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    Robert Michels, Les partis politiques - essai sur les tendances oligarchiques des démocraties (1914)

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Robert Michels - Robert Michels, Les partis politiques - essai sur les tendances oligarchiques des démocraties (1914) Empty Robert Michels, Les partis politiques - essai sur les tendances oligarchiques des démocraties (1914)

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 18 Fév - 9:06

    https://ia801406.us.archive.org/28/items/lespartispolitiq00michuoft/lespartispolitiq00michuoft.pdf

    S'il fallait résumer ce grand livre d'un extrait, ce serait le suivant: "Le désir de dominer, pour le bien ou pour le mal, sommeille au fond de toute âme humaine. Ce sont là des enseignements élémentaires de la psychologie". Tolkien n'avait pas autre chose en tête lorsqu'il écrit Le Seigneur des Anneaux. Il y a quelque chose de presque spinoziste dans la vision qu'à Robert Michels de la condition humaine: le désir de pouvoir et de reconnaissance, l'antagonisme qui s'ensuit (les ressources étant limitées), et le mouvement existentiel de l'être vers l'expansion (ce que Spinoza nomme le conatus).


    "Une lutte ne peut avoir des chances de succès que dans la mesure où elle se déroule sur le terrain de la solidarité entre individus ayant des intérêts identiques."

    "La multitude annihile l'individu, et, avec lui, sa personnalité et son sentiment de responsabilité."

    "Qui dit organisation, dit tendance à l'oligarchie."

    "Les chefs ont existé à toutes les époques, à toutes les phases de développement, dans toutes les branches de l'activité humaine. Il est vrai que certains militants, surtout parmi les marxistes orthodoxes du socialisme allemand, cherchent à nous persuader aujourd'hui que le socialisme n'a pas de chef, mais tout au plus des employés, parce qu'il est un parti démocratique et que l'existence de chef est incompatible avec la démocratie. Mais une pareille assertion, contraire à la vérité, ne peut rien contre une loi sociologique. Elle a, au contraire, pour effet de fortifier la domination des chefs, en dissimulant aux masses un péril qui menace réellement la démocratie."

    "Il n'est pas exagéré d'affirmer que parmi les citoyens jouissant des droits politiques, le nombre de ceux qui s'intéressent vraiment aux affaires publiques est insignifiant. Chez la majorité, le sens des rapports intimes qui existent entre le bien individuel et le bien collectif est très peu développé. La plupart n'ont pas le moindre soupçon des influences et des contrecoups que les affaires de cet organisme qu'on appelle Etat peuvent exercer sur leurs intérêts privés, sur leur prospérité et sur leur vie."

    "Les grandes masses ne répondent à l'appel que si on leur promet l'intervention d'un orateur de marque ou si on a soin de leur lancer un mot d'ordre particulièrement violent [...] La masse se montre encore assez empressé, lorsqu'on la convoque à une représentation cinématographique ou à une conférence de vulgarisation scientifique, accompagnée de projections ou de lanterne magique. Bref, elle a un faible pour tout ce qui frappe les yeux et pour les spectacles devant lesquels les passants se rassemblent bouchée bée sur la voie publique."

    "Tout en murmurant quelquefois, la majorité est enchantée au fond de trouver des individus qui veuillent bien s'occuper de ses affaires. Le besoin d'être dirigées et guidées est très fort chez les masses, même chez les masses organisées du parti ouvrier. Et ce besoin s'accompagne d'un véritable culte pour les chefs qui sont considérées comme des héros. [...] Et cela s'explique par la plus grande division du travail dans nos sociétés civilisées modernes: n'en résulte-t-il pas en effet une difficulté croissante d'embrasser d'un coup d'œil d'ensemble toute l'organisation politique de l'Etat et son mécanisme de plus en plus compliqué ?"

    "La vénération des chefs persiste après leur mort. Les plus grands d'entre eux sont tous simplement sanctifiés. [...] Karl Marx lui-même n'a pas échappé à cette sorte de canonisation socialiste [...] De même que les chrétiens d'autrefois donnaient à leurs nouveau-nés les noms des grands fondateurs de la nouvelle religion, saint Pierre et saint Paul, de même les parents socialistes d'aujourd'hui donnent à leurs bambins, dans certaines parties de l'Italie centrale, où le parti a réussi à s'implanter, les noms de Lassalo et de Marxina. C'est là, pour ainsi dire, un emblème de la nouvelle foi."

