, Charles Péguy et Albert Camus. Esquisse d'un parallèle Empty Jacques Hardré, Charles Péguy et Albert Camus. Esquisse d'un parallèle

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 16 Aoû - 15:26



    "Péguy et Camus.

    De prime abord, rien ne semblerait justifier ce rapprochement. Un poète chrétien, chantre de l'espérance, et un écrivain antithéiste, héraut de l'absurde, voilà bien deux extrêmes et combien téméraire apparait celui qui tenterait de les joindre.

    Pourtant la lecture des œuvres de ces deux jeunes Français et l'investigation de leurs vies font surgir de frappantes ressemblances, trop nombreuses et trop profondes pour être écartées légèrement.

    Notons d'abord que P6guy et Camus naquirent tous les deux dans un milieu pauvre. Péguy, d'un père qui gagnait péniblement sa vie comme ouvrier en menuiserie et qui mourut des suites de la guerre de 1870, dix mois après la naissance de son fils. Camus, d'un père ouvrier agricole qui mourut dix mois après la naissance d'Albert, des suites d'une blessure reçue à la bataille de la Marne (la même bataille où Péguy lui-même trouva la mort.

    Elevés tous les deux par leur mère et leur grand'mère, Camus et Péguy furent sans aucun doute grandement influencés par le caractère et l'exemple de ces femmes. La mère de Péguy était rempailleuse de chaises. "J'ai vu toute mon enfance, écrit-il dans l'Argent, rempailler des chaises exactement du même esprit et du même cœur et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales." Péguy se souviendra toute sa vie de cet exemple d'un travail bien fait.

    La mère de Camus faisait des ménages. Dans l'Entre oui et non nous trouvons cette page révélatrice:

    Si l'enfant entre a ce moment, il distingue la maigre silhouette aux épaules osseuses et s'arrête: II a peur. Il commence à sentir beaucoup de choses... II a pitié de sa mère, est-ce l'aimer ? Elle ne l'a jamais caressé puisqu'elle ne saurait pas. II reste alors de longues minutes à la regarder. A se sentir étranger, il prend conscience de sa peine. Elle ne l'entend pas, car elle est sourde. Tout à l'heure la vieille rentrera, la vie renaitra: la lumière ronde de la lampe à pétrole, la toile cirée, les gros mots. Mais maintenant, ce silence marque un temps d'arrêt, un instant démesuré. Pour sentir cela confusément, l'enfant croit sentir, dans l'élan qui l'habite, de l'amour pour sa mère. Et il le faut bien parce qu'après tout c'est sa mere.

    Le portrait de "la mère" qu'on trouve dans plusieurs œuvres de Camus est presque toujours le même et est calqué, n'en doutons pas, sur celui de sa propre mère.

    Péguy et Camus, enfants pauvres, firent tous les deux leurs premières classes à l'école communale, mais Péguy alla ensuite a l'école annexe de l'Ecole Normale d'Orléans. Tous les deux furent remarqués par un de leurs instituteurs qui les encouragea à concourir pour une bourse afin de pouvoir poursuive leurs études au lycée. Pour l'un et l'autre, cette intervention éclairée de la part d'un maitre fut décisive. Péguy se fit immédiatement remarquer par sa supériorité intellectuelle et obtint plusieurs bourses qui lui permirent éventuellement d'entrer à l'Ecole Normale Supérieure à Paris en 1894. Camus, lui aussi, fut excellent élève au lycée et poursuivit ses études de philosophie à l'Université d'Alger. En 1936, il rédigea un diplôme d'études supérieures et se préparait pour le concours d'agrégation en philosophie qu'il ne put subir pour raisons de santé. Péguy échoua à l'agrégation et renonça poursuivre ses études pour se consacrer d'abord à la gérance d'une librairie et ensuite l'édition des Cahiers de la Quinzaine.

    Pendant leurs années d'études, tous les deux se distinguèrent par leur amour du sport. Grand marcheur, Péguy aimait aussi la natation et le football, et nous savons qu'en 1889 il fut élu, par ses condisciples, président de l'Union Sportive du lycée d'Angers. Camus, lui aussi pratiquait la natation et, de 1928 A 1930, fut gardien de buts de l'équipe de football du Racing Universitaire d'Alger.

    Dès cette époque de leur vie, Camus et Péguy s'étaient assurés le respect et l'estime de leurs condisciples." (pp.471-472)
    -Jacques Hardré, "Charles Péguy et Albert Camus. Esquisse d'un parallèle", The French Review (Published By the American Association of Teachers of French, Vol. 40, No. 4 (Feb., 1967), pp. 471-484.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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