    "Les masses éprouvent un besoin profond de s'incliner non seulement devant les grandes idéalités, mais aussi devant les individus qui, à leur yeux, représentent celles-ci. Leur idéalisme les pousse à s'agenouiller devant des divinités temporelles auxquelles elles s'attachent avec un amour d'autant plus aveugle que la vie qu'elles mènent est plus rude."

    "L'adoration provoque facilement la mégalomanie chez celui qui en est l'objet."

    "Il n'est pas de foule qui soit capable de se soustraire au pouvoir esthétique et émotif de la parole."

    "Ce que les masses subissent au plus haut degré, c'est le prestige de la célébrité."

    "L'observation la plus superficielle nous montre que dans les partis du prolétariat, les chefs sont, par l'instruction, supérieurs à la masse."

    "En se donnant des chefs, les ouvriers se créent, de leurs propres mains, de nouveaux maîtres."

    "Beaucoup de députés savent, à force de digressions, de périphrases et de subtilités terminologiques, faire de la question la plus simple et la plus naturelle du monde un mystère sacré dont ils possèdent seuls la clef."

    "L'insuffisante maturité politique des masses et l'impossibilité de réaliser le postulat de la souveraineté populaire dans toute son ampleur ont été reconnues par quelques-uns des partisans les plus ardents de la démocratie."

    "En général, les chef ne tiennent pas les masses en haute estime. [...] Les chefs ouvriers avouent parfois eux-mêmes, avec une sincérité qui frise le cynisme, leur supériorité réelle sur les milices confiées à leur commandement et leur ferme propos de ne pas admettre que celles-ci leur imposent une ligne de conduite."

    "Les chefs qui ont commencé par être les obligés de leurs subordonnés, finissent à la longue par devenir leurs seigneurs: c'est là une vieille vérité déjà énoncée par Goethe, lorsqu'il fait dire à Méphistophélès que l'homme se laisse toujours dominer par sa propre créature."

    "Il n'en reste pas moins que si le parti démocratique ne peut se passer de chefs autocratiques, il peut du moins les changer."

    "Les démagogues sont les courtisans de la volonté populaire. Au lieu d'élever la masse à eux, ils s'abaissent vers elle. Sous la fausse et mensongère assurance, souvent accompagnée de gestes tragi-comiques, que leur suprême ambition est de se prosterner, en humbles esclaves, aux pieds du peuple, les démagogues ne visent, en réalité, qu'à plier ce peuple sous leur joug et à régner en son nom."

    "Les divergences qui provoquent les luttes entre les chefs peuvent avoir l'origine la plus diverse.
    On peut, d'une manière générale, les ranger dans deux catégories: divergences d'ordre personnel, divergences de principe ou d'ordre intellectuel. Mais cette division est purement théorique, car le plus souvent les divergences de principes ne tardent pas à dégénérer en divergences personnelles
    ."

    "Tous les moyens sont bons pour conquérir et conserver le pouvoir."

    "Comme les catholiques qui, toutes les fois qu'ils sont en minorité, deviennent des partisans fervents de la liberté, les chefs socialistes, qui sont à la tête de la minorité opposante de leur parti, se posent en ennemis acharnés de toute tyrannie. Ils protestent avec véhémence contre l'esprit étroit et policier des chefs au pouvoir et affectent une attitude irréprochablement démocratique.
    Mais, à peine les nouveaux chefs sont-ils parvenus à leurs fins, à peine ont-ils réussi à abattre, au nom des droits lésés de la masse anonyme, l'odieuse tyrannie de leurs prédécesseurs et à s'emparer du pouvoir à leur tour, on voit aussitôt s'opérer en eux une transformation qui finit par les rendre exactement semblable, sous tous les rapports, aux tyrans détrônés.
    [...] Le fait est que les révolutionnaires d'aujourd'hui sont les réactionnaires de demain
    ."

    "A l'apathie des foules et à leur besoin d'être guidées correspond, chez les chefs, une soif illimitée du pouvoir. Et c'est ainsi que le développement de l'oligarchie démocratique se trouve favorisé, accéléré par les propriétés générales de la nature humaine."

    "Le désir de dominer, pour le bien ou pour le mal, sommeille au fond de toute âme humaine. Ce sont là des enseignements élémentaires de la psychologie."

    "Quiconque a réussi à conquérir le pouvoir cherchera généralement à le consolider et à l'étendre."

    "Une dictature personnelle conférée par le peuple, selon les normes constitutionnelles: telle était l'interprétation bonapartiste de la souveraineté du peuple."

    "Les bourgeois et les paysans français du milieu du XIXème siècle, imbus d'idées démocratiques, détestaient la monarchie légitimiste, mais donnaient volontiers leurs votes au troisième Napoléon, parce qu'ils se rappelaient avec quelles facilité leurs pères sont devenus grands dignitaires sous son glorieux oncle."

    "Le bureaucrate croit facilement et sincèrement qu'il connaît les besoins de la masse mieux que celle-ci ne les connaît elle-même."

    "Il est certain que pour défendre ses privilèges avec ténacité et persévérance, la classe privilégiée doit posséder, entre autres qualités, une indomptable énergie qui se concilie facilement avec la cruauté et l'absence de scrupules, mais se montre particulièrement efficace lorsqu'elle découle de la ferme conviction qu'on a pour soi le bon droit."

    "Le peuple allemand, pris dans son ensemble, n'a pas encore réussi à s'affranchir de la haine du Juif, ou tout au moins d'un vague sentiment de mépris à son égard."

    "Il est des gens qui sont en haut et éprouvent un besoin irrésistible de descendre en bas, des gens qui se trouvent trop à l'étroit sur leurs sommets et croient qu'on jouit en bas d'une liberté plus grande et d'horizons plus vastes. Ils cherchent la "sincérité", le "peuple", dont ils se sont fait une image idéale. Ce sont des idéalistes qui frisent la folie."

    "Tout membre de la classe ouvrière aspire à s'élever à une classe supérieure qui lui garantisse une existence meilleure et plus large. S'élever jusqu'à la petite bourgeoisie: tel es l'idéal individuel de l'ouvrier."

    "Aux anarchistes revient le mérite d'avoir été les premiers à insister avec énergies sur les conséquences hiérarchiques et oligarchiques des organisations de parti.
    Plus que les socialistes et même que les syndicalistes, les anarchistes ont une vision nette des défauts de l'organisation. [...] Afin d'échapper à ce péril, les anarchistes ont, en dépit des inconvénients qu'une pareille conduite implique dans la pratique, renoncé à constituer un parti, du moins dans le sens étroit du mot
    ."

    "L'organisation cesse ainsi d'être un moyen, pour devenir une fin."

    "Il convient de dire toutefois que la théorie de la circulation des élites, formulée par M. Pareto, ne peut être acceptée qu'avec des réserves, en ce sens qu'il s'agit bien moins souvent d'une succession pure et simple des élites que d'un mélange incessant, les anciens éléments arrivant, absorbant et s'assimilant sans cesse les nouveaux."

    "Le système des saint-simoniens est d'un bout à l'autre autoritaire et hiérarchique. Les disciples de Saint-Simon ont été si peu choqués par le césarisme de Napoléon III que la plupart d'entre eux y adhérèrent avec joie, croyant y voir la réalisation des principes de socialisation économique."

    "Toutes les fois que la théorie socialiste avait voulu entourer de garanties la liberté personnelle, elle a abouti aux uébulosités de l'anarchisme individualiste ou à des propositions qui, à l'encontre des bonnes intentions de leurs auteurs, ne pouvaient faire de l'individu que l'esclave de la masse."

    "Le socialisme fera naufrage pour n'avoir pas aperçu l'importance que présente pour notre espèce le problème de la liberté."

    "L'oligarchie est comme la forme préétablie de la vie en commun des grands agrégats sociaux."

    "Ce serait commettre une grande erreur que de tirer de toutes ces constatations et convictions scientifiques la conclusion qu'il faut renoncer à toute recherche sur les limites des puissances oligarchiques (Etat, classe dominante, parti, etc.) qui se superposent à l'individu. Et ce serait commettre une erreur non moindre que d'en conclure qu'il faut renoncer à l'entreprise désespérée de trouver un ordre social rendant possible la réalisation complète du concept de souveraineté populaire.
    En écrivant ce livre, nous n'avions nullement l'intention (et nous l'avons dit dès le commencement) d'indiquer des voies nouvelles.
    Il nous a seulement paru nécessaire de faire ressortir la solution pessimiste que l'histoire nous offre de ce problème ; et nous avons voulu rechercher si, et dan quelles limites, la démocratie est un idéal qui n'aura jamais pour l'histoire humaine d'autre valeur que celle d'un critère moral permettant d'apprécier dans ses oscillations et nuances les plus légères le degré d'oligarchie immanente à tout régime social ; en d'autre termes si, et dans quelle mesure, la démocratie est un idéal que nous ne pouvons pas nous attendre à voir traduit dans la réalité
    ."

    "C'est donc à la pédagogie sociale qu'incombe la grande mission d'élever le niveau des masses, afin de les mettre à même de s'opposer, dans les limites du possible, aux tendances oligarchiques qui les menacent."


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